Dette et déficit publics : «après les JO, le FMI va-t-il placer la France sous surveillance ?»

La France sera le cancre de l’Europe jusqu’en 2027, sur le front des dépenses publiques et du déficit public, selon le Fonds monétaire international (FMI), qui finira par placer l’Hexagone sous surveillance, si le gouvernement ne redresse pas la barre, avertit notre chroniqueur Marc Touati, président du cabinet ACDEFI.

Alors que le gouvernement français compte de plus en plus sur les Jeux Olympiques (JO) de Paris 2024 pour faire oublier la morosité ambiante et le dérapage des finances publiques nationales, le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) vient de lancer un sérieux pavé dans la marre. Et pour cause : il vient tout simplement d’annoncer que les prévisions de croissance et le plan de réduction du déficit du gouvernement «manquent de crédibilité». Pour ne rien arranger, le FMI vient une nouvelle fois de réviser à la baisse ses prévisions de croissance française pour 2024, de 1,3% en octobre 2023 à 1% en janvier 2024 et désormais 0,7%, soit à peine 0,1 point de plus que la prévision que nous annonçons depuis six mois. Or, si la croissance est moins forte, le déficit public est mécaniquement plus élevé, à politique budgétaire inchangée.

Les prévisions du FMI sont d’ailleurs très claires : en matière de maîtrise de ses dépenses publiques et de déficit public, la France sera le cancre de l’Europe et ce jusqu’en 2027. En effet, selon le FMI, le déficit public atteindra au moins 4,9% en 2024 et 2025, puis 4,3% en 2027. Ce qui reste évidemment une prévision très optimiste. A titre de comparaison, d’ici quatre ans, l’Allemagne réduira son déficit public à 0,5% du PIB, l’Italie à 3% et l’ensemble de la Zone Euro à 2,3%. Face à ces dérapages incontrôlés et très coûteux pour les contribuables français (qui, comme d’habitude, seront les «dindons de la farce»), quatre grandes questions se posent.

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«Le déficit public français va forcément se creuser»

1. Les craintes du HCFP et du FMI sont-elles justifiées ? Malheureusement oui ! Certes, les prévisions du FMI sont souvent très loin de la réalité, notamment en termes de croissance. Elles doivent donc évidemment être prises avec des pincettes. Pour autant, il est clair qu’au regard de la politique budgétaire française passée, actuelle et à venir, le déficit public français va inévitablement se creuser. Selon nos prévisions, il pourrait même avoisiner les 6% en 2024. Dans ce cadre, il est inévitable que la dette publique de la France battra encore de nouveaux records historiques. Et ce d’autant que la croissance va rester molle dans l’Hexagone, comme le confirme la faiblesse des indices des directeurs d’achat, sous la barre fatidique des 50, depuis plus de six mois.

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La longue dérive de la dette publique

2. Comment en est-on arrivé là ? La réponse est malheureusement simple : le dernier excédent des comptes publics français remonte à… 1974. Depuis, que des déficits ! C’est d’ailleurs sur ce point que la théorie keynésienne de relance a été complétement bafouée en France. En effet, la politique de relance budgétaire est justifiée lorsque la récession menace ou s’installe. Dès lors, elle permet de redresser la barre. En revanche, et c’est ce qu’ont oublié les dirigeants du pays, mais aussi la très grande majorité des économistes français, une fois que la croissance est de retour et que les moteurs privés ont pris le relais, l’Etat doit réduire la voilure, en diminuant ses dépenses, retrouvant ainsi un équilibre, voire un excédent budgétaire, ce qui lui permettra de relancer la machine lors de la crise suivante.

Bien loin de cette démarche de bon sens, tous les gouvernements français depuis les années 1980 ont continué d’augmenter les dépenses publiques quelle que soit l’évolution de l’activité économique. Le sommet de l’absurde a été atteint en 1998-2000, lorsque malgré une croissance économique de plus de 3,5 % par an, le gouvernement Jospin a décidé de dilapider une «cagnotte» conjoncturelle et de la transformer en dépenses structurelles.

La facture vertigineuse de la charge d’intérêts de la dette publique française

Depuis, rien ou presque n’a changé et la fuite en avant n’a cessé de continuer. Elle a simplement changé de nom, devenant le fameux «quoi qu’il en coûte». Seulement voilà, si de 2020 à 2022, ce dernier a été financé par la «planche à billets» de la BCE, l’arrêt de cette dangereuse stratégie monétaire a ensuite imposé à la France de payer la facture, notamment au travers de l’augmentation des taux d’intérêt des obligations d’Etat. A tel point que, même si ces derniers arrêtent d’augmenter (hypothèse très optimiste), la charge annuelle d’intérêts de la dette publique française atteindra 50 milliards d’euros en 2024 et 75 milliards d’euros d’ici 2027, le premier poste de dépense de l’Etat !

3. Quels seront les résultats de l’économie française en matière de croissance, d’inflation et de déficits en 2024 ? Le problème est que si, à la rigueur, les dérapages budgétaires français avaient permis de susciter une croissance forte et durable, nous aurions pu crier «au diable l’avarice !» Mais, malheureusement, tel n’a pas été le cas. Loin s’en faut. Et pour cause : après avoir augmenté de seulement 0,85% par an en moyenne entre 2008 et 2023, le PIB français devrait rester durablement proche de la stagnation. Dans ce cadre, et même si un rebond technique parait encore possible pour la fin 2024, la variation annuelle du PIB français sera d’au mieux 0,6 % cette année.

Le déficit public risque d’être bien plus lourd que prévu, les taux à long terme pourraient bondir

Nous serons donc très loin des prévisions gouvernementales, ce qui se traduira par un déficit public bien plus élevé qu’annoncé. D’où une inévitable dégradation de la note de la dette française, puis une nouvelle augmentation des taux d’intérêt des obligations d’Etat, ce qui ne manquera évidemment pas d’aggraver la mollesse de l’activité économique, donc le chômage et les déficits publics… et le cercle pernicieux continuera.

En outre, si l’inflation recule logiquement depuis quelques mois tant en France que dans l’ensemble de la Zone Euro, le rebond récent des cours des matières premières risque de la faire rebondir très rapidement, ce qui réduira davantage le pouvoir d’achat des ménages, tout en empêchant la BCE de baisser fortement ses taux directeurs, d’où un nouvel accès de faiblesse de l’investissement, de la consommation et de l’emploi… D’ores et déjà, selon les statistiques de la Banque de France, les défaillances d’entreprises restent sur des niveaux catastrophiques. En l’occurrence 58 287 en mars, un sommet depuis janvier 2017.

dette et déficit publics : «après les jo, le fmi va-t-il placer la france sous surveillance ?»
ACDEFI

Encore plus grave, hors micro-entreprises, les défaillances ont atteint un nouveau record historique de 4 976 entreprises, soit 3,1 % de plus que le précédent record de septembre 2009. Le détail des chiffres par type d’entreprises montre d’ailleurs l’ampleur des dégâts, avec notamment des augmentations depuis janvier 2020 de 108,7 % pour les petites entreprises et de 106,7 % pour les sociétés hors micro-entreprises. Dans ce cadre, de nombreux licenciements sont malheureusement à attendre, avec mécaniquement une forte augmentation du chômage et une nette baisse des revenus et de la consommation.

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La France risque de finir par se retrouver sous surveillance du FMI

4. Au final, dans ce triste contexte, peut-on encore sauver l’économie française ? Bien sûr, mais, pour y arriver, il faudra avoir le courage d’engager la «thérapie de choc bienveillante» que nous appelons de nos vœux depuis des années, malheureusement en vain. Cette dernière devra notamment se traduire par une forte baisse de la pression fiscale pour tous (entreprises et ménages), mais aussi par une réduction des dépenses publiques, notamment de fonctionnement. Le problème est qu’après plus de quarante ans de déni de réalité et de fuite en avant budgétaire, il sera difficile de convaincre les Français. Mais, soyons lucides, si nous n’y parvenons pas, la France finira bien sous surveillance du FMI.

Marc Touati, économiste, président du cabinet ACDEFI, auteur de 8 best sellers économiques, dont RESET II – Bienvenue dans le monde d’après, sorti en septembre 2022.

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Marc Touati

Vous pouvez également retrouver ses chroniques vidéos sur sa chaîne YouTube, qui compte plus de 146 300 abonnés, dont la dernière : «Inflation, Israël – Iran, France : quels sont les risques ?»

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