gratin de pommes de terre au comté
On va vous parler d’un temps que les moins de euh… 50 ou 60 ans ne peuvent pas connaître. Un temps où la neige arrivait à la fin d’automne et ne repartait, parfois, que tard au printemps. On vivait neige, on mangeait neige, on dormait neige. Les plus anciens nous racontaient comment ils allaient à l’école à ski. Nous-même nous avons connu l’époque des grosses chaussures de cuir à lacets et les fixations à câble qui gelaient. C’était l’époque où Maxime le Forestier chantait San Francisco (1972), où l’on interrompit les Dossiers de l’écran sur la deuxième chaîne pour annoncer la mort du président Pompidou (2 avril 1974). Où les trains à destination de la Suisse jouaient les chasse-neige sur les rails gelés. On parlait de choc pétrolier pas encore de choc climatique. A cette époque, les Gitanes fumaient autant dans le pot d’échappement que dans l’habitable des voitures diesel. Il y avait autant de goudron dehors que dedans.
Traction
Dans ce temps-là, dans la plaine, on ne disait pas on va «aller faire du ski» mais «monter au ski». Parce qu’il en fallait des virages en épingle à cheveux pour atteindre Les Rousses et Lamoura dans le Jura. L’ascension était épique mais noble puisqu’elle se faisait à l’arrière d’une Peugeot 403 ou d’une Traction Citroën, selon l’humeur du conducteur qui adorait fourrer ses mains dans le cambouis des bagnoles de l’après-guerre. L’avantage de ces grosses mémères lourdes comme un train de gueuses de fonte étaient que les plus impatients de la glisse pouvaient s’y installer chaussures de ski aux pieds pour attraper le tire-fesses au sortir de la bagnole après avoir détaché les skis de la 403.
K-way
Faut dire que c’était des furieux qui pour rien au monde n’auraient raté un mercredi, un week-end et les vacances pour faire de la limaille de flocons avec leurs lattes. Ils méprisaient les «Parisiens habillés comme des cosmonautes» dans leurs combinaisons sur les autres pistes de couleur que la noire. Il faut vous dire que l’on skiait en gros pull tricoté par Mémé, en K-way, en ciré marin et surtout en jeans qui finissait par geler en fin de journée.
Cuisinière à bois
Pour nous, les indigènes de la plaine au pied de la montagne sacrée, l’après-ski n’était pas synonyme de bottes fourrées avec des poils mais de ce temps braillard et chamailleur où l’on tirait à la courte allumette celui qui dormirait sur la couche du bas des lits superposés. Quand les chaussettes mouillées commençaient à fumer sur les rambardes de la cuisinière à bois, il était temps de passer aux choses sérieuses : la préparation de la bectance avec ce monument des frichtis de montagne à vache qu’est le gratin comtois. On aurait pu l’appeler savoyard s’il avait été confectionné avec du reblochon, vosgien s’il avait comporté du munster. Mais il était comtois parce qu’il était habité par le comté et pas qu’un peu. On en faisait des plats maous comme un char Sherman pour combler des appétits voraces comme le dahu.
Tayloriste
La fabrication du gratin comtois étant une succession d’empilements, il donnait lieu à une organisation tayloriste où chacun avait sa place entre l’éplucheur et la coupeuse de patates, les préposés aux lardons et à l’ail, l’ouvrier le plus hautement qualifié râpait soigneusement un bon bout de meule de comté. Car il faut vous dire qu’à l’époque, on n’était pas avare sur la marchandise, le comté n’ayant pas atteint les prix stratosphériques d’aujourd’hui, selon la durée d’affinage et la starisation du crémier. Les prétentieux comptent le nombre de mois passés en cave par le fromage avec la vulgarité de ceux qui exhibent la longueur de leur vit. Les Rocco Siffredi du comté disent «j’ai du quarante mois» en vous le vendant près de 50 euros le kilo. Nous, on va tenter de se faire de l’artiche en affinant les portions de Vache qui rit. Ça fera chic et décalé…
Pontarlier anis
Tout travail méritant l’apéro, la confection du gratin comtois était rythmée par de copieuses tournées de Pontarlier anis, dit «le Pont» aussi dense qu’un far breton, une cuillère à absinthe aurait pu tenir debout dans le verre. A force de multiplier les «ponts», certains finissaient forcément par passer par-dessus la rambarde et tentaient de rejoindre le sommet de leur lit superposé comme s’ils gravissaient sur les genoux la Dôle (1677 mètres). Privés de gratin, il n’était pas rare de les retrouver à six heures du matin attablés devant une saucisse de Morteau. Lève-tôt, amnésiques sur leur ivresse, ils s’estimaient de la race des seigneurs à l’idée d’aller admirer l’aube sur le grand manteau blanc. Ils n’avaient pas tout à fait tord.
La recette du gratin comtois
Pour cette engeance gourmande qu’est le gratin comtois, il vous faut 1 kg de pommes de terre type charlotte ou roseval ; 1 beau morceau de comté ; 200 g de poitrine de porc fumée ; du beurre ; 2 gousses d’ail ; du sel et du poivre. Les proportions sont données pour quatre mais on connaît des gonzes qui se l’empiffrent à deux avant d’aller se refaire une descente de ski au clair de lune et au génépi.
Epluchez et émincez les pommes de terre. Hachez les deux gousses d’ail et râpez le morceau de comté. Taillez en lardons la poitrine de porc fumé. Beurrez généreusement un plat à four. Déposez une couche de patates ; salez modérément ; ajoutez une poignée de lardons ; une couche de comté râpé ; un peu d’ail, quelques lichettes de beurre et du poivre du moulin. Continuez ainsi à superposer les couches jusqu’à terminer par le fromage râpé. Vous pouvez également mouiller avec un verre de vin blanc sec si la bouteille n’a pas été bue avant. Enfournez trois quarts d’heure à 220 degrés et dégustez avec une belle salade de saison.
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