« Bonjour ! » : pourquoi la matinale de TF1 patine

«Ã‚ Bonjour ! » : pourquoi la matinale de TF1 patine

C’est LA nouveauté de cette rentrée télé. Depuis le 8 janvier dernier, avec Bonjour !,TF1 muscle sa grille et s’invite tambour battant dans la cour des matinales, pour faire trembler le monopole de Télématin, mis à l’antenne en 1985 sur France 2.

On a regardé pour vous les cinq premiers numéros de l’émission de 6 h 55 à 9 h 30 pour nous faire une petite idée.

Et le message est clair : dans Bonjour !, pas de place pour la morosité ! Lumière plein pot, vêtements flashy, le nouveau programme de TF1 a pour mission de donner envie de se lever du pied droit. Bruce Toussaint et sa bande se donnent du mal, en direct, pour relever le défi, quitte à en faire un chouïa trop dans le côté bande de « queupains et de queupines » trop contents d’être contents? d’être là.

Bonjour ! se veut aussi simple et joyeux que son titre et s’adresse à tous les Français : du moins à ceux qui se lèvent tôt, partent travailler dès potron-minet et se retrouvent coincés dans leurs voitures à cause de cette neige si télégénique (oh, les belles images !), mais si ingérable (ah, les vilains embouteillages !). D’ailleurs, on part aussi à leur rencontre, pourvu qu’ils nous confient, dans la lumière blafarde du matin, leurs petites astuces (« Aujourd’hui, j’ai garé ma voiture moins haut dans ma rue pour éviter le verglas »), leurs habitudes quotidiennes (rendez-vous dans une famille pour assister à la préparation du petit-déjeuner, maman aux fourneaux, papa à table) ou leurs mini-tracas (« Ma fille tient à aller à l’école alors que le collège n’assurera pas les cours à cause de la neige »).

Bonjour ! : l’esprit de Jean-Pierre Pernaut

On s’invite dans la famille Bonjour, en forme de clin d’?il au titre de l’émission (sic), on suit aussi les éboueurs qui ont « la chance de voir la ville de nuit à l’heure où les gens se lèvent » (sic bis), on s’extasie dans les divers marchés arpentés par le journaliste Stefan Etcheverry, ahuri de bonheur, ici, devant l’étal du poissonnier, là aux côtés d’un maraîcher enthousiaste, et qui, pour conclure un de ses miniduplex, lance un joyeux « ici, il se passe plein de bonnes choses ».

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Car, oui, Bonjour  ! se veut avant tout la vitrine des « bonnes choses ». Histoire de coller à une ligne éditoriale très feel-good à défaut d’être originale. Et, l’esprit de Jean-Pierre Pernaut n’étant jamais loin, ces bonnes choses viennent avant tout des régions ? avec présentation des unes de la presse quotidienne régionale, la PQR, tous les matins. Des régions à qui l’on emprunte des dictons gentiment désuets mais frappés au coin du bon sens (« À la Saint-Guillaume, tu auras plus de blé que de chaume »), fièrement portés par Ange Noiret, le présentateur météo en costume (on reste une émission d’accueil?) et baskets (? mais on reste cool).

Par-ci, par-là, quelques petits couacs, de ceux qui font le charme du direct, mais surtout jamais de temps morts : les chroniques s’enchaînent au milieu des rires et des sourires. On fait la part belle aux sujets « concernants » (ça parle moufles et gants, bouillottes, efficacité des inhalateurs contre le rhume, meilleures façons de se chauffer, disputes de couples) et aux valeurs sûres de la culture populaire (en vrac Starmania, Les Bronzés font du ski?). Un robinet de chroniques pas très fraîches mais suffisamment tièdes pour rester rassurantes, entre lesquelles viennent parfois se glisser des sujets qualifiés avec indulgence de « billets d’humeur », sur le secret ou l’injustice des émojis animaux.

Au sein des chroniqueurs, l’idée est de se montrer positif, d’être tous de mèche pour chambrer, dans une bienveillance générale, un Bruce Toussaint condamné à jouer les passe-plats et à accueillir les people venus assurer leur promo. Autour de la table, personne ne cherche à tirer la couverture à soi : on est bon camarade, forcément, on rit des blagues des uns et des autres, on prend des airs captivés même si l’exercice relève parfois de l’Actor Studio. Seuls la spontanéité et le sens de la repartie de Christophe Beaugrand, nous sortent des échanges un poil convenus? On l’aurait bien vu en meneur d’équipe !

Politique, cuisine et météo?

Pour le reste, Bonjour ! veut cocher toutes les cases de la matinale traditionnelle, sans parvenir pour autant à sortir du lot : dix minutes quotidiennes de politique avec une interview dynamique mais trop rapide menée par Adrien Gindre, face à une belle brochette d’invités (Xavier Bertrand, Fabien Roussel, Gérard Larcher, Marion Maréchal, Clémentine Autain), des portraits plutôt bien troussés par Hélène Mannarino, mais trop tardifs pour en profiter (on est déjà arrivé au bureau !), une chronique cuisine sympathique portée par Laurent Mariotte, hélas, uniquement prévue le vendredi?

Au final, est-ce que ça marche ? Pas totalement. Bruce Toussaint assurait à la veille du lancement du programme, dans nos colonnes, que « la mission numéro un, c’est l’essentiel de l’actualité, avec [la journaliste] Garance Pardigon », mais force est de constater que le traitement de l’info souffre d’un survol parfois un peu léger.

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Côté audiences, Bonjour ! doit encore faire ses preuves. Si la première a été suivie par 512 000 curieux, les numéros suivants tournent autour des 300 000, loin derrière Télématin. Joli lot de consolation : TF1 reste leader en parts de marché sur la fameuse « femme responsable principale des achats du foyer de moins de 50 ans », cible si chère aux publicitaires.

Reste à cette matinale flambant neuve, encore en phase de test, à trouver ses marques et peut-être une ligne éditoriale plus audacieuse qui permette de sortir de la télé de papa au parfum suranné.