Dette publique : le jeu d’équilibriste du gouvernement face aux règles budgétaires de l’UE

dette publique : le jeu d’équilibriste du gouvernement face aux règles budgétaires de l’ue

Emmanuel Macron osera-t-il engager un bras de fer avec Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne ? Ici à Bruxelles le 30 juin 2023.

Les économies annoncées par le gouvernement français sont-elles vraiment le fruit des règles budgétaires européennes ?

Chaque semaine avant les élections européennes, Marianne répond à une question que vous vous posez quant à l’impact des décisions prises à Bruxelles sur le quotidien des Français. Vous pouvez adresser vos questions à [email protected].

Un cap maintenu contre vents et marées. Même si les comptes ont dérivé l’an dernier, le gouvernement garde comme boussole un retour du déficit public sous les 3 % en 2027. L’an dernier, les dépenses de l’État ont dépassé ses recettes de 5,5 % du PIB, alors qu’un déficit de 4,9 % était anticipé. Il faudrait donc redoubler d’efforts pour arriver à bon port, alors même que l’exécutif affirme ne pas vouloir plomber la croissance avec une austérité précipitée.

Mais pourquoi au juste s’arc-bouter sur un objectif de plus en plus difficile à atteindre ? L’équipe macroniste aurait-elle les mains liées par les règles européennes, qui fixent justement la borne des 3 % comme un plafond à ne pas dépasser ?

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À l’automne dernier, le ministre des Comptes publics avait justifié son cap par l’impératif de ne pas faire figure de cancre budgétaire. « La France ne peut se démarquer de ses partenaires européens. Nous pourrions être le dernier pays européen dont le déficit repasse sous la barre des 3 % », faisait valoir Thomas Cazenave le 27 septembre, lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques à l’Assemblée. Le membre de l’exécutif présentait ce texte comme « un élément central de notre crédibilité », que ce soit « vis-à-vis de nos partenaires européens », « vis-à-vis des investisseurs qui achètent notre dette » ou « vis-à-vis des Français ».

Jalons contraignants

Le gouvernement semble donc soucieux de ne pas trop sortir du rang européen. Du reste, même s’il parvenait à tenir son objectif, il ne serait pas pour autant en règle avec les critères budgétaires. Ces derniers sont en passe d’être modifiés : les États de l’Union européenne (UE) se sont entendus sur une nouvelle mouture du « pacte de stabilité », qui doit encore être validée par le Parlement européen. Les grandes lignes resteront définies par le traité de Maastricht de 1992, en vertu duquel les États doivent conserver un déficit inférieur à 3 % du PIB et une dette inférieure à 60 % du PIB. Ceux qui dépassent ces « valeurs de référence » peuvent néanmoins échapper au coup de bâton, si leurs comptes s’améliorent « à un rythme satisfaisant ».

C’est pour redéfinir ce rythme que les pays membres ont multiplié les pourparlers, jusqu’à aboutir à un accord en décembre. Pour chaque État en délicatesse avec les critères du traité, la Commission européenne fixera désormais des objectifs personnalisés, censés remettre le fautif dans le droit chemin budgétaire. Mais cette flexibilité sera très encadrée : Bruxelles devra faire emprunter à chaque trajectoire des jalons prédéfinis, dont l’Allemagne a obtenu l’ajout dans le texte.

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Dans tous les cas, les États devront notamment réduire leur dette de 1 % du PIB par an, pour ceux où son niveau dépasse les 90 % du PIB. C’est le cas de la France, dont la dette publique s’élève à 110,6 % du PIB. Or, le respect de ce « garde-fou » suppose un ajustement brutal : pour y satisfaire en 2024, l’État aurait dû ramener le déficit à 2,9 % du PIB, d’après nos calculs basés sur les documents budgétaires. C’est-à-dire améliorer illico ses comptes à hauteur de… 73 milliards d’euros, sept fois plus que les économies annoncées en février !

« Ne pas anticiper sur l’interprétation »

La trajectoire fixée par le gouvernement ne prévoit rien de tel. Selon son « programme de stabilité » publié ce mercredi 17 avril, la dette augmenterait même pour atteindre 113,1 % en 2025, avant de se replier à 112 % en 2027. S’agit-il d’une désobéissance assumée aux nouvelles règles ? « Personne n’a encore vu comment ces règles fonctionnaient exactement, nous a répondu un porte-parole du ministère des Finances, lors d’une conférence de presse organisée le 10 avril. Nous n’avons pas encore eu les discussions avec la Commission, qui vont commencer en juin et s’étirer jusqu’à l’automne. (…) On ne va pas anticiper sur l’interprétation des règles. »

Les contraintes prévues par l’accord semblent pourtant assez claires. Mais il est vrai que leur mise en pratique dépendra de l’état d’esprit de la Commission, qui est à la manœuvre pour appliquer le « pacte de stabilité ». C’est d’ailleurs un enjeu des élections de juin : les commissaires seront renouvelés à la suite du scrutin européen, sur approbation du Parlement. En dernière instance, Bruxelles peut infliger une amende à un pays récalcitrant (sauf si une majorité qualifiée d’États s’y oppose). Cette ponction peut s’appliquer tous les six mois et atteindre 0,05 % du PIB, soit 1,4 milliard d’euros pour la France.

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Dans les faits, de telles sanctions n’ont pour l’instant jamais été imposées. Et dans le pire des cas, Paris pourrait avoir intérêt à s’acquitter de la douloureuse, plutôt que se plier à une cure délétère pour l’économie. En effet, respecter les nouveaux critères « impliquerait des efforts importants et des choix drastiques, nous indiquait en décembre Jérôme Creel, chercheur à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Les dépenses écologiques et de défense pourraient certes être préservées, mais ce serait au détriment de tout le reste. » L’exécutif y verra plus clair cet été : Bruxelles devrait alors décider si elle place ou non certains États en « procédure pour déficit excessif », une sorte de purgatoire préalable à d’éventuelles sanctions. Le point de départ d’un bras de fer en bonne et due forme ?

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