FIGAROVOX/TRIBUNE – L’économiste Sylvain Catherine regrette que la question des pensions de retraite ne soit pas abordée lors du débat sur les dépenses publiques. D’autant que la France est le seul pays au monde où les retraités ont un niveau de vie supérieur à celui des actifs, argumente-t-il.
«Plutôt que d’aider les retraités aisés àconsommer, le niveau élevé des pensions préserve l’héritage destiné àleurs descendants».
Sylvain Catherine est économiste et professeur de finance à Wharton, aux États-Unis.
Les pensions de retraite, qui constituent un quart des dépenses publiques, méritent d’être au cœur du débat sur les comptes de la nation. Le besoin de croissance économique et le souci d’un partage équitable des efforts demandés au pays requièrent une contribution des générations retraitées et un allégement de la fiscalité qui pèse sur les actifs. Le niveau historique de la dette publique, héritage des déficits cumulés chaque année depuis 1974 et transmise aux générations futures, exige aussi une participation financière des générations qui l’ont contractée.
Notre croissance économique est découragée par les prélèvements qui pèsent sur les créateurs de richesse et en particulier les salariés. L’investissement en capital humain et l’effort ne sont plus suffisamment récompensés du fait de l’imposition du travail. D’après l’OCDE, les prélèvements obligatoires absorbent 47% des salaires, soit 12 points de plus que la moyenne des pays de l’organisation. Cette fiscalité limite notre capacité à attirer les talents internationaux qui favorisent l’innovation dans d’autres pays comme les États-Unis, le Canada, la Suisse ou le Royaume-Uni, et encourage l’expatriation de nos jeunes talents là où convergent les idées, les chercheurs et les entrepreneurs du monde entier.
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En France, la création de richesse n’est pas seulement découragée par le taux moyen de prélèvement obligatoire. Le taux marginal, qui détermine la part prélevée par l’État sur chaque euro supplémentaire versé par l’employeur, exerce un effet désincitatif tout aussi néfaste. De fait, les taux marginaux de prélèvement découragent autant nos ingénieurs que les travailleurs moins qualifiés. Aux alentours du SMIC, l’INSEE estime qu’un employeur doit verser trois euros pour augmenter d’un euro le pouvoir d’achat d’un salarié. Ainsi, les prélèvements obligatoires finançant les pensions et prestations de santé des retraités contribuent à la sclérose économique du pays. Or la réduction des déficits publics sera d’autant moins douloureuse qu’elle s’accompagne d’un retour de la croissance. Ce retour doit être facilité par l’allègement des prélèvements sociaux sur l’ensemble de la distribution des salaires.
La situation morose des actifs contraste avec celle des retraités actuels qui bénéficient de circonstances exceptionnelles. D’après l’INSEE, les retraités jouissent d’un niveau de vie légèrement supérieur au reste de la population et d’un taux de pauvreté nettement plus bas. Cette situation est aussi singulière dans le monde qu’elle n’est temporaire en France. Dans les années 1980, le niveau de vie des retraités était inférieur de 20% à celui des actifs. Les projections du comité d’orientation des retraites prévoient un retour à cette situation à l’horizon 2060. Cette générosité transitoire n’est pas justifiée par les cotisations versées. Selon le comité, les générations de 1950-1960 recevront 1,40 euro de pension par euro cotisé, contre 1,10 euro pour les cohortes nées après 1980. Ainsi, égaliser le taux de récupération entre générations impliquerait une baisse de 20% des pensions actuelles. En somme, la parenthèse historique que nous traversons coûte 60 milliards d’euros par an et représente 2000 euros de cotisations sociales par salarié.
Davantage que les droits acquis, la générosité des pensions et le tabou qui l’entoure reflètent le poids électoral d’une génération nombreuse qui se rend assidûment dans les bureaux de vote. Dans le débat public, les petites retraites sont instrumentalisées pour servir de bouclier aux grandes. Il est impératif de garantir la protection des retraités les plus vulnérables. Toutefois, leurs difficultés ne doivent plus masquer le fait que le montant moyen des retraites dépasse les besoins de bon nombre de bénéficiaires.
Une conséquence observable de ce phénomène est l’absence de diminution du patrimoine médian des ménages après leur départ à la retraite. En d’autres termes, plutôt que d’aider les retraités aisés à consommer, le niveau élevé des pensions préserve l’héritage destiné à leurs descendants. Ce patrimoine est déjà historiquement élevé du fait de l’évolution du prix des actifs, et en particulier de l’immobilier, au cours des quarante dernières années. Les retraités ont acheté à prix bas des actifs dont la valeur s’est appréciée plus rapidement que les salaires, du fait de l’évolution des taux d’intérêt depuis les années 1980 et des restrictions imposées sur l’extension du parc immobilier. À l’échelle individuelle, de nombreux retraités ont pleinement conscience du confort de leur propre situation financière ainsi que des défis économiques auxquels leurs enfants sont confrontés. Face à cette réalité, ils organisent la transmission de ce patrimoine de leur vivant. Ces retraités sont légitimement fiers d’aider leurs enfants et petits-enfants.
Cependant, ce système n’est ni juste ni sain. Il n’est pas sain car il serait préférable que les actifs puissent s’aider eux-mêmes en travaillant davantage ou en se formant, chose difficile tant les fruits de ces efforts sont absorbés par les cotisations sociales. Il est injuste car seuls les parents aisés peuvent aider leurs enfants. Cela implique que, par le truchement des cotisations retraites, les actifs issus de familles pauvres aident ceux issus de familles aisées. Ceux qui chérissent la méritocratie et l’égalité des chances devraient s’insurger contre ce système réactionnaire. La taxation des héritages sera toujours un sujet de discorde mais leur subvention devrait rencontrer une opposition unanime.
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