En Autriche, l'extrême droite fait la course en tête pour les européennes et les législatives

en autriche, l'extrême droite fait la course en tête pour les européennes et les législatives

Herbert Kickl, chef du Parti autrichien de la liberté (FPÖ), s’exprime lors d’un meeting avant les élections locales, à Klagenfurt, en Carinthie, le 24 février 2023.

En tête des sondages depuis plus d’un an, le FPO est aujourd’hui crédité de plus de 28 % des intentions de vote pour les élections européennes. Un score plus de dix points plus élevé que celui réalisé par le parti d’extrême droite en 2019, et qui fait espérer au parti d’Herbert Kickl une éventuelle victoire aux législatives de septembre prochain.

“Stop à la folie de l’UE”. Tel est le slogan des affiches du FPO pour les élections européennes, sur lesquelles figurent la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s’embrassant. Autour d’eux, un décor de ruines composé d’un char, d’hélicoptères, d’une seringue, d’éoliennes et d’un bateau de migrants.

En tête des intentions de vote pour le scrutin du 9 juin, le Parti autrichien de la liberté (FPO) – populiste, russophile, eurosceptique et dont le discours antivax a également rencontré un écho certain dans le pays – continue sa progression, quelques mois avant les élections au Conseil national (équivalent des élections législatives) qui pourraient permettre à l’extrême droite, à l’automne prochain, de diriger l’Autriche.

“Crise de l’asile, chaos du corona[virus], bellicisme et éco-communisme – nous ne le supporterons plus ! Il faut inverser la dynamique, en se tournant vers le peuple et en se détournant des élites autoritaires de l’Union européenne. Et c’est exactement ce que nous garantirons lors des élections européennes du 9 juin 2024. Ensemble, nous arrêterons la folie européenne !”

Le parti domine les sondages depuis fin 2022 sans jamais avoir été rattrapé depuis. Pour les élections européennes, le FPO, qui dispose déjà de trois sièges d’eurodéputés sur les 19 alloués à l’Autriche, présente une avance confortable, crédité selon un sondage Ipsos publié le 19 mars dernier, de 28,2 % des intentions de vote, devant le SPO, parti social-démocrate de centre-gauche (22 %) et l’OVP chrétien-démocrate et libéral-conservateur (21 %).

Les dirigeants du FPO ont également une longueur d’avance sur les réseaux sociaux. Avec 274 000 interactions, Harald Vilimsky, tête de liste de cette formation d’extrême droite pour les élections européennes, devance largement Helmut Brandstatter du parti NEOS (64 000) et Lena Schilling (61 000) des Verts, rapporte l’agence de presse autrichienne APA, citant une analyse des publications de début février à mi-avril réalisée par l’agence d’études de marché sur les réseaux sociaux, Buzzvalue.

Face aux scandales, un discours de victimisation

Créé dans la décennie qui suit la fin de la Seconde Guerre mondiale, le FPO se présentait à l’époque comme pangermaniste, avec pour but de préparer le retour du national-socialisme en Autriche. “La plupart des dirigeants du parti sont d’anciens membres du parti nazi, on est clairement dans le cadre d’une formation d’extrême droite de type néonazi lorsqu’elle se développe à la moitié des années 1950”, explique Benjamin Biard, docteur en sciences politiques et chargé de recherches au Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp) basé à Bruxelles. “Mais cela ne veut pas dire que c’est toujours le cas aujourd’hui”, ajoute le spécialiste de l’extrême droite en Europe, évoquant l’évolution du parti à travers le temps.

Le FPO a une première fois pu accéder au pouvoir dans les années 1983-1986, délaissant ses fondements idéologiques premiers et adoptant une tendance libérale qui l’amène à participer à un gouvernement de coalition avec les sociaux-démocrates du SPO.

Mais avec l’arrivée à sa tête du controversé Jorg Haider en 1986, le FPO est alors relégué dans l’opposition et se positionne de plus en plus vers la droite nationaliste et populiste, son leader n’hésitant pas à relativiser ou à réinterpréter le passé nazi de l’Autriche. Il démissionne finalement en 1991 après des déclarations polémiques sur le IIIe Reich.

Webdoc à voir – Le virage à droite de l’AutricheÉpisode 2 – Au pied des Alpes, l’indélébile souvenir de Jorg Haider

Le FPO rencontre de nouveau le succès dans les urnes lors des élections législatives de 1999 où il se positionne au rang de deuxième formation politique, parvenant à se hisser, en février 2000, dans le gouvernement de Wolfgang Schussel.

Cette formation figure alors parmi les premiers exemples illustrant, selon Benjamin Biard, “une nouvelle phase du développement de l’extrême droite en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, par laquelle les partis ne se contentent plus de s’enraciner dans la société et d’être des forces d’opposition importantes, mais ont l’ambition d’atteindre les lieux de pouvoir pour exercer une influence directe en termes de politique publique”.

Ainsi, bien que le FPO ait connu des divisions internes très fortes l’ayant à certains moments conduit à un recul marqué sur le plan électoral, il a fini par revenir au centre de l’action politique au milieu des années 2010, rejoignant le gouvernement formé par Sebastian Kurz (OVP). Une nouvelle expérience du pouvoir qui a de nouveau tourné court, cette fois en raison du scandale de corruption “Ibizagate” qui a contraint, en 2019, l’ex-leader du FPO Heinz-Christian Strache à quitter son poste de vice-chancelier.

L’impact de l'”Ibizagate” a néanmoins été plutôt modéré pour le parti, estime Benjamin Biard. Lors des élections européennes de 2019, le FPO, bien qu’ayant subi un recul, est resté le troisième parti en nombre de suffrages obtenus (17,2 % en 2019, contre 19,7 % en 2014).

“La déception de sa base électorale – d’un certain segment seulement – ne semble pas s’être confirmée sur le long terme”, analyse le chercheur. Si bien qu’aujourd’hui, à la veille des européennes, et alors qu’un nouveau scandale relatif à des soupçons d’espionnage au profit de la Russie entache la campagne du FPO, “cette formation se porte vraisemblablement plutôt bien et mène encore les sondages”.

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De la même manière, les soupçons d’espionnage au profit du régime chinois qui touchent le parti d’extrême droite belge Vlaams Belang ne semblent pas avoir d’impact négatif sur la trajectoire électorale du parti, cite comme exemple le politologue.

“L’explication réside dans le fait que les formations d’extrême droite ont traditionnellement pris l’habitude de se présenter comme victimes du système dans sa globalité”, explique-t-il. “Appuyer sur cela peut, sinon les renforcer, du moins leur permettre de mieux asseoir ce discours de victimisation”.

“Coller aux frustrations de la population”

À ce discours anti-système viennent s’ajouter les autres grandes thématiques propres aux partis d’extrême droite telles que le rejet de l’immigration, la défense d’une forme de “patriotisme” autrichien, un positionnement très sévère vis-à-vis de l’islam, mais aussi une accentuation de la rhétorique eurosceptique.

Aussi, comme pour la plupart des partis d’extrême droite, si les électeurs du FPO votent par idéologie, le vote pour ce parti s’inscrit également dans une logique contestataire, visant à “exprimer une forme de mécontentement voire de désamour par rapport au fonctionnement actuel de la démocratie”, analyse Benjamin Biard.

Dans une récente interview à l’agence de presse autrichienne APA, Harald Vilimsky rappelle ainsi que la mission du FPO est de “donner un coup de pied aux fesses de l’establishment”.

Parmi les raisons des gains électoraux et de la première place du FPO dans les sondages, Patrick Moreau, politologue spécialiste de l’Allemagne et de l’Autriche contemporaines, évoque par exemple dans une étude publiée en avril, “la mise en accusation de l’ex-chancelier Kurz, les affaires de corruption de l’OVP (actuellement au pouvoir, NDLR), la crise interne du SPO, la forte inflation et la hausse des prix, ainsi qu’un vif débat sur l’asile et l’immigration”.

Sur cette question, et alors que le FPO a pour habitude de lier les questions d’insécurité et d’immigration, “l’Autriche se sent exposée”, affirme Benjamin Biard. Dans le contexte de la crise migratoire au cours de la deuxième moitié des années 2010, l’ex-chancelier Sebastian Kurz avait notamment appelé à la fermeture des frontières autrichiennes, gagnant ainsi en popularité dans la population autrichienne.

“C’est un élément qui peut parler”, estime Benjamin Biard, qui ajoute que les prises de position du FPO en la matière ne démontrent pourtant pas nécessairement que cela est un enjeu réel. “Ce qui compte pour ces formations [d’extrême droite], c’est de pouvoir créer un sentiment de peur au sein de la société par rapport à ces enjeux migratoires, qu’ils soient réels ou amplifiés”, dit-il.

Selon une analyse publiée en 2017 par Hans Winkler, ancien directeur du quotidien régional Kleine Zeitung, l’Autriche, “au croisement de toutes les routes de la migration en Europe, fut avec l’Allemagne et la Suède l’un des trois pays européens de destination les plus touchés par la grande vague de migration de la fin de l’automne 2015 et de l’hiver 2016”, accueillant, avec 95 000 demandeurs d’asile, plus de personnes par habitant que l’Allemagne.

“Les Freiheitlichen (acteurs du FPO, NDLR) ont su mobiliser une large frange des électeurs en collant aux frustrations de la population”, écrit Patrick Moreau dans son étude pour le groupe de réflexion Fondapol (La Fondation pour l’innovation politique). “Comme le montrent les sondages, la nature du mécontentement favorise le FPO, qui surfe sur ces thèmes.”

En effet, selon le sondage de la Société autrichienne pour la politique européenne (OGfE), parmi les thèmes jugés prioritaires pour l’opinion figurent l’inflation (68 %), une politique commune en matière d’asile et d’immigration (59 %), la réduction du fossé entre les riches et les pauvres (57 %), et la réforme de l’UE (48 %).

La sortie de l’UE mise en sourdine

“Imaginez un bouton rouge pour sortir l’Autriche de la folie de l’UE. Je n’hésiterais pas une milliseconde à appuyer”, déclarait mi-avril Harald Vilimsky, lors de la conférence du parti à Vienne.

Sans toutefois aborder franchement l’idée d’une sortie de l’Autriche de l’UE (“Oxit”), Harald Vilimsky marque le positionnement radical du FPO vis-à-vis de Bruxelles. Un discours déjà adopté par l’extrême droite en Italie, en France (Marine Le Pen avait, en 2017, placé le “Frexit” au cœur de sa campagne), mais aussi aux Pays-Bas. Cependant, tout comme le PVV hollandais qui a finalement retiré le “Nexit” de son programme, la plupart des formations européennes d’extrême droite “mettent aujourd’hui en sourdine ces positionnements pour favoriser non pas une sortie de l’UE, mais plutôt une réforme en profondeur de ses institutions”, précise Benjamin Biart.

Au Parlement européen, le FPO fait partie du groupe “Identité et Démocratie” (ID) qu’il a cofondé en 2015 alors qu’il s’appelait encore “Europe des nations et des libertés”. Le groupe rassemble aujourd’hui 59 élus de huit partis différents (sur actuellement 705 députés européens).

Par la voix de Harald Vilimsky, le FPO, qui suppute un succès des formations populistes le 9 juin prochain, espère rassembler sous un “toit commun” le groupe ID avec les partis du groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE), idéologiquement proches du FPO, imaginant même le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, comme successeur de Charles Michel à la présidence du Conseil européen.

Même si Benjamin Biard appelle à la prudence, rappelant que les sondages n’ont pas valeur prédictive, il conclut tout de même : “Au vu des nombreux sondages, y compris plus anciens qui lui étaient déjà favorables, voir le FPO remporter davantage de sièges au Parlement européen est un scénario crédible”. Si les intentions de vote se confirment, il pourrait en effet obtenir trois sièges supplémentaires à Strasbourg.

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