Guerre en Ukraine : L’ISS, cette « bulle » où Russes et Occidentaux sont encore « condamnés » à cohabiter

Deux ans après le déclenchement de la guerre en Ukraine, il reste un seul endroit où Occidentaux et Russes restent contraints de coopérer un minimum. Il se situe à 500 kilomètres de la Terre

guerre en ukraine : l’iss, cette « bulle » où russes et occidentaux sont encore « condamnés » à cohabiter

La Station spatiale internationale (ISS) dépend du système de propulsion russe et des panneaux solaires américains pour la plus grande part de son alimentation en énergie. Il est pour l’heure techniquement impossible de la couper en deux.

espace – Deux ans après le déclenchement de la guerre en Ukraine, il reste un seul endroit où Occidentaux et Russes restent contraints de coopérer un minimum. Il se situe à 500 kilomètres de la Terre

Regard serein et accolade complice avec ses trois « collègues » américains. L’ancien militaire Aleksandr Grebionkine, pas avare de sourires dans la galerie de portraits de la Nasa, doit être un des rares Russes dont la mission officielle est de coopérer sans réserve avec les Occidentaux. Le quadragénaire doit ce privilège à son métier de cosmonaute. Sauf contretemps technique, son équipage quittera Cap Canaveral le 1er mars dans un vaisseau Crew Dragon de SpaceX pour rejoindre la Station spatiale internationale (ISS).

Deux ans après le déclenchement de la guerre en Ukraine, ce « covoiturage » américano-russe étonne toujours, surtout quand sortent les photos officielles des futurs équipages aux sourires « ultra brite » et a l’écusson patriotique bien collé sur le biceps. Il n’a en fait jamais cessé. Régulièrement, un Américain décolle en Soyouz vers l’ISS et en revient dans les steppes du Kazakhstan. Puis, à la rotation suivante, un Russe a son siège réservé sur le vol américain.

Personne ne peut se permettre de renoncer aux vols habités

La mission ExoMars n’a pas survécu au conflit entre la Russie et l’Ukraine et la France, même si ça lui coûte, n’autorise plus les fusées Soyouz à décoller de Kourou, en Guyane. Mais à 500 km de la Terre, la cosmopolite ISS survole les champs de bataille et suit tranquillement son orbite, comme une « bulle » déconnectée des contingences diplomatiques. Ou trop connectée, justement. « Le vol habité est avant tout un outil géopolitique, explique Sébastien Barde, sous-directeur de l’exploration et des vols habités au Cnes. Renoncer à l’ISS, ce serait renoncer à l’Espace. Occidentaux et Russes sont donc condamnés à travailler ensemble »

Etroitement même, malgré les rodomontades de l’apparatchik Rogozine, le patron de l’agence russe Roscosmos au moment du déclenchement de la guerre, qui menaçait d’une scission physique là-haut. Car l’ISS a été imaginée en temps de paix, dans les années 1990. Et elle a beau comporter deux modules distincts – l’un russe, l’autre occidental, comprenant notamment le laboratoire Columbus de l’Agence spatiale européenne (ESA) –, « ce Lego a été conçu dès le départ pour que les deux éléments ne puissent pas fonctionner séparément. Ils sont imbriqués totalement et interdépendants », souligne Olivier Sanguy, responsable de l’actualité scientifique à la Cité de l’Espace.

Ce sont les panneaux solaires de la partie occidentale qui fournissent l’énergie et les moteurs russes qui maintiennent le tout en orbite.  « Pour la thermorégulation, l’oxygène, la répartition de l’eau, les contraintes opérationnelles restent, on ne peut pas couper la station en deux », confirme la spationaute Claudie Haigneré. Celle qui a séjourné dans l’ISS en 2001, et même dans la station russe Mir en 1996 – « du temps où les cosmonautes russes, biélorusses et ukrainiens formaient une grande famille » – reste persuadée « que par pragmatisme, les astronautes à bord essaient d’avoir une atmosphère de travail et de vie qui soit la plus sereine possible ».

« Concernant le travail, la Science, il n’y a plus de coopération »

De façon générale, les spécialistes n’imaginent pas ces astronautes surentraînés et sélectionnés pour leur sociabilité s’empoisonner la vie quotidienne et les repas en évoquant le lointain conflit. Mais ce n’est parce que le divorce dans l’Espace est techniquement impossible que la guerre en Ukraine et les profonds désaccords sont éclipsés.

Notre dossier sur la guerre en Ukraine

«Ã‚ Concernant le travail, la Science, il n’y a plus de coopération », indique Sébastien Barde. Plus que dans une copropriété, Russes et Occidentaux bossent « dans deux appartements séparés ». Les « heures astronautes » consacrées à la Science ont toujours été très compartimentées. Mais il pouvait arriver que pour une manipulation importante, pour un instrument particulier, on se donne des « heures », après validation en haut lieu. « Maintenant, on ne se demande plus rien, comme ça, on ne se doit rien », résume le cadre du Cnes. Pour l’extérieur, le message est ainsi clair. « Pour les voyages aller et retour, l’accord porte sur un échange de places uniquement. S’il y avait une notion d’argent, cela contreviendrait aux sanctions internationales », ajoute Olivier Sanguy.

Bientôt chacun pour soi

Même Claudie Haigneré, malgré sa nostalgie de « l’aventure humaine partagée », a intégré la fracture. Pour les grandes occasions, elle reconnaît qu’elle hésite à prendre son téléphone ou à écrire un courriel à ses anciens compagnons de vol russes. « J’ai cette crainte de les placer en situation délicate », confie-t-elle, tout en restant fière que l’ISS soit « aujourd’hui le seul endroit au monde où il y a encore des échanges d’informations ».

Mais pas pour longtemps. « Prisonniers » pour l’heure de l’ISS, qui doit être mise à la retraite en 2030, les deux camps tirent ouvertement des plans sur la comète pour se sortir de ce carcan. Vladimir Poutine a annoncé que le premier segment de la nouvelle station spatiale russe autonome sera mis en orbite en 2027. Les Américains, tout en étudiant avec SpaceX l’hypothèse d’une capsule Crew Dragon qui pourrait servir de moteur à l’ISS, financent plusieurs stations spatiales privées dans lesquelles les autres pays devront payer pour embarquer. Et la Nasa voit encore plus loin en planchant, avec les Européens, sur sa future station orbitale lunaire, le Lunar Gateway.

SciencesEspace : Les Etats-Unis, avec SpaceX, ont écrasé la concurrence en 2023SciencesLa Russie et la Nasa d’accord pour des vols croisés vers la Station spatiale internationale jusqu’en 2025

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