Les intermédiaires et les traders échappent encore largement à la taxe sur les surprofits acquittés par les acteurs de l’électricité, faute d’harmonisation européenne.
Après avoir bouclé un budget 2023 en déficit de 14 milliards d’euros, Bruno le Maire, farouchement hostile aux hausses d’impôts, propose une fois encore, de réaliser des économies, en plongeant dans les poches des chômeurs, des seniors et même des malades. En revanche, le ministre de l’Économie s’épanche peu sur une lourde déconvenue budgétaire qui a plombé ses résultats en 2023 : le rendement médiocre de la CRI, soit la contribution dite « inframarginale » imposée aux producteurs d’électricité fin 2022.
Selon le montant annexé au projet de loi de finances 2024, elle ne devrait rapporter que 4,3 milliards d’euros sur 2022-2023, soit moitié moins qu’espéré. Quand sur cette période, les acteurs du marché de l’électricité ont encore engrangé plus de 30 milliards de marges bénéficiaires nettes, selon la Cour des comptes, dans son rapport sur « Les mesures exceptionnelles de lutte contre la haute des prix de l’énergie ».
La genèse d’un imbroglio
Pour comprendre cet imbroglio budgétaire, rembobinons. Lorsque la Russie envahit l’Ukraine le 24 février 2022, les prix du gaz, du pétrole et par ricochet de l’électricité flambent sur les marchés européens.
Très vite, les producteurs d’énergies renouvelables (ENR), sans investir un euro de plus, encaissent des centaines de millions de rentes, en revendant le courant de leurs champs de panneaux photovoltaïques et de leurs éoliennes au plus offrant.
Cette galette inespérée est amassée d’autant plus facilement, que le code de l’énergie plafonne les surprofits qu’ils doivent reverser à l’État et à l’EDF, au niveau des concours dont ils ont bénéficié auparavant, notamment via la fourniture de courant nucléaire à prix bradé. Les énergéticiens alternatifs les plus allants dénoncent même allègrement les accords qui les lient à EDF. Pourquoi se gêneraient-ils ? Les pénalités prévues sont dérisoires. Le coût présumé pour l’État ne l’est pas en revanche : il est estimé à 600 millions d’euros, rien qu’en 2021.
La CRE, la commission de régulation de l’électricité réagit
Vigilante, la Commission de régulation de l’électricité (CRE) incite donc Bercy en 2022, à capter 90 % de ces « surprofits », comme l’Union européenne l’y autorise depuis peu. Bercy déplafonne d’abord les montants de surprofits exigibles des producteurs d’ENR. Mais l’article 38 de la loi de finances rectificatives de 2023… est invalidé par le Conseil constitutionnel le 26 octobre 2023.
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Il faut donc attendre le projet de loi de finances 2024 pour sécuriser cette « CRI » qui ne devrait rapporter que 4,3 milliards d’euros sur 2022-2023, notamment parce que courant 2023 les prix de l’électricité se sont assagis. Or, sur la période, Bercy, c’est-à-dire le contribuable, a claqué (en net) plus de 36 milliards dans le bouclier énergétique pour protéger « puissamment » les Français, selon l’expression de Bruno Le Maire.
EDF épargné, malgré les gains de ses traders
À y regarder de plus près, cette « CRI » eut payé davantage, si EDF, premier producteur d’électricité décarbonée de l’Hexagone, y avait contribué. Mais mi-2022, pénalisé par la fermeture de ses réacteurs de Civaux (Vienne) et Chooz (Ardennes) atteints de corrosion, EDF doit importer du courant prix d’or pour fournir ses clients.
A LIRE AUSSI : Hausse du prix de l’électricité : le tarif d’EDF trop cher par rapport aux coûts de production ?
Il accuse alors un déficit de 18 milliards d’euros… En dépit d’un gain de 5 milliards d’euros de sa filiale EDF Trading, installé à Londres à deux pas de Westminster. Opportunément, l’électricien en accord avec sa tutelle, peut faire valoir ces pertes pour minorer le calcul de sa « CRI » sur 2023. Gain pour EDF ? 2,23 milliards d’euros sur 2023, selon ses propres calculs.
La solution, taxer les intermédiaires et les traders
Afin de mieux capter, à l’avenir, les profits excessifs que peuvent dégager les acteurs des marchés de l’électricité, la Cour des comptes recommande à l’exécutif de proposer dès 2024 au Parlement, de faire évoluer « le champ et les modalités du calcul de la rente inframarginale ».
Bruno Le Maire cependant évoque simplement sa reconduction aménagée en 2025. Bercy gagnerait pourtant à faire ruisseler les plantureux profits réalisés par les traders et les intermédiaires des marchés de gros de l’électron, vers le budget national.
Puisque selon la direction de la législation fiscale, citée par la Cour des comptes, pendant la dernière crise, la France n’a pas utilisé la faculté de plafonner leurs recettes « car cette voie ne semblait pas opérationnelle en l’absence de règles territoriales harmonisées au niveau européen.(..) ou de règles permettant d’affecter ces recettes à une technologie. » Utilement, cette harmonisation pourrait être débattue en amont des élections européennes qui se dérouleront début juin.
Chiche ? Le Premier ministre Gabriel Attal vient de mettre en place un groupe de travail pour réfléchir à la « taxation des rentes ». Composé d’élus de la majorité, et conduit par le rapporteur général du budget ce Jean-René Cazeneuve, il doit rendre ses préconisations d’ici le mois de juin. Une occasion en or la pour ces parlementaire de proposer une sorte de taxe « Tobin » de l’énergie, qui s’appliquerait aux transactions énergétiques.
Budgétairement, ce serait plus électrisant que de faire une fois encore les poches de chômeurs. Ou de relever le tarif réglementé de l’électricité (plus 9,5 % en février 2024) afin de partager la facture des 36 milliards d’euros du bouclier énergétique entre les contribuables… et les consommateurs !
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