L’affaire Ravel, ou le criant échec de l’école de la République face aux pressions islamistes

l’affaire ravel, ou le criant échec de l’école de la république face aux pressions islamistes

Nicole Belloubet, la ministre de l’Éducation nationale, entourée du préfet de police Laurent Nunez et de Valérie Baglin-Le Goff, directrice de l’Académie de Paris, le 5 mars, lors de son déplacement à la cité scolaire Maurice-Ravel, à Paris.

Cible de menaces de mort sur internet depuis son altercation, il y a un mois, avec une élève majeure qui avait refusé d’ôter son voile dans l’enceinte scolaire, le proviseur du lycée Ravel, dans le 20e arrondissement de Paris, vient de quitter ses fonctions. «La terreur s’est installée, lâche un professeur qui connaît bien le dossier. Des militants djihadistes aux adolescents instrumentalisés sur les réseaux sociaux, ceux qui veulent faire chuter l’école de la République savent désormais comment le faire: en la terrorisant.»

La mise en retrait de ce proviseur renvoie l’image d’un État débordé par la pression islamiste, alors même que les services de l’Éducation nationale, de la police et de la justice ont été largement mobilisés.  L’école républicaine et laïque est devenue une cible pour ce qu’elle est, poursuit ce même professeur. Tout un pan de la société est encore dans le déni, y compris chez les profs. Certes, au niveau politique, il y a une vraie prise de conscience, mais elle intervient trop tardivement.»

Des menaces

Alors que Mickaëlle Paty, près de trois ans et demi après l’assassinat de son frère, Samuel, jeté en pâture sur les réseaux sociaux, vient d’engager une démarche «symbolique», selon ses mots, pour que l’État reconnaisse sa responsabilité (du ministère de l’Éducation nationale en passant par celui de l’Intérieur), l’heure n’est plus aux tergiversations. Après l’altercation qui a eu lieu le 28 février au lycée Ravel, la ministre de l’Éducation, Nicole Belloubet, a apporté son plein soutien au proviseur et s’est rendue dans le lycée parisien, accompagnée du préfet de police, Laurent Nuñez. Dès le 1er mars, le proviseur a bénéficié de la protection fonctionnelle octroyée par le ministère. Les chefs d’établissement parisiens, eux, se sont réunis le 4 mars devant la Sorbonne, pour faire bloc derrière leur collègue.

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Les policiers, envoyés aux abords de l’établissement le 29 février, y patrouillent encore. Quant au rectorat de Paris, il a fait un signalement au procureur de la République, sur le fondement de l’article 40, et les menaces en ligne ont été signalées au ministère de l’Intérieur. Le pôle national de lutte contre la haine en ligne a ouvert une enquête, dans laquelle deux individus ont été identifiés comme à l’origine des menaces de mort. L’un d’entre eux doit être jugé le 23 avril à Paris. Enfin, l’État portera plainte pour «dénonciation calomnieuse» contre l’élève à l’origine de l’affaire, a annoncé Gabriel Attal mercredi. Malgré cela, le proviseur du lycée Ravel a quitté ses fonctions.

«Je respecte sa décision. Et je la comprends. Quand j’ai été agressé en 2001, je n’ai pas pu remettre les pieds dans mon établissement. J’ai demandé à ma hiérarchie une mutation», raconte Kamel Aït Bouali, aujourd’hui chef d’établissement de la cité scolaire Paul-Bert, dans le 14arrondissement de Paris, et secrétaire académique du Sgen-CFDT. Il tient à souligner la violence de l’affaire Ravel: «Celle d’un proviseur qui, après avoir demandé à une jeune fille de retirer son voile, conformément à la loi de 2004, a été menacé de mort sur les réseaux sociaux, sur fond de rumeurs.» Citée le 1er mars dans les colonnes du Parisien, la jeune fille, étudiante en BTS, a affirmé avoir été «poussée» et «tapée violemment au bras». Elle a témoigné aussi dans ce sens surleBondy Blog. Rapidement, sur les réseaux sociaux, il a été question d’une «gifle» donnée par le chef d’établissement. Un élément réfuté par le rectorat et la ministre de l’Éducation. Mais sans grand poids sur le net.

«Un départ anticipé»

Le 18 mars, le Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE) – une réminiscence du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), dissout en France en 2021 -, machine à traquer «l’islamophobie», publiait une vidéo de la jeune fille donnant «sa version» de l’histoire. «J’ai même pas eu le temps de me justifier ou de dire quoi que ce soit qu’il m’a poussée violemment et qu’il m’a mis un coup violent au niveau du bras», raconte-t-elle avant d’ajouter: «Dans les médias, ils racontent n’importe quoi, ils disent pas la vérité.» Enfin, elle précise: «On m’a parlé de votre association et on m’a dit que vous êtes vraiment les seuls à qui je peux faire confiance.»

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C’est dans ce climat que, le 22 mars, dans un mail adressé à ses collègues, le proviseur du lycée Ravel explique avoir pris la décision «dès ce soir» de quitter ses fonctions «par sécurité pour (lui) et pour l’établissement» , après «quarante-cinq ans dans l’Éducation nationale». Un mail dont les médias se sont fait l’écho le 26 mars. L’Humanité l’a même diffusé dans son intégralité, sans prendre le soin de masquer l’identité de l’auteur ni d’autres informations impliquant l’établissement et ses personnels. Dans la foulée, le rectorat de Paris a confirmé ce départ: «Le proviseur du lycée Maurice-Ravel arrivant à quelques mois de sa retraite, il a été décidé, au vu des événements qui ont marqué ces dernières semaines, de leur médiatisation et de l’impact qu’ils ont pu avoir sur lui, de lui accorder un départ anticipé», a-t-il dit avant d’évoquer, auprès de l’AFP, des «convenances personnelles». Une expression d’usage, mais bien maladroite au vu des circonstances. «Des termes fourre-tout, extrêmement choquants, assène Jean-Rémi Girard au Snalc, syndicat enseignant. La communication n’est pas à la hauteur. Le problème, c’est que, depuis le 2 février, il n’y a plus de recteur de Paris (démissionnaire lors de l’épisode Amélie Oudéa-Castera, NDLR).»

«Défaite de l’État» face à «la gangrène islamiste qui prospère», selon Marion Maréchal, tête de liste Reconquête aux européennes, conséquence des «petites lâchetés et grands renoncements» pour le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, ou encore «échec collectif» pour le socialiste Boris Vallaud… De l’extrême droite à la gauche, les responsables politiques se sont indignés du départ du proviseur. À l’extrême gauche, LFI n’a pas fait entendre sa voix. Il faut dire que, le 1er mars, Danielle Simonnet, l’une de ses députées parisiennes, invitait à prendre l’affaire Ravel avec des pincettes. «Le proviseur a-t-il frappé l’élève?», interrogeait l’élue, alimentant les rumeurs qui couraient sur les réseaux sociaux, avant d’asséner que «le respect du non-port du voile ne justifie aucune violence physique». Le 27 mars, le premier ministre, Gabriel Attal, – qui a prononcé l’interdiction de l’abaya quand il était à l’Éducation nationale – a été contraint de jouer les pompiers. À sa demande, il a rencontré le proviseur pour lui signifier le soutien du «plus haut niveau de l’État». «Il n’y a aucune ambiguïté sur le fait que ce chef d’établissement quitte ses fonctions pour assurer sa sécurité, explique-t-on dans son entourage. Il n’y a pas de tabou. Qu’un proviseur ou un enseignant cesse d’exercer en raison de menaces est forcément un échec», ajoute-t-on.

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