Le premier ministre a présenté, lundi, son plan de lutte contre la « violence des mineurs » en visitant une structure pour élèves décrocheurs, dans un lycée de Nice.
Le premier ministre, Gabriel Attal, inaugure le premier « internat éducatif » à Nice, Le 22 avril 2024.
Le premier ministre, Gabriel Attal, s’est déplacé, lundi 22 avril, au lycée du Parc impérial à Nice, lieu d’expérimentation d’un nouveau programme de « stage de rupture » en internat. Dans cet établissement scolaire, une dizaine de jeunes, âgés de 13 à 16 ans, sont accueillis pendant les deux semaines de vacances de printemps et encadrés par une équipe de quinze adultes – professeurs, éducateurs, réservistes de la gendarmerie, psychologues. Le stage prévoit des cours d’histoire de France, l’apprentissage de La Marseillaise, le nettoyage de tombes de morts pour la patrie, mais aussi du sport et du théâtre, de la sensibilisation aux méfaits des drogues, de l’addiction aux écrans, de la désinformation ou encore du harcèlement.
Contre la violence des jeunes, Gabriel Attal vante sa méthode répressive à Nice
Ce programme s’inscrit dans une politique de lutte contre la « violence des mineurs » annoncée par le premier ministre le 18 avril à Viry-Châtillon (Essonne), et fait écho à d’autres propositions récentes de relance des internats. Dans son discours de politique générale, le 30 janvier, M. Attal proposait de réserver les « 50 000 places d’internat disponibles » à des « jeunes sur la mauvaise pente », pour les « couper de leurs fréquentations » et les empêcher de « plonger dans la délinquance ».
Les contours du dispositif restent flous mais le recours aux internats semble prendre deux directions : des stages de courte durée pendant les vacances ou un placement à l’année, sur la base d’un « volontariat dirigé ». Si l’expérimentation menée à Nice s’avère fructueuse, le programme pourrait être généralisé dans toute la France « d’ici à la fin de l’année ».
Les internats de rééducation dans l’imaginaire collectif
Les syndicats de l’enseignement ont accueilli ce dispositif avec des réserves. Ils ont estimé que ces « séjours de rupture » en internat semblent oublier l’aspect éducatif et entretenir une certaine confusion entre la mission éducative des internats scolaires, tels qu’il en existe des centaines aujourd’hui en France, et la mission coercitive d’internats dits « de rééducation », qui ont disparu depuis des décennies.
Les internats scolaires actuels
Les internats scolaires existent encore à travers le territoire où ils remplissent différentes missions : assurer la présence de lycées en milieu rural ; développer l’offre d’enseignement professionnel ; aider certains jeunes en difficultés. En France, lors de la rentrée 2022-2023, on dénombrait 228 068 places d’internat réparties entre 1 618 établissements. Ces internats sont implantés en majorité en lycée (941, soit 58 %) puis en lycée professionnel (366, soit 23 %), au collège (233, soit 14 %) et en établissement régional adapté (78, soit 5 %). Ces places d’internat, occupées à hauteur de 81 %, sont majoritairement présentes dans l’enseignement public (144 307 places, contre 40 300 dans les établissements privés sous contrat).
«Р’В Les propositions de Gabriel Attal Г©voquent plutР“Т‘t ces derniers qui se sont dГ©veloppГ©s en France au XIXeР’В siГЁcle et ont perdurГ© sous diverses formes, jusquРІР‚в„ўaux annГ©es 1970, dГ©crypte lРІР‚в„ўhistorien David Niget, spГ©cialiste de lРІР‚в„ўhistoire de la jeunesse et des droits des enfants. Les internats de rééducation se distinguent des internats scolaires de tradition bourgeoise et catholique. Ils ont aussi essaimГ© au XIXeР’В siГЁcle, sans vocation strictement disciplinaire, veillant dРІР‚в„ўabord Г transmettre des savoirs, et sans cibler les jeunes de quartiers populaires en Г©chec.Р’В Р’В»
Les internats de rééducation ont laissé des traces dans l’imaginaire politique français. Ses principes de base – éloigner un jeune de son milieu social d’origine et le surveiller – sont régulièrement convoqués comme solution à la violence des jeunes. Comme l’explique David Niget, « les internats de rééducation naissent dans les années 1840 avec pour vocation première d’extraire des enfants de la classe ouvrière ayant fauté de leur milieu social et familial, jugé corrupteur. (…) Des colonies pénitentiaires agricoles sont créées. Dans ces grandes écoles, très répressives, sont enfermés des jeunes de 7 à 21 ans pour les former aux métiers de la terre, en espérant renverser le mouvement de prolétarisation urbaine. »
« Ces colonies pénitentiaires pour enfants étaient devenues des machines à discipliner et à punir »
Dès les années 1870, ces institutions sont vivement critiquées. Une enquête parlementaire les considère comme un échec, car elles concentrent et entretiennent la violence. Malgré la récurrence de ces remises en cause, ce modèle est maintenu sous diverses formes. Ces lieux sont parfois transformés et renommés, des « institutions publiques d’éducation surveillées » dénoncées comme des « bagnes d’enfants » qui ont fait scandale dans l’entre-deux-guerres, au développement de « l’éducation surveillée » en internat dans l’après-guerre, avec l’essor des premiers éducateurs – mais « avec le même projet de cadenasser les jeunes de quartiers populaires », résume David Niget. L’historien précise que ces établissements sont progressivement fermés dans les années 1970 « alors que se déploie le “milieu ouvert”, soit l’accompagnement social et éducatif des jeunes, et les foyers, des formules qui ont fait leurs preuves et respectent mieux les droits des jeunes ».
Sauf que cette approche en milieu ouvert ne dure pas. Côté justice, à partir de 1998, des « foyers renforcés » sont rouverts, puis des « établissements pénitentiaires pour mineurs », et, à partir de la loi Perben de 2002, les « centres éducatifs fermés » accueillant des jeunes de 13 à 18 ans sur décision de justice. Autrement dit, des institutions fermées.
Un retour aux lieux fermés au début des années 2000
En parallèle, côté éducation, sont expérimentées diverses versions d’internats ciblant les élèves en difficulté sociale ou comportementale. En 1998, Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l’enseignement scolaire, lance brièvement les « internats relais » dans la foulée des « classes relais ». Ces internats sont assez mal accueillis par les chefs d’établissements qui déplorent un « effet ghetto ».
En 2000, le ministre de l’éducation nationale Jack Lang veut créer des « internats éducatifs », qu’il différencie « des maisons de redressement », à destination « des élèves qui ne trouvent pas auprès de leurs familles, pour différentes raisons, l’encadrement éducatif dont ils auraient besoin ».
En 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, sont lancés des « établissements de réinsertion scolaire », des internats consacrés aux « élèves perturbateurs », qui seront finalement supprimés en 2012 après des résultats décevants.
De fait, ces différents dispositifs, aux résultats mal évalués, sont rarement pérennes et n’ont pas résisté aux alternances politiques. Les propositions de Gabriel Attal s’inscrivent dans cette lignée, estime le sociologue Arthur Vuattoux, spécialiste de la justice des mineurs : « Elles se situent dans la philosophie classique de la justice des mineurs, basée sur le principe du dépaysement, d’éloigner le jeune de sa famille et de son quartier, vus comme des milieux pathogènes. »
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