Après les inondations à Dubaï, les «pluies artificielles» accusées à tort

après les inondations à dubaï, les «pluies artificielles» accusées à tort

Un homme est assis sur le toit de sa maison inondée dans un complexe résidentiel à la suite de fortes pluies, à Dubaï, Émirats arabes unis, le 18 avril 2024.

Un pays désertique les pieds dans l’eau. Ce mercredi 17 avril, l’aéroport de Dubaï, aux Emirats Arabes Unis, a pris des allures de piscine. Les rues, elles, se sont changées en rivières. Dans ce pays largement désertique, l’équivalent de deux années de pluie est tombé en à peine 24 heures par endroits, soit plus de plus de 120 millimètres d’eau. Le Qatar, le Bahreïn et Oman ont également été frappés par ce déluge, qui a fait près de 20 morts au total.

Sur les réseaux sociaux, ces images de pluies torrentielles ont suscité la sidération. Et ont alimenté suspicions et théories. Parmi l’une de ces hypothèses : les inondations ne seraient pas le résultat d’une cause naturelle. Elles auraient été provoquées par une technologie de géo-ingénierie – techniques visant à modifier le climat –, et en particulier avec celle dite de «l’ensemencement des nuages».

L’ensemencement des nuages, comment ça marche ?

Cette technologie consiste à injecter un produit chimique – iodure d’argent ou particules de sels – directement dans les nuages afin d’influencer les conditions météorologiques. Cette injection peut se faire grâce à des fusées, des avions, ou des générateurs au sol.

«Une fois injectées, ces particules de sels, qui attirent l’eau, vont générer des gouttelettes plus grosses que celles qui sont déjà présentes dans les nuages. Elles vont ensuite venir entrer en collision avec les plus gouttelettes. C’est ce phénomène, dit de différentiel de taille, dont on pense qu’il peut déclencher la précipitation», détaille Olivier Boucher, climatologue et directeur de recherche au CNRS.

Les Etats-Unis sont à l’origine de la découverte et du développement de cette méthode et l’utilisent de la Californie au Nevada. La Chine, avec son projet SkyRiver, investit elle aussi massivement dans cette technologie. Les Emirats Arabes Unis ne sont pas en reste, et génèrent eux aussi des pluies sur commande.

Est-ce que cette technologie a-t-elle pu jouer un rôle dans les précipitations ?

L’hypothèse attribuant à cette technologie de pointe l’origine des précipitations s’est largement répandue sur les réseaux sociaux, notamment après une publication du média américain Bloomberg. L’article «Dubaï s’immobilise alors que l’ensemencement des nuages aggrave les inondations» du mardi 16 avril a notamment été repris par des comptes proches des sphères complotistes.

Un lien de causalité rapidement démenti dans un nouvel article publié mercredi, après les précisions apportées par le Centre national de météorologie des Émirats arabes unis à CNBC. Selon le centre, aucune opération d’ensemencement n’a été réalisée avant ou pendant la tempête. «L’un des principes de base de l’ensemencement des nuages est qu’il faut cibler les nuages à un stade précoce, avant qu’il ne pleuve ; s’il y a un orage violent, il est alors trop tard pour mener une opération d’ensemencement», a-t-il ajouté.

Ainsi, selon Olivier Boucher, «cette technologie de modification du temps n’est pas liée à ces précipitations. C’est un non catégorique», affirme le climatologue. Un constat que partage Andrea Flossmann, chercheuse au CNRS et co-responsable du groupement d’experts sur la modification du temps pour l’Organisation météorologique mondiale (OMM). «L’ensemencement se fait de façon très locale, et les particules que l’on injecte disparaissent très rapidement, dès 24 heures après. Même si Dubaï avait procédé à un ensemencement juste avant la tempête, il aurait plu de la même façon», explique-t-elle. En clair : des quantités importantes de pluie seraient donc tombées sur Dubaï, avec ou sans recours à cette technologie.

Alors, pourquoi de telles inondations à Dubaï, au Qatar, au Bahreïn et à Oman ?

Une fois la piste des pluies artificielles écartée, d’autres phénomènes plus vraisemblables permettent d’expliquer l’ampleur des inondations qui ont frappé les pays du Golfe en début de semaine.

En début de semaine, «une masse d’air très humide venant de la mer est venue se fixer au-dessus de la région», explique Andrea Flossmann. Et la chercheuse de compléter : «Alors que ces nuages stagnaient depuis longtemps au-dessus d’une zone chaude, l’air chaud en surface a fini par monter, et au contact de l’air froid en altitude, l’humidité s’est condensée. C’est ce qui a déclenché les précipitations». Il s’agit d’un phénomène dit de «goutte froide» : une rencontre entre une masse d’air froide en altitude, qui se fixe au-dessus d’une zone géographique précise, et des températures plus clémentes au sol.

Le dérèglement climatique et ses conséquences sont aussi pointés du doigt dans ces inondations monstres. «C’est encore trop tôt pour le dire sans études à l’appui, mais il est fortement probable que le réchauffement climatique ait joué un rôle dans ces précipitations, car il augmente la probabilité de ce genre d’événements rares et extrêmes», note Olivier Boucher.

Enfin, comme l’explique Andrea Flossmann, l’évaporation à la surface des mers et des océans se révèle beaucoup plus importante lorsque le climat est chaud. Davantage de vapeur d’eau, de gouttelettes, et donc plus de risques de précipitations conséquentes et d’inondations records. Des incidents d’autant plus dévastateurs que ces villes urbanisées, situées en zone désertique, n’ont pas été construites pour faire face à de tels événements extrêmes.

News Related

OTHER NEWS

Vieillir à domicile coûte-t-il vraiment moins cher qu'aller en Ehpad?

1216 euros par mois en moyenne, c’est le coût moyen sur 20 ans qu’il faut prévoir pour vieillir dignement chez soi de 65 ans à plus de 85 ans. Aller ... Read more »

Face à une fronde syndicale majeure en Suède, Tesla décide de poursuivre l’État

À l’origine des protestations : le refus de Tesla d’adhérer à une convention collective sur les salaires. Le géant américain Tesla, confronté au refus des employés du secteur postal suédois ... Read more »

Nucléaire : près de 100 millions d'euros pour six projets français de réacteurs innovants

Vers l’infini, et au-delà (ou pas). Six projets supplémentaires de réacteurs nucléaires “innovants” feront l’objet d’un soutien de l’État français, à hauteur de 77,2 millions d’euros, auquel s’ajoute un accompagnement ... Read more »

JO-2024: quasi doublement du prix des tickets de métro parisiens pendant l'été

JO-2024: quasi doublement du prix des tickets de métro parisiens pendant l’été Le prix du ticket de métro parisien à l’unité va quasi-doubler durant l’été, a annoncé la présidente du ... Read more »

Hautes-Alpes: 10 à 15 cm de neige en vallée, jusqu'à 25 dans le Valgaudemer et les Écrins

Le département des Hautes-Alpes a engagé pas moins de 150 personnes depuis 4 heures du matin ce mardi 28 novembre. 10 à 15 cm de neige sont tombés en vallée ... Read more »

Hyundai et Kia dévoilent l'«Universal Wheel Drive System»

Module du système Uni Wheel SEOUL, 28 nov. (Yonhap) — Les constructeurs automobiles locaux Hyundai Motor et Kia Corp. ont dévoilé un nouveau système de traction intégré dans la roue ... Read more »

L’oryctérope du Cap, un animal unique en son genre

L’oryctérope du Cap est le seul membre de son genre, n’ayant aucun parent proche vivant aujourd’hui. Même s’il est appelé aardvark en afrikaans, ce qui signifie “cochon de terre”, il ... Read more »
Top List in the World