Allemagne : démantèlement d’un réseau d’espionnage au service de Poutine
Le coup de filet des services de sécurité allemands avant-hier dans la tranquille petite ville bavaroise de Bayreuth est digne d’un roman d’espionnage de la guerre froide. Le BKA (le renseignement allemand) a fait appel à un commando mobile de la police allemande pour mener l’opération mercredi dernier. Deux hommes soupçonnés d’espionner pour le compte de Moscou ont été arrêtés.
Détenteurs de la double nationalité germano-russe Dieter S. (39 ans) et Alexander J. (37 ans) sont accusés d’avoir effectué des repérages dans des installations militaires américaines basées sur le territoire allemand en vue de lancer des opérations de sabotage, en particulier pour empêcher le transport de matériel militaire vers l’Ukraine. Il semblerait qu’ils auraient réussi à infiltrer la grande base américaine de Grafenwöhr en Bavière où des soldats ukrainiens sont formés au maniement des chars américains de combat Abrams. Le domicile et le lieu de travail des deux hommes ont été perquisitionnés. Le juge a ordonné la mise en détention de Dieter S. dans l’attente d’une éventuelle inculpation. Alexander J. devra comparaître à huis clos.
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Dieter S. livrerait depuis octobre de l’année dernière des informations à un agent des services de renseignements russes. Dieter S. aurait assuré à la Russie qu’il était prêt à « commettre des attentats à l’explosif, principalement contre des infrastructures militaires et des sites industriels en Allemagne ». Après avoir réussi à pénétrer dans les sites en question, Dieter S. a pris des photos et tourné des vidéos qu’il a communiqués à son contact russe. Dieter S. était connu des services de sécurité allemands. Entre 2014 et 2016, il aurait rejoint pour combattre à ses côtés la milice armée séparatiste « République populaire de Donetsk » dans l’est de l’Ukraine. Alexander J. l’a rejoint un peu plus tard.
L’Allemagne au c?ur de la guerre
Cette affaire illustre bien la menace que Vladimir Poutine fait peser sur l’Allemagne, premier fournisseur d’aide militaire à l’Ukraine après les États-Unis. Chaque année, des milliers de soldats ukrainiens suivent une formation en Allemagne. Le chancelier Scholz a beau essayer de se tenir un peu à l’écart du conflit en essayant de livrer des missiles Taurus à Kiev, cette affaire d’espionnage prouve que, pour Vladimir Poutine, l’Allemagne est très clairement partie prenante dans cette guerre.
L’Allemagne n’a pas l’intention de se laisser « intimider », a rappelé la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser. Elle poursuivra cet effort et sa solidarité ne fléchira pas. « Nous savons que l’appareil de pouvoir russe prend également pour cible notre pays, a déclaré le ministre de la Justice, Marco Buschmann. Et nous devons mettre de la détermination à contrecarrer cette menace. »
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Une affaire particulièrement grave
Nancy Faeser a félicité les forces de sécurité pour avoir réussi à déjouer d’éventuels attentats à l’explosif visant à saper l’aide militaire fournie à l’Ukraine. « C’est une affaire particulièrement grave, juge la ministre, d’activité présumée d’espionnage pour le compte du régime criminel de Poutine. » Elle rappelle que, depuis l’agression russe contre l’Ukraine, les services de sécurité allemands ont renforcé toutes les mesures nécessaires pour déjouer une telle menace. La ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a pour sa part convoqué aujourd’hui l’ambassadeur russe.
Ce n’est pas la première affaire d’espionnage en Allemagne depuis le début de la guerre en Ukraine. Un ancien agent des services secrets allemands est jugé en ce moment à Berlin pour avoir, à l’automne 2022, transmis des informations classées secrètes aux services de sécurité russes. Des accusations qu’il continue de nier fermement. Un autre Allemand, officier de réserve de la Bundeswehr, a été condamné en novembre 2022 pour avoir transmis des informations aux services de renseignements russes.
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Poutine essaie de recruter les Germano-Russes
Il semblerait que Vladimir Poutine tente de recruter les Russlanddeutsche établis en Allemagne. Leurs ancêtres avaient émigré dans la Russie de l’impératrice Catherine. D’importantes communautés de lointaine origine allemande vivaient en Union soviétique avant la chute du Mur, tout particulièrement au Kazakhstan et en Ouzbékistan.
Après l’effondrement de l’URSS, ils ont massivement émigré en Allemagne, profitant de la loi du sang en vigueur à l’époque qui octroie automatiquement la nationalité allemande à ceux qui ont des ancêtres allemands et donc du sang allemand dans les veines. Il est fort probable que Moscou cherche à radicaliser des recrues au sein de cette communauté, le plus souvent bilingue, socialisée pour les plus âgés en URSS et possédant la double nationalité.
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Marie-Agnes Strack-Zimmermann, la très virulente porte-parole de la commission de défense au Bundestag, le Parlement allemand, confirme ce soupçon : « Quand on voit combien de Russo-Allemands ont fait la queue devant le consulat général à Bonn lors de l’élection présidentielle russe du mois de mars et combien ont entonné avec enthousiasme un chant sur Poutine, cette option est tout à fait plausible. » Strack-Zimmermann estime que l’Allemagne s’est montrée beaucoup trop naïve sur ce sujet par le passé.
Plus de 2 millions de Russes-Allemands vivent en Allemagne. Très travailleurs et respectueux de la démocratie, ils sont pour la grande majorité parfaitement intégrés. Ils représentent aussi le groupe d’origine étrangère le plus important au sein de la Bundeswehr, l’armée allemande. Mais ils ont aussi souvent des idées réactionnaires et autoritaires et adhèrent aux visions du parti d’extrême droite AfD. Certains sont toujours très attachés à la Russie et soutiennent Vladimir Poutine qui tente de les instrumentaliser. L’industrie d’armement allemande trie maintenant avec soin ses employés germano-russes.
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