Un braquage à quelques jours de la Fashion week: six hommes jugés pour le vol de la collection Balmain

Six hommes sont jugés ce mercredi par le tribunal de Bobigny pour avoir braqué et volé, le 16 septembre 2023, un camion transportant des pièces du défilé Balmain pour un défilé prévu quelques jours plus tard.

Il n’avait qu’une quarantaine de kilomètres à parcourir, mais le camion de livraison transportant les vêtements du défilé Balmain de la Fashion week n’est jamais arrivé au siège de la prestigieuse maison de couture, dans le 8e arrondissement de Paris. Ce 16 septembre 2023, quelques minutes seulement après avoir quitté l’entrepôt DHL de l’aéroport Charles-de-Gaulle, le véhicule est attaqué par plusieurs hommes.

Le camion est retrouvé quelques heures plus tard. Mais les onze cartons contenant les pièces de la nouvelle collection du styliste star Olivier Rousteing, eux, ont disparu. Un préjudice évalué à 500.000 euros selon la maison de haute couture.

Après trois mois d’enquête, six hommes, âgés de 23 à 32 ans, avaient été interpellés le 16 janvier dernier en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne. Trois d’entre eux avaient été placés en détention provisoire. Plusieurs pièces Balmain, volées dans le camion, avaient été retrouvées chez l’un d’entre eux. Ces six suspects doivent être jugés ce mercredi 28 février devant la 18e chambre correctionnelle du tribunal de Bobigny (Seine-et-Marne).

Malgré le vol, le défilé Balmain s’était tenu le 27 septembre, comme initialement prévu. (Illustration)

146 cartons de marchandise

Ce 16 septembre 2023, vers 8h30, Thierry*, chauffeur livreur pour la société TEC, prestataire de l’entreprise DHL, ferme les portes de son camion, avec 146 cartons à son bord. Mais il ne s’agit pas de n’importe quelle marchandise. Parmi les colis, certains contiennent des pièces de la marque Pierre Balmain, d’autres de Paco Rabane. Elles sont destinées à la Fashion week, qui doit avoir lieu treize jours plus tard, le 27 septembre.

Le camion fermé, Thierry quitte l’entrepôt DHL de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle. Quelques minutes plus tard, sur un rond-point de la départementale 88 à hauteur de Villepinte (Seine-et-Marne), il est percuté par une voiture grise. Thierry sort de son véhicule pour constater les dégâts. Il veut vérifier s’il faut faire un constat.

Mais à ce moment-là, trois hommes sortent de la voiture, le visage dissimulé sous des cagoules. Les deux individus, gantés, ont une arme. Ils conduisent Thierry derrière son camion, en retrait de la route, et lui volent sa sacoche, dans laquelle se trouvent son téléphone portable et les clefs du véhicule.

L’un des deux hommes monte à bord de l’utilitaire, les deux autres retournent dans leur voiture et les deux véhicules prennent la fuite, en direction de l’A1, laissant Thierry au bord de la route.

Le camion retrouvé abandonné

Mais le chauffeur livreur a toujours son téléphone. Il appelle son interlocuteur chez Balmain pour les prévenir. À ce moment-là, Olivier Rousteing se trouve dans les locaux de la maison de couture, situés dans le 8e arrondissement de Paris. Le styliste est à moins de deux semaines de son défilé. Il est impatient de faire les premiers essayages, quand on l’informe finalement du braquage.

“Plus de 50 pièces ont été dérobées”, écrit-il quelques jours plus tard sur son compte Instagram. “C’est injuste. Mon équipe et moi-même avons travaillé très dur.”

“Nous allons travailler encore plus, jour et nuit, tout comme nos fournisseurs, mais c’est tellement irrespectueux”, dénonce-t-il. “Je voulais partager cela avec vous pour vous rappeler de ne jamais rien prendre pour acquis.”

Les enquêteurs de la police judiciaire de Seine-Saint-Denis, eux, se mettent rapidement au travail. Et il ne leur faut pas longtemps pour localiser le camion de marchandise. Quelques heures après le vol, l’utilitaire est retrouvé abandonné à Mitry-Mory (Seine-et-Marne), aux abords de l’A104. À l’intérieur, il ne reste que 32 cartons sur 146. Mais plus aucun de ceux contenant les pièces attendues par la maison Balmain.

Les images de vidéosurveillance du secteur sont exploitées. Rapidement, les enquêteurs découvrent que le véhicule des braqueurs, identifié par Thierry comme une Megane, est en réalité une voiture Renault Talisman grise, volée à Bobigny dans la nuit du 12 au 13 septembre.

Trois numéros et deux ADN

Pour identifier les braqueurs, les enquêteurs étudient la téléphonie. À partir “du lieu des faits et du lieu d’abandon du véhicule”, ils identifient trois numéros qui ont borné sur les lieux du braquage et à Mitry-Mory, où le camion de livraison a été abandonné, expliquent-ils dans leur rapport. Le 22 septembre, ils décident de placer ces trois numéros sur écoute.

Rapidement, les policiers identifient Sofiane Z., un homme de 28 ans, comme étant le propriétaire du premier numéro. Les deux autres, eux, appartiennent, selon les enquêteurs, à Zouheir B., 27 ans. Les enquêteurs estiment que l’homme aurait “coupé sa ligne officielle pour utiliser une carte prépayée le temps des faits, avant de rallumer sa ligne”.

Son ADN est également identifié sur un sac plastique retrouvé dans la Renault Talisman. Sur le volant du véhicule, un autre ADN est découvert, identifié comme appartenant à Nassim H. Grâce à la téléphonie, une quatrième personne est identifiée: Djibril S., un homme âgé de 25 ans.

Selon les enquêteurs, le jour des faits, Nassim H. et Djibril S. se sont rendus à Bobigny pour récupérer le Renault Talisman volé. Ils ont été rejoints par Sofiane Z. et Zouheir B., à bord d’un autre véhicule, qui a pu servir plus tard à récupérer la marchandise après l’abandon du camion de livraison.

Un repérage en interne?

Mais comment ces quatre individus ont-ils pu savoir que la marchandise se trouvait à bord de l’utilitaire conduit par Thierry? Rapidement, les enquêteurs soupçonnent une complicité au sein de l’entreprise DHL. Ils découvrent qu’une dizaine de jours avant le vol, plusieurs des suspects du braquage avaient suivi une camionnette de l’entreprise TEC effectuant le même itinéraire que celle braquée le 16 septembre. Le conducteur n’est autre que le cousin de Zouheir B., un certain Soufien B.

Après trois mois d’enquête, le 16 janvier, la police judiciaire interpelle les suspects en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne. Les six hommes devaient initialement être jugés le 23 janvier, en comparution immédiate, mais l’affaire avait été renvoyée compte tenu de la complexité du dossier qui compte plus de 1.600 pages. Ce mercredi, ils vont être jugés par le tribunal correctionnel de Bobigny pour “vol aggravé”, “association de malfaiteurs” et “recel”.

Me Samuel Habib, l’avocat de Sofiane Z., qui comparaît libre, dénonce une procédure qui “a été mal menée”. “La précipitation, tant d’un point de vue procédural que dans le déroulement de l’enquête, a été privilégiée au détriment d’une conduite rigoureuse du dossier et de la quête de la vérité et par conséquent, d’une bonne justice”, a-t-il confié à BFMTV.com.

Le 27 septembre, malgré une cinquantaine de pièces manquantes, la prestigieuse maison de couture avait maintenu son défilé dans l’enceinte du théâtre Chaillot. Ce jour-là, Olivier Rousteing avait relevé le défi et fait sensation.