Face à la concurrence chinoise, l’un des derniers fabricants français de panneaux solaires va cesser son activité

Le fabricant de panneaux solaires Systovi basé à Carquefou (Loire-Atlantique), qui employait 87 salariés, n’a pas résisté face à la concurrence chinoise. L’entreprise a été placée en liquidation judiciaire. LP/Pierre-Baptiste Vanzini

« Le sentiment qui prédomine, c’est évidemment la tristesse après quinze ans de travail auprès de gens engagés pour construire une filière photovoltaïque pérenne et assurer la transition énergétique. » Paul Toulouse, le dirigeant de l’entreprise Systovi, l’un des deux derniers producteurs français de panneaux photovoltaïques, s’était donné un mois pour trouver un repreneur.

Personne ne s’est présenté et le Tribunal de commerce de Nantes (Loire-Atlantique) a prononcé la liquidation de la société ce mercredi 17 avril au matin. « Pendant un mois, nous avons essayé au maximum de rassembler les acteurs de la filière, nous avons eu une cinquantaine de contacts mais malheureusement, cela n’a pas abouti à une offre », regrette le patron.

Difficile en effet pour les repreneurs de se positionner dans un contexte de concurrence extrême avec des panneaux photovoltaïques venus de Chine et vendus actuellement quatre fois moins cher que les panneaux d’origine française. « Les incertitudes sont telles que nos contacts n’ont pas souhaité franchir le pas. Il n’y a pas de perspective réglementaire, souligne Paul Toulouse en faisant référence à la mise en œuvre d’outils de protections des industries françaises ou européennes. Aujourd’hui, c’est très facile pour les chinois de vendre en Europe ».

« Il y a des attaques qui visent à détruire la filière du photovoltaïque »

« Systovi, c’est une entreprise qui a développé des technologies potentiellement rentables mais qui est victime d’une attaque économique chinoise », enrage le député européen (PS) Christophe Clergeau. L’édile connaît très bien l’entreprise pour l’avoir accompagnée lorsqu’il était vice-président de la région des Pays de la Loire.

« Il y a des attaques qui visent à détruire la filière du photovoltaïque en Europe face auxquelles les autorités française et continentale ont fait preuve d’une passivité impardonnable », juge-t-il, en appelant à agir rapidement « pour préserver les entreprises qui subsistent ». Les 87 salariés de Systovi, eux, vont devoir tourner la page. Deux tiers d’entre eux se sont prononcés « pour » la cessation d’activité ce mardi 16 avril lors d’un vote, plutôt que de demander au Tribunal un sursis d’un mois en espérant l’arrivée d’un repreneur providentiel. La direction était sur la même ligne.

Un raisonnement « audible » pour Geoffroy Nguetebe, délégué du personnel et élu CFTC qui se trouvait au tribunal ce mercredi 17 avril et qui évoque une entreprise « clairement en déficit ». « Derrière ce vote pour la liquidation, il y a un sentiment de « tout ça pour ça », souligne-t-il. Les politiques promettent des choses, mais rien n’a été mis en place pour nous protéger alors que nous avons alerté sur notre situation. C’est une souffrance et une déception », développe-t-il en faisant part de son sentiment de « gâchis ».

Les prix des panneaux chinois ont été divisés par deux

Systovi, qui a réalisé en 2023 un chiffre d’affaires de 21,5 millions d’euros venait d’investir en fin d’année dernière près d’un million d’euros dans son outil de production pour parvenir à produire 200 000 panneaux par an. « La qualité était là, assure un salarié, nos produits sont performants, mais ce qui nous a tués, c’est le marché et l’écart avec les prix chinois. »

Dès mardi dernier, les machines se sont arrêtées dans l’immense hall de production. Les salariés, groggy, discutent entre eux par petit groupe. « Nous marchions bien, ça a été la pleine activité jusqu’à l’été dernier. Ensuite la baisse a été très rapide », soupire Xavier Rumeau. C’est en effet à cette date que les prix des panneaux chinois ont été divisés par deux.

Ce responsable des approvisionnements et de la planification, présent dans l’entreprise depuis six ans avait voté pour la poursuite de l’activité. « J’ai le sentiment que nous ne sommes pas allés jusqu’au bout, regrette Xavier Rumeau, j’espérais un peu de temps supplémentaire pour sauver la boîte ».

Il évoque avec amertume l’annonce cette semaine par Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, de mesure de protections pour les fabricants français de pompes à chaleur. « Les aides seront réservées au Made In Europe. Ils vont peut-être étendre ce principe aux panneaux photovoltaïques, estime-t-il, mais pour nous, ce sera trop tard. »

L’arrêt brutal de l’activité de Systovi intervient quelques semaines après l’annonce par le gouvernement d’un « plan de bataille » pour doubler le rythme de déploiement des capacités d’énergie solaire sur le territoire. Très en retard sur cette énergie, la France a revu ses objectifs à la hausse.

Alors qu’elle culmine actuellement à 19,3 GW (gigawatts), elle ambitionne de porter l’objectif à 100 GW de production solaire en 2035. Pour y parvenir, il compte sur la mise en service de deux sites de fabrication de panneaux. La disparition de l’usine de Carquefou n’hypothèque pas cet objectif mais elle démontre les difficultés à faire émerger une filière française ou européenne viable.