Le syndicat agricole majoritaire FNSEA, qui a obtenu un nombre inédit de concessions du gouvernement pendant la crise agricole cet hiver, tourne maintenant son regard vers l’Élysée, appelant Emmanuel Macron à donner sa vision pour l’agriculture “sans plus attendre”.
“Le président de la République semble hésiter à prendre rendez-vous, celui qu’il nous avait promis au Salon de l’agriculture, en estimant que la situation (n’est) pas mûre”, a estimé jeudi 28 mars Arnaud Rousseau, le patron de la FNSEA, à la clôture de son 78e congrès annuel à Dunkerque (Nord). Mais “qu’en est-il de l’ambition du chef de l’État?” s’est-il interrogé. “Le discours de la montée en gamme a vécu. Qu’il nous donne sa vision sans plus attendre.”
Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, lors d’une conférence de presse à Paris, le 1er février 2024 (photo d’illustration).
Nouvellement élu en 2017, le chef de l’État avait défendu à Rungis une alimentation de meilleure qualité, plus durable, et théoriquement plus rémunératrice pour les agriculteurs. Une stratégie percutée par l’inflation.
Lors de l’ouverture très chahutée du dernier Salon de l’agriculture, le 24 février, Emmanuel Macron avait donné rendez-vous aux agriculteurs en colère trois semaines plus tard “à la maison”, une date désormais largement dépassée.
Réautorisation de pesticides attendue
Le président doit “redonner confiance aux agriculteurs” d’aujourd’hui et de demain, a estimé auprès de l’AFP Jérôme Despey, premier vice-président de la FNSEA. Le syndicat attend par exemple du chef de l’État qu’il donne son feu vert à la réautorisation de pesticides interdits en France pour des raisons de santé publique ou de protection de la nature, mais utilisés ailleurs dans l’UE, comme l’insecticide acétamipride réclamé par les betteraviers.
Arnaud Rousseau a aussi appelé le gouvernement à “reprendre la maîtrise de son administration” afin qu’elle mette plus rapidement en œuvre la soixantaine de mesures annoncées en faveur des agriculteurs.
“Je sais les lenteurs”, “un certain nombre de réticences” dans les systèmes administratifs nationaux et européens, a répondu peu après le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau. Mais dans l’ensemble, “nous avons avancé comme jamais”, a-t-il affirmé avant de détailler une nouvelle fois les différentes actions engagées.
“De la défiance mais pas de la colère” estime Marc Fesneau
Sans porter de nouvelles annonces, il a précisé le calendrier sur quelques points, comme une “application à l’été” du contrôle administratif unique des exploitations ou le renforcement d’un allègement fiscal sur les travailleurs saisonniers dès “le 1er mai”.
Avant son intervention, dans une salle remplie de syndicalistes aux multiples griefs à l’encontre du gouvernement, un animateur avait appelé le public à respecter la prise de parole du ministre.
Des adhérents ont, pendant le discours, brandi des affichettes “Plan élevage”, “Produire plus et vivre mieux”, “Liberté d’usage de nos prairies”, distribuées au préalable par l’organisation. Au fond de la salle, quelques uns ont fait du bruit en tapant sur le sol.
“Je pense qu’il y a eu du respect mutuel”, a estimé le ministre à l’issue du congrès. “On voit bien qu’il y a de la défiance, mais pas au point de la colère”, même si le secteur reste “très à fleur de peau”.
Des manifestations à Tours et Nîmes
Pour accentuer la pression sur le gouvernement, une centaine d’agriculteurs du syndicat concurrent Coordination rurale (CR) ont manifesté à Tours, et également à Nîmes à l’appel conjoint de la FNSEA, des JA mais aussi de la CR, a indiqué à l’AFP un porte-parole de la FDSEA du Gard, Antony Bafoil.
Un rapprochement syndical peu commun: au niveau national, l’alliance FNSEA-JA d’une part et la CR d’autre part sont engagées dans un rapport de forces virulent à l’approche des élections professionnelles, début 2025.
Parmi les sujets laissés en suspens, selon Arnaud Rousseau, figure l’accompagnement par l’État, jusqu’à la cessation d’activité au besoin, des “collègues dans des situations inextricables”. Sans quoi “on aura encore (…) des gens qui hurlent leur colère ou qui simplement font le choix de se supprimer”, a prévenu le responsable. La FNSEA plaide aussi pour un “grand plan” pour l’agriculture méditerranéenne, qui souffre du manque d’eau.
Le congrès s’est tenu de mardi à jeudi, sous la vigilance d’un discret déploiement de forces de l’ordre. Les événements de la FNSEA sont régulièrement la cible de manifestants écologistes qui dénoncent le modèle porté par le syndicat, qualifié de “productiviste” au détriment de la nature et jugé inadapté face au changement climatique.
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