Le maître de la lumière déploie son talent avec ce paysage enneigé. Un chef-d’œuvre précurseur de l’impressionnisme, dont on célèbre les 150 ans en 2024.
“Je vais dans la campagne, qui est belle ici, et que je trouve encore plus agréable l’hiver que l’été.” Ainsi Claude Monet narre-t-il ses journées dans sa correspondance avec son ami le peintre Frédéric Bazille. Nous sommes en 1868 et l’artiste, miné par des difficultés financières, vient de faire une tentative de suicide. Pour se redonner du cœur à l’ouvrage, il prend le train et part passer l’hiver à Étretat, en Seine-Maritime. Monet se promène et consacre ses journées à peindre sur le motif, c’est-à-dire dans la nature, une pratique récente rendue possible par l’invention du tube de couleur en étain. En ces années 1860, Monet pose les bases de son art, ce dont témoigne ce paysage enneigé habité fugacement par une pie, aujourd’hui conservé au musée d’Orsay. Quelques années plus tard, en avril 1874, lors d’une exposition retentissante dans l’atelier du photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris, Monet et ses pairs donnent naissance au mouvement de l’”impressionnisme”.
“La Pie” : un tableau remarquable
Félix Fénéon, critique d’art, témoigne des réactions des contemporains en découvrant La Pie : “[Le public] accoutumé aux sauces bitumeuses que cuisinent les maîtres-coqs des écoles et des académies, la peinture claire l’estomaquait.” L’utilisation de ces tons très inhabituels, déroute. Quant au rendu… On dirait que ce n’est “pas fini” ! Ce qui intéresse Monet, c’est moins de décrire un paysage que de donner à le ressentir. Il a révolutionné la neige : elle n’est pas blanche, contrairement à ce qui était admis, mais reflète toutes les couleurs qui l’environnent. Son audace est telle que sa Pie sera refusée d’exposition par le jury du Salon de 1869.
“La Pie” de Claude Monet, 1868-1869, musée d’Orsay. Claude Monet/Wikimedia CommonsLes secrets de fabrication de Claude Monet
Monet travaille les phénomènes de glaciation et de cristallisation en hiver grâce à un camaïeu de blanc. La neige est tantôt immaculée, tantôt teintée de bleu, puis passe au rose, au mauve ou au gris quand l’œil remonte vers les toits. Pour parvenir à cet effet, l’artiste peint par petites touches. La toile est structurée par des lignes de force, formées à l’horizontal par les nuages, le toit et la clôture, chacun séparant la composition en trois plans distincts. Au ciel, Monet a donné une grande profondeur en le noyant dans un brouillard de couleurs en dégradé.
La pie : le détail à ne pas rater
Elle donne son nom à la toile : la pie est le seul être animé de ce décor silencieux. Perché sur un portail, frêle et noir, semblant une note de musique sur sa ligne de partition, l’oiseau se tient décentré. Sa tête penchée évoque la fugacité de l’instant avant l’envol. Dans la neige, remarquez son ombre projetée sous les effets du soleil d’un midi de janvier.
Les artistes que Claude Monet a inspirés
Après Gustave Courbet, l’un des premiers à s’intéresser au paysage sous la neige en 1876, Monet suscite l’attention de ses amis peintres pour cet exercice assez coton. Dans son sillage, Auguste Renoir expérimente les effets de la lumière et des ombres sur de petites études en 1875, année où l’hiver est rigoureux. Un sillon que d’autres compagnons impressionnistes, Camille Pissarro et, surtout, Alfred Sisley creuseront abondamment.
POUR ALLER PLUS LOIN
Le musée d’art Roger-Quilliot de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) accueille ce tableau du 8 mars au 30 juin 2024 dans le cadre de l’exposition Neige, en partenariat avec Orsay.
Dates clés de Claude Monet
1840 Né à Paris, iI grandit au Havre, où il rencontre le peintre Eugène Boudin avec lequel il s’initie à la peinture de plein air.
1869 Travaille à La Grenouillère, une guinguette flottante prisée des peintres près de Bougival. Peint aussi à Louveciennes avec Pissarro.
1874 Première exposition impressionniste où, avec Cézanne, Degas, Morisot, Pissarro, Renoir, Sisley, il dévoile Impression, soleil levant, toile qui vaudra au groupe le nom d’”impressionnisme”.
1883 Monet s’installe à Giverny. Le marchand Paul Durand-Ruel présente 40 de ses tableaux à New-York en 1886.
1890 Entame la série des Meules puis des Cathédrales.
1926 Le peintre s’éteint à 86 ans, chez lui à Giverny. Le grand décor des Nymphéas, cycle entamé en 1909, est accroché à l’orangerie des Tuileries, le 17 mai 1927.
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