Le sociologue avait affirmé que la loi de mars 2004 sur les signes religieux dans les écoles publiques « apparaît, à tort ou à raison, comme discriminatoire à l’égard des musulmans »
Un street-artiste réalise une fresque “laïcité” sur la Place de la laïcité à Paris le 9 décembre 2015.
Libertés – Le sociologue avait affirmé que la loi de mars 2004 sur les signes religieux dans les écoles publiques « apparaît, à tort ou à raison, comme discriminatoire à l’égard des musulmans »
Le sociologue Alain Policar, qui avait rejoint le Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République (CSL) en 2022, encouragé par le ministre de l’Education d’alors, Pap Ndiaye, a été démis de ses fonctions par la ministre de l’éducation nationale, Nicole Belloubet. En cause : des propos sur le voile et la loi de 2004 sur les signes religieux, qui les prohibent à l’école.
Le sociologue avait affirmé, dans une interview à Radio France internationale (RFI) début avril, que la loi de mars 2004 sur les signes religieux dans les écoles publiques « apparaît, à tort ou à raison, comme discriminatoire à l’égard des musulmans » (près de 80 % des musulmans jugent l’application de la laïcité « discriminatoire »). Il avait ajouté ceci : « A mes yeux, le voile n’est pas le plus souvent un signe de prosélytisme – les enquêtes sociologiques montrent qu’il s’agit même souvent d’un vecteur d’émancipation pour les jeunes filles par rapport à leur milieu – et le port du voile devrait donc être analysé chaque fois au cas par cas. Or, la loi ne permet pas cette analyse fine » et ceci : « Aujourd’hui, il est certain que l’application de la loi est difficile, et donc génératrice de tensions. Elle paraît même être intolérante. »
« Amoindrir la loi de 2004 »
Des propos qui ont déclenché l’ire de la présidente du Conseil des sages, Dominique Schnapper, qui a écrit à la ministre pour faire état de « divergences notoires » et indiquer « ne pas pouvoir se reconnaître dans les propos d’Alain Policar », selon Alain Sekzig, membre de ce conseil, contacté par l’AFP.
Pour la ministre, ces mots qui tendent à « amoindrir la loi de 2004 », même en dehors du Conseil, ne sont « pas compatibles » avec la qualité de membre du CSL, a indiqué l’entourage de la ministre à l’AFP.
Le voile, un vecteur d’émancipation ?
Contacté par l’AFP, Alain Policar a dit « contester le raisonnement » qui a conduit à son éviction : « On est désignés dans le conseil en tant qu’expert. Je n’avais donc pas le sentiment d’avoir à abdiquer ma liberté d’expression ». « Les membres qui représentent la position majoritaire s’expriment extrêmement souvent pour donner leur opinion dans divers médias sans jamais que personne ne les rappelle à l’ordre. Il y a donc un deux poids et deux mesures », ajoute-t-il dans Mediapart.
De fait, les propos d’Alain Policar, s’ils sont difficilement compréhensibles ainsi résumés, trouvent leurs origines dans des recherches à ce sujet. Lorsque Alain Policar affirme qu’il s’agit « d’un vecteur d’émancipation pour les jeunes filles par rapport à leur milieu », sa phrase fait par exemple écho aux recherches d’Agnès De Feo sur les femmes en niqab, qui montrent que celles-ci sont loin d’être sous la coupe de leur mari, au contraire. Les jeunes filles peuvent aussi vouloir « échapper à la pression de leurs milieux », rappelle-t-il dans Mediapart.
Vives réactions
Lorsqu’Alain Policar affirme que « le voile n’est pas le plus souvent un signe de prosélytisme », il ne fait que redire d’une autre manière ce qu’ont montré dès 1995 Françoise Gaspard et Farhad Khosrokhavar, dans Le Foulard et la République (La Découverte, 1995). On peut se voiler par amour pour quelqu’un, pour cacher un défaut physique, ou comme Fatouya, interrogée dans Slate, pour « travailler l’essentiel, par opposition à tout le matériel, et l’apparence ». Bref pas toujours uniquement ou principalement pour affirmer sa religion.
L’éviction d’Alain Policar a entraîné de vives réactions dans le monde de la recherche. « Sanctionner un chercheur quand la recherche ne va pas dans le sens du politique, c’est grave », affirme par exemple Cécile Alduy, professeuse à Stanford et au Cevipof de Sciences-Po. « Le pouvoir fait taire le savoir au nom du devoir de réserve », estime Eric Fassin, sociologue à l’université Paris-8.
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