“Un projet pionnier” d’après les mots de la directrice générale de GRTgaz. Mercredi matin, Sandrine Meunier a officialisé la décision d’investissement de 40 millions d’euros du gestionnaire de réseau gazier français dans le projet Mosahyc. Il s’agit d’un gazoduc d’environ 90 kilomètres de long qui transportera de l’hydrogène entre la France et l’Allemagne avec une mise en service prévue fin 2027.
“Compte tenu de la position géographique de la France, cela permettra de la positionner au coeur du marché européen de l’hydrogène et de connecter les marchés d’Europe du Nord et d’Europe du Sud”, estime la dirigeante.
Selon Sandrine Meunier, cette infrastructure transfrontalière participe “à la souveraineté énergétique de la France” et est “une première étape dans la construction d’un grand marché européen de l’hydrogène” , le gigantesque projet de réseau The European Hydrogen Backbone devant voir le jour à l’horizon 2040. Il doit également renforcer l’attractivité économique et le dynamisme industriel de la région tout en stimulant la production d’hydrogène bas carbone afin d’atteindre les objectifs de décarbonation du secteur secondaire français.
GRTGaz va investir 40 millions d’euros dans un gazoduc pour transporter de l’hydrogène entre la France et l’Allemagne
“C’est une première car on est sur un transport d’hydrogène bas carbone, transfrontalier et qui se veut ouvert, ajoute Anthony Mazzenga, directeur développement de GRTgaz. Il a vocation à accueillir des producteurs et des consommateurs et à s’étendre.”
Conversion d’une canalisation gazière
Concrètement, Mosahyc vise notamment à alimenter les aciéries de Dillingen, filiale du conglomérat Stahl-Holding-Saar qui souhaite faire passer son processus de production d’acier du charbon à l’hydrogène. SHS s’est engagé sur 25 ans à acheter 80% de la capacité annuelle de transport d’hydrogène du gazoduc, soit environ 50.000 tonnes.
Ces 2 TWh d’hydrogène représentent “une capacité de transport massif qui permet de convertir complètement un grand site sidérurgique” mais laissent “de la place pour accueillir deux autres clients”, selon Anthony Mazzenga. “Les futurs clients bénéficieront d’un tarif compétitif car il aura été déjà amorti par ce premier client principal”, précise le directeur développement.
Pour ce faire, Mosahyc va donc convertir à l’hydrogène une canalisation gazière déjà existante pour un montant global de 110 millions d’euros. GRTgaz assumera 40 millions d’euros tandis que le partenaire allemand Creos endossera les 70 millions d’euros restants et a formulé une demande de subvention IPCEI (Projets importants d’intérêt européen commun) afin de finaliser cet investissement.
“On garde l’ensemble de la canalisation qui va pouvoir être compatible avec l’hydrogène, explique Anthony Mazzenga. En pratique, on va juste modifier l’exploitation de cette canalisation et réduire la pression de 60 à 30 bars pour rester dans un domaine de sécurité tout en offrant une capacité suffisante pour répondre aux demandes des industriels.”
“Si on n’avait pas fait cette conversion, la canalisation gaz n’aurait plus eu d’utilité et il aurait probablement fallu la démanteler à terme, ce qui aurait eu un coût pour les utilisateurs de gaz.”
Si le gazoduc transportera d’abord de l’hydrogène produit à partir d’électrolyseurs, il a vocation à pouvoir prendre en charge toute forme d’hydrogène, peu importe son origine.
Les infrastructures mises en avant dans la stratégie française sur l’hydrogène
Mosahyc s’inscrit dans les nombreux projets d’hydrogène que lance GRTgaz à travers la France, notamment Dhune à Dunkerque ou HYnframed à Fos-sur-Mer qui sont les plus avancés et dont les mises en service sont prévues dès 2028. Pour les autres projets de territoires et d’interconnexion, les mises en service sont plutôt fixées à l’horizon 2029-2030. En tout, le gestionnaire de réseau gazier français y consacre une enveloppe de sept milliards d’euros, très largement captée par les projets d’interconnexion (6,5 milliards).
Mais ces investissements valent le coût, selon Anthony Mazzenga qui, malgré les difficultés qui apparaissent en matière de mobilités et les ralentissements dans certains secteurs industriels, observe que l’hydrogène en séduit d’autres comme la chimie, les engrais ou encore l’acier dans leur stratégie de décarbonation et à quelques années de la fin des quotas CO2 gratuits.
“On constate que ceux qui se tournent vers l’hydrogène sont des secteurs qui ne peuvent pas s’en passer ou ont en tout cas un intérêt particulier à avoir recours à l’hydrogène qui est une solution de décarbonation plus avantageuse que le biométhane par exemple”, souligne-t-il.
De son côté, Sandrine Meunier se réjouit de l’intégration d’un volet dédié aux infrastructures dans la stratégie française sur l’hydrogène et l’accent mis sur l’interconnexion entre les différents bassins et les sites de stockage massif. “On a conscience que l’Allemagne a un peu d’avance sur l’accompagnement des projets de décarbonation de leurs industries, reconnaît la directrice générale de GRTgaz. On est sur une phase de discussion avec les pouvoirs publics et la CRE [Commission de régulation de l’énergie] pour pouvoir mettre en place un système régulatoire en France qui viendrait soutenir ces investissements.”
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