Cours d'empathie à l'école: manque de préparation, précipitation... ces enseignants sont perplexes

Alors que 1200 écoles primaires expérimentent à partir de cette rentrée de janvier des cours d’empathie, des enseignants du premier degré et directeurs d’école se disent dubitatifs.

cours d'empathie à l'école: manque de préparation, précipitation... ces enseignants sont perplexes

Une enseignante et ses élèves dans leur classe au premier jour de la rentrée, le 2 septembre 2019, à l’école polyvalente Chaptal à Paris (photo d’illustration)

“On a l’impression qu’on est au drive: on clique, on commande et débrouillez-vous.” Alors que quelque 1200 écoles maternelles et élémentaires expérimentent depuis cette reprise de janvier des cours d’empathie qui devraient être généralisés en septembre 2024, certains enseignants du premier degré et directeurs d’école se montrent circonspects.

C’est le cas de Florence Comte, la secrétaire et porte-parole du Syndicat des directeurs et directrices d’école (S2DÉ) (que nous avons interrogée, comme l’ensemble des interlocuteurs de cet article, avant le remaniement intervenu cette semaine, NDLR). Si cette directrice d’une école élémentaire dans le Var accueille “avec bienveillance” le projet, elle s’inquiète cependant de la “précipitation” dans laquelle il est mis en place.

“Même si ça va dans la bonne direction, ça me fait l’effet d’une annonce, certes bien accueillie par le grand public, mais sans moyens notamment humains mis sur la table”, regrette-t-elle pour BFMTV.com.

Le désormais ex-ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, a en effet annoncé fin septembre des cours d’empathie intégrés aux programmes scolaires lors de la présentation du plan gouvernemental de lutte contre le harcèlement. Gabriel Attal avait ensuite détaillé son projet en décembre, évoquant une à deux heures hebdomadaires. Cette semaine BFMTV apprenait qu’il s’agirait d’une à deux séances par semaine, d’une demi-heure à une heure pour les plus grands.

Florence Comte, du S2DÉ, s’interroge également sur les modalités pratiques de ces cours d’empathie. “On n’a que 24 heures d’enseignement par semaine, auxquelles il faut soustraire les récréations, les trente minutes de sport quotidiennes… Sur quel temps on va programmer ces séances?”

“On ne peut pas tout faire”

Pour Marie-Laure Morandat, directrice d’une école maternelle et représentante du S2DÉ dans l’Ain qui participe à cette expérimentation, ce sera les jeudi et vendredi de 11h20 à 11h40 avec sa classe de petite et moyenne section. “Au moment où je faisais habituellement les rituels et les comptines” (qui permettent d’apprendre les chiffres, l’alphabet ou les sons, NDLR), détaille-t-elle pour BFMTV.com.

Elle-même pratiquait déjà des activités de bienveillance avec ses élèves, comme les temps philosophiques -sorte d’atelier de philosophie adapté aux plus jeunes pour leur apprendre à exprimer leurs émotions ou à réfléchir sur des notions qui leur sont proches comme l’amitié ou l’amour- et les messages clairs, procédure de résolution des petits conflits entre enfants.

Cette directrice et professeure des écoles va ainsi reprendre les exemples d’activités et ressources proposés par le kit pédagogique du ministère pour mettre en place ses cours d’empathie dès cette semaine. “Je vais les adapter à ma classe par rapport à ce que j’ai déjà fait”, précise Marie-Laure Morandat. Les rituels, qui avaient lieu en fin de matinée, seront donc déplacés l’après-midi, ce qui empiétera sur le temps qui était consacré à la manipulation, la construction et aux jeux collectifs.

“C’est un projet positif qui a une belle visée”, souligne-t-elle.

“Mais le problème, c’est qu’on nous demande de plus en plus de choses et qu’en classe, on court déjà après le temps.” Si, jusqu’au mois de juin, elle va tenter de maintenir les deux séances hebdomadaires, elle sait déjà que pour la prochaine année scolaire, elle ne les proposera qu’une partie de l’année -sans doute de septembre à novembre.

“On va essayer de tout caser, mais on ne peut pas tout faire. C’est impossible.”

La formation “succincte” des enseignants

Au-delà de la question de l’organisation de cet enseignement supplémentaire, les principaux intéressés s’inquiètent également du peu de formation qui leur est proposé. Car aucun intervenant extérieur n’est prévu, ce sont en effet les professeurs des écoles eux-mêmes qui seront chargés de ces cours dans leurs classes.

Sur ce point, les enseignants du premier degré ont été formés via un webinaire le 20 décembre dernier. Deux autres formations de ce type sont prévues dans le courant du mois de janvier avant une dernière au printemps. Soit seulement quelques heures à distanciel. Largement insuffisant, dénonce Philippe Ratinet, le président du Syndicat national des écoles (SNE).

“C’est succinct”, déplore-t-il pour BFMTV.com. “C’est quand même un peu court quand on veut lancer une réforme de fond aussi fondamentale. D’autant plus pour quelque chose qui est censé être novateur”.

“Ça me paraît léger.”

“L’empathie ne se décrète pas”

Guislaine David, co-secrétaire générale et porte-parole du Snuipp-FSU -le syndicat majoritaire des enseignants du premier degré- se dit quant à elle “dubitative”. Et s’interroge sur la méthode du ministère, désormais dirigé par Amélie Oudéa-Castéra qui pilote également les Sports et la préparation des Jeux Olympiques. Elle dénonce pour BFMTV.com un manque de “préparation”: “C’est de la com’.”

Pour cette représentante des enseignants du primaire, le problème est bien plus vaste.

“L’empathie, ça ne se décrète pas, ça se vit.”

“Comment voulez-vous enseigner l’empathie quand vous avez 30 élèves dans une classe de maternelle, quand les enseignants ne sont pas remplacés pendant des semaines, quand les élèves sont répartis dans d’autres classes, quand on envoie des contractuels qui ne sont pas formés. On n’est pas dans l’empathie.”

Une accumulation de sujets sur lesquels la nouvelle ministre de tutelle des enseignants sera, à n’en pas douter, attendue au tournant. Au même titre que le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, qui a promis d’emmener “la cause de l’école” avec lui à Matignon.

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