«Ã‚ Black Flies » : un film coup de poing sur les ambulanciers new-yorkais
«Â Le paradis, je ne sais pas ce que c’est. Je crois en l’enfer ! » lance désabusé un certain Rutkovsky à son coéquipier Ollie Cross, tandis que file à toute vitesse leur ambulance, gyrophare bleu et sirène hurlante dans les rues sombres du Brooklyn, à New York. Tous deux sont urgentistes. Autant dire qu’ils sont en permanence plongés dans les entrailles d’une ville rongée par la violence. Un enfer qui peut conduire au suicide.
Le premier, vétéran traumatisé par le 11-Septembre, a le visage raviné, le caractère de chien et le regard revolver de Sean Penn ; le second, futur médecin confronté au terrain, a l’air juvénile et un peu perdu de Tye Sheridan (remarqué dans Ready Player One de Steven Spielberg). Pour eux, la Grosse Pomme a un goût de pourri et tient chaque nuit du cauchemar éveillé avec son défilé de bannis de la terre ? toxicos, alcoolos noirs et latinos, blessés par balle et coups de couteau ? sur fond de guerre des gangs.
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Dans ce catalogue des horreurs, on découvre aussi un mari violent, une vieille femme égarée et une droguée qui accouche d’un bébé mort-né. Une vision des bas-fonds qui ne manque pas de perturber la vie de ces deux héros, de mettre leurs nerfs à vif, au point de commettre, un jour, l’irréparable.
Voilà pour le décor glauque et l’atmosphère électrique du thriller de Jean-Stéphane Sauvaire. Son titre Black flies ? les mouches noires, signes de cadavres ? annonce la couleur. Sombre et désenchantée.
Installé depuis une quinzaine d’années dans une maison de Brooklyn où il a monté un cabaret nommé Le Bizarre, le réalisateur français n’a pas échappé à la fascination qu’exerce cette mégapole « bigger than life » sur bon nombre de cinéastes, de Martin Scorsese, avec Taxi Driver ou À tombeau ouvert, à William Friedkin et son incroyable French Connection. Lui aussi voulait se frotter à sa folle énergie, à ce mélange de violence et de misère sociale. Quitte à passer de longues nuits à l’arrière d’une ambulance pour vivre cette expérience de l’intérieur.
«Ã‚ Ce qui m’inspire avant tout, même si je suis cinéphile, ce n’est pas tant le cinéma, mais la réalité de ce monde qui est parfois bien différente des films, dit-il. Et la plupart du temps, tellement plus intéressante. » Cet ancien assistant de Gaspar Noé n’a jamais caché son attrait pour les sujets extrêmes. À l’image du brutal Johnny Mad Dog, l’histoire d’un enfant soldat en Afrique qu’il avait présenté au Festival de Cannes en 2007 où il est retourné l’an dernier avec ce nouveau film en compétition officielle.
Sean Penn, l’atout maître
L’idée de tourner un film choc sur deux urgentistes lui est venue en lisant le roman éponyme de Shannon Burke paru en 2008. « Il raconte, souligne-t-il, son quotidien en compagnie d’ambulanciers de la Station 18 de Harlem, dans les années 1990. Ça peut paraître noir et violent, mais c’est malheureusement vrai. Je voulais rester fidèle au réalisme du livre, montrer à travers le parcours quasi initiatique de ce jeune ambulancier, un monde qu’on connaît finalement peu et dont on dépend tous un jour ou l’autre. »
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Caméra à l’épaule, plans serrés, séquences coups de poing, Jean-Stéphane Sauvaire aligne à toute vitesse des images sans filtre qui ont le réalisme saisissant du documentaire, au milieu des bruits sourds et des lumières glauques de la nuit. Il suit au plus près ses deux héros dans leurs moindres gestes, confrontés à des scènes de crime qu’ils ont parfois du mal à maîtriser, victimes d’une violence qui finit par les miner et les pousser à la faute. Bande-son électrisante, souffle haletant des protagonistes, montage nerveux, profusion d’hémoglobine : tout est bon pour nous prendre à l’estomac.
Dans ce voyage au c?ur des ténèbres d’une ville, le réalisateur a un atout maître : Sean Penn dans un rôle où il joue sans modération de sa nature ténébreuse, à la violence contenue. « On se connaissait avec Sean, rappelle-t-il, grâce à Adèle Exarchopoulos qui lui avait montré Johnny Mad Dog quand ils tournaient ensemble Last Face (2016). Il avait aimé le film et m’a contacté. Connaissant le grand respect qu’il a pour les urgentistes, qu’il a aussi côtoyés au moment de la pandémie à travers son ONG Core, je pense que c’était un sujet important pour lui à défendre. »
Comment survivre à la violence ?
Dans Black Flies, on sent qu’il n’y a pas de salut pour les braves et que les illusions sont d’ores et déjà perdues. Éternel cure-dents au coin de la bouche, l’air crispé, Sean Penn fait semblant d’encaisser le coup ; Tye Sheridan, submergé par le stress, n’est pas loin de craquer, malgré le soutien de leur chef débonnaire joué par l’ancien champion de boxe, Mike Tyson. Et on en vient vite à se demander comment conserver sa foi de sauveur au milieu de cette jungle moite peuplée de monstres ensanglantés.
«Ã‚ C’est précisément le sujet même du film, répond le réalisateur, comment ne pas se laisser envahir par tant de souffrance, comment survivre àla violence environnante ? Ce qui a été un vrai cas de conscience après le 11-Septembre, et qui, dans un sens, continue aujourd’hui chez les patients comme chez les urgentistes qui luttent dans ce cauchemar urbain pour ne pas se laisser dévorer. » Black Flies ou comment affronter le chaos du monde.
En salle, le 3 avril.
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