Perplexity, la start-up d’IA qui fait peur à Google

Perplexity, la start-up d’IA qui fait peur à Google

Et si, tout à coup, vous trouviez une application qui remplace avantageusement l’incontournable moteur de recherche Google ? Cette hypothèse, hier incongrue, devient de plus en plus plausible à l’ère des nouvelles intelligences artificielles (IA) génératives. Certes, le géant américain, qui a pratiquement inventé cette technologie, a les ressources en capital et en matière grise pour contrattaquer dans une guerre de l’IA qui ne fait que commencer. Toutefois, en attendant, la multiplication des agents conversationnels sur le modèle du ChatGPT d’OpenAI déstabilise son principal gagne-pain : Google Search. En effet, des milliers de start-up tentent d’utiliser les « grands modèles de langage » d’IA pour rivaliser avec le moteur de Google. La plus menaçante de ces étoiles montantes s’appelle Perplexity. Fondée en août 2022 par d’anciens d’OpenAI et de Meta (Facebook), elle se présente non comme un « moteur de recherche » mais comme un « moteur de réponses ». Au lieu de renvoyer l’internaute vers des sites web, elle lui fournit directement l’information, sous forme d’un résumé structuré, qui affiche des liens hypertextes vers ses sources. L’objectif : transformer la façon dont nous accédons à la connaissance, en s’appuyant sur l’IA pour synthétiser les résultats.

Le logo de Perplexity

Perplexity, qui n’a pour l’instant qu’une quarantaine d’employés dans un espace de travail partagé à San Francisco, attire déjà 10 millions d’utilisateurs par mois. Et ce n’est qu’un début : la start-up a levé au total 100 millions de dollars, avec un tour de table prestigieux. Aux côtés du fonds de capital-risque Institutional Venture Partners, on retrouve le champion des puces Nvidia et des stars comme Jeff Dean, le directeur scientifique du DeepMind de Google ; Yann LeCun, responsable de l’IA chez Meta ; Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon ! Le PDG de Perplexity, Aravind Srinivas, ne cache pas son ambition d’en découdre avec Google :

« Ce qui me rend confiant,c’est le fait que s’ils veulent faire mieux que nous, ils devront essentiellement tuer leur modèle économique ! »

En effet, la poule aux œufs d’or d’Alphabet, maison mère de Google, est son moteur, qui représente 93 % de toutes les requêtes en ligne dans le monde. Et lui a permis, l’an dernier, d’engranger 175 milliards de dollars de revenus en affichant des publicités dans son service recherche, soit plus de la moitié de son chiffre d’affaires. Le nerf de la guerre demeure l’achat de mots-clefs par les sites web, soucieux d’être bien placés dans la liste de résultats. Or, si l’internaute obtient directement une réponse sans avoir besoin d’aller consulter ces sites, adieu la manne publicitaire !

Comment Nvidia surfe sur la vague de l’intelligence artificielle

De la charlotte aux fraises à « Macron est-il de droite ? »

Perplexity propose une version professionnelle sophistiquée pour 20 euros mensuels, mais aussi une version gratuite de qualité bluffante. Non seulement l’agent conversationnel répond en trois secondes, dans un français impeccable (c’est pour l’instant sa seule autre langue en dehors de l’anglais, mais elle ne fonctionne qu’à l’écrit), à des questions comme « Comment animer un anniversaire pour huit gamins de 5 ans ? », « Est-il possible de congeler une charlotte aux fraises ? » ou « Macron est-il de droite ? ». Mais l’on sait d’où il parle : chaque élément de réponse renvoie à ses sources, et la machine propose systématiquement trois questions connexes, permettant de cerner mieux le sujet. Enfin, l’icône « Demander un suivi… », en bas de l’écran, permet de relancer Perplexity si l’on n’est pas satisfait de la première réponse.

Réponse de Perplexity à la question « Macron est-il de droite ? »

Après plusieurs semaines d’utilisation et des centaines de requêtes sur Perplexity, le journaliste Kevin Roose du « New York Times » – célèbre pour avoir fait dérailler le Bing de Microsoft, qui lui avait fait une déclaration d’amour – s’est dit impressionné par la pertinence des réponses. Bien sûr, ce moteur conversationnel commet encore des erreurs. Dans la réponse sur Macron, il attribue le « quoi qu’il en coûte » aux « gilets jaunes », alors qu’il date de la crise du Covid. Nous l’avons aussi pris en défaut sur la question piège « Aldebaran est-elle une entreprise française ou chinoise ? », il répond « française » car créée par un Français, mais il explique ensuite que le groupe japonais Softbank a racheté la totalité de ses actions, en faisant une société japonaise ! Ce que l’IA nous confirme, dans une demande de suivi. Perplexity a cependant, semble-t-il, moins tendance à « halluciner » que ses concurrents et sait faire preuve de modestie, en avouant que certaines de ses réponses sont incomplètes… « Les moteurs de recherche alimentés par l’IA comme Perplexity pourraient desserrer l’emprise de Google sur le marché de la recherche ou, du moins, l’obliger à rattraper son retard », résume Kevin Roose.

Gemini générait des images de Noirs pour figurer… des Vikings

La réflexion est justement en cours chez Alphabet. Des nains comme Perplexity ne sont certes pas près d’égaler de sitôt les milliards de requêtes quotidiennes traitées par Google. N’empêche : selon le « Financial Times », le géant américain envisagerait de faire payer un abonnement pour son « service premium » de requêtes, dopé par son IA maison, Gemini. La difficulté pour les marques phare de l’industrie numérique est que – contrairement aux start-up concurrentes – elles se doivent de lancer un service payant quasi irréprochable. Le patron d’Alphabet, Sundar Pichai, a d’ailleurs déjà dû s’excuser et retarder le déploiement de Gemini, quand son IA a généré des images de personnages noirs pour figurer… des Vikings ou des soldats allemands de la Seconde Guerre mondiale.

ChatGPT, une intelligence artificielle pleine de biais (mais ça se soigne)

L’immobilité condamnerait cependant Google à voir son business grignoté par des milliers de petits concurrents plus agiles. L’entreprise de Mountain View n’est pas la seule menacée par la révolution Perplexity. Le basculement du modèle d’affaires de la recherche en ligne bousculerait en réalité toute l’économie de l’attention sur un plan mondial. Car une partie substantielle du trafic de la plupart des sites web – y compris des médias comme « le Nouvel Obs » – repose sur le trafic généré par Google Search. Si, désormais, Perplexity peut, de manière fiable et gratuite, résumer l’actualité, répondre à des questions de culture générale et donner des conseils d’achat, pourquoi l’internaute irait-il consulter le site d’un éditeur fournissant ces services ?

Perplexity propose des « news briefing »