Logement social : vers la fin des appartements en HLM garantis "à vie" ?

Logement social : vers la fin des appartements en HLM garantis “à vie” ?

Le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, a annoncé dans le journal Les Echos vouloir réformer la réglementation autour des logements sociaux pour mettre fin au renouvellement illimité du bail dans les HLM, accessibles sous conditions de ressources, lorsque les locataires gagnent trop bien leur vie. Mais la loi oblige déjà les bailleurs sociaux à vérifier les revenus des habitants, et autorise les expulsions. On fait le point.

Mettre fin au bail des locataires de logements sociaux qui ne sont plus éligibles à cause de revenus trop élevés. L’idée a été lancée par le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, dans un entretien aux Echos. En effet, en 2023, le nombre de ménages en attente d’un logement social, c’est-à-dire un appartement en partie financé par l’État au loyer bien moins haut que celui du marché privé, a atteint 2,6 millions, un chiffre record. L’année 2023 a aussi marqué un record du plus faible nombre de HLM agréés ou construits : 82 000, au lieu des 110 000 espérés. Dans ces conditions, la liste des demandeurs, dont les conditions de ressources permettent difficilement de se loger ailleurs, continue de s’allonger indéfiniment. Pour pallier ce déséquilibre, le gouvernement propose donc de s’intéresser à ceux qui ont pu accéder à un logement social à un moment donné, mais qui gagnent désormais trop bien leur vie, selon lui, pour y rester.

8 % de personnes dépassent le plafond d’accès au HLM

Il existe trois catégories de HLM : les PLAI, les logements pour les plus précaires, les Plus, et les PLS, pour les revenus un peu moins bas. Par exemple, le plafond d’accès à un PLAI, c’est-à-dire la somme maximum des revenus au-delà de laquelle une personne ne peut plus demander l’accès à ce logement, est d’environ 14 000 euros annuels imposables pour une personne seule en région parisienne, 12 000 ailleurs en France. Pour un couple, il est de 22 500 euros sur Paris, et 17 500 euros ailleurs. Les Plus sont adaptés aux revenus modestes (25 200 pour une personne seule à Paris et en banlieue, 22 000 dans les autres régions), quand les PLS sont destinés à être occupés par des personnes de classe moyenne dans les zones tendues, comme l’explique le bailleur CDC Habitat. Le plafond à ne pas dépasser est de 32 700 ou de 28 400 pour une personne seule.

Aujourd’hui, 8 % des occupants des HLM en France gagnent un peu plus d’argent qu’au moment de leur demande et dépassent ce plafond. Le ministre souhaite “réinterroger la pertinence” de laisser ces personnes continuer à occuper leur logement social, et souhaite que les bailleurs organisent “une évaluation régulière et obligatoire” des locataires, afin “d’interroger le renouvellement du bail” et “le niveau des loyers”. Sauf que cette réglementation existe déjà. Le ministre souhaite cependant la durcir.

Que dit actuellement la loi ?

Aujourd’hui, effectivement, un locataire dans un HLM profite d’un bail différent, dont le renouvellement pourrait être qualifié “d’illimité” (d’où l’expression de “logement garanti à vie”) mais sous plusieurs conditions. Déjà, un supplément de loyer peut-être appliqué lorsqu’une personne gagne plus d’une certaine somme, mais souhaite rester dans son logement. Par ailleurs, la loi prévoit déjà que le bailleur puisse expulser le locataire qui aurait des ressources trop importantes sur plusieurs années de suite, sauf si celui-ci est âgé de plus de 65 ans ou est en situation de handicap. Cependant, dans certains territoires à la population particulièrement précaire, l’État met en avant les bénéfices de la mixité sociale, et cette règle n’est pas vraiment appliquée. Néanmoins, chaque année, des personnes quittent leur logement pour des questions de revenus, selon Emmanuelle Cosse, de l’Union sociale pour l’habitat.

“Chaque année, les organismes HLM envoient aux locataires un questionnaire qu’ils doivent remplir par rapport à leurs ressources, en joignant leur feuille d’impôts, etc. donc il y a déjà des contrôles qui sont faits”, assure CNL. Si leurs ressources sont supérieures à un certain coefficient, qui est de 150 % au-dessus du plafond d’accès au logement, alors ils paient plus cher leur loyer, c’est ce qu’on appelle un surloyer. Au bout de la troisième année de paiement d’un surloyer, le locataire peut déjà se voir demander de partir. Environ 3 % des locataires, soit 80 000 personnes, payent déjà un surloyer.

“Il n’y a pas de riches en HLM, c’est une légende”

C’est pourquoi, selon Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du Logement, une association de défense des locataires, membre du Parti communiste et ex-élu dans le Nord, il s’agit là “d’un coup de pub”, de la part du ministre, de cibler les 8 % de locataires au-dessus du plafond. “Ils ne vont pas expulser ces 400 000 personnes qui gagnent un peu plus que le plafond, qui est déjà très bas ! Où vont-elles aller ? Le privé, c’est trop cher”, assure-t-il, avant de donner un exemple. “Une infirmière en début de carrière qui vit seule en région parisienne, elle rentre tout juste dans les critères pour faire une demande de logement dans un PLAI, où les loyers sont les plus bas. Mais une infirmière qui fait quelques heures supplémentaires, et qui a un peu d’ancienneté, elle rentre dans les 8 % que cible le ministre”, ajoute l’auteur du livre HLM mon amour.

Le projet de loi de Guillaume Kasbarian, qui sera présenté en Conseil des ministres en mai pour un examen parlementaire en juin prochain, prévoit de ramener à 120 % du plafond d’accès (au lieu des 150 %) le coefficient de ressources à partir duquel le bailleur peut demander un surloyer, et donc élargir la part des 3 % de locataires qui en payent, selon les informations d’Eddie Jacquemart, qui parle de “double taxation”. “Ces gens qui ont vu leurs revenus progresser, car l’ascenseur social fonctionne encore un peu dans notre pays, sont taxés deux fois, car ils paient non seulement leurs impôts, mais aussi un surloyer. Et il ne faut pas être très riche pour payer un surloyer”

“On est dans un modèle de HLM français généraliste, qui doit pouvoir accueillir un maximum de personnes. “

Le projet de loi prévoit aussi la prise en compte du patrimoine des locataires, comme cela est déjà fait avec leurs aides sociales, dans le calcul. L’association déplore, de ce fait, une “chasse aux pauvres”. “Il n’y a pas de riches en HLM, c’est une légende. Je pense déjà que ce dont on a besoin dans notre société, c’est de la mixité sociale, pas de créer des ‘ghettos de pauvres’. On est dans un modèle de HLM français généraliste, qui doit pouvoir accueillir un maximum de personnes. Ensuite, il faut dire que les gens qui gagnent 5 000 euros par mois ont autre chose à faire que de garder leur HLM”, argue son président, tout en rappelant que le plafond d’accès au logement social a été abaissé de 10 % il y a 15 ans par la loi Molle, pour diminuer la liste d’attente sur les HLM. “Si on remettait les plafonds au niveau d’avant 2009, ces 8 % disparaîtraient quasiment”, selon lui.

Ainsi, ce projet de loi promet des mesures plus fermes sur que celles qui sont déjà en place depuis plusieurs années, mais rien de véritablement nouveau. De son côté, la CNL plaide pour la construction de 250 000 nouveaux logements sociaux par an. Le ministre ne s’est pas engagé sur un chiffre, mais a assuré vouloir maintenir “les objectifs cibles de 20 à 25% de logements sociaux” dans les communes concernées par la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU).

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