Pierre de Coubertin, l'odieux du stade

pierre de coubertin, l'odieux du stade

Le baron Pierre de Coubertin en mai 1921. | Agence Rol / Gallica - BNF / domaine public via Wikimedia Commons

C'est un petit homme bien mis, sobre et distingué. Veston immaculé, moustache épaisse et ciselée avec soin. Sous sa petite voix fluette et ses manières bourgeoises, on devine une ambition, contenue mais dévorante. Nous sommes au beau milieu des années 1880 et ce grand passionné de sport –il pratique notamment l'équitation, la boxe et l'escrime– est convaincu que les disciplines physiques permettront de «régénérer» la nation française, ébranlée par la défaite de Sedan durant la guerre franco-allemande de 1870. Il n'y a qu'un pas à faire.

Le rêve olympique

Inspiré par les collèges anglais, qu'il découvre à 12 ans, le baron Pierre de Coubertin milite pour la démocratisation de la gymnastique au sein des écoles, se plaçant en cela proche des enseignements républicains. Ce n'est pas seulement une question de culture physique et athlétique, mais de valeurs –camaraderie, compétition, discipline, goût de l'effort– qui forgeront les consciences de demain. Poussé par ce premier succès, un projet encore plus ambitieux voit le jour: dépoussiérer et rénover les Jeux olympiques, une série d'épreuves sportives qui n'a plus eu lieu depuis l'Antiquité et le IVe siècle. «L'heure a sonné où l'internationalisme sportif est appelé à jouer un nouveau rôle dans le monde», tonne-t-il à la Sorbonne le 25 novembre 1892.

Certes, le baron de Coubertin moissonne d'abord les sourires nerveux et les regards circonspects. Mais à force de discussions, d'échanges et de poignées de mains, il parvient à rallier d'autres voix à sa cause. En 1896, c'est la consécration. Les Jeux olympiques renaissent en Grèce, à Athènes, en rassemblant environ 240 athlètes issus de quatorze pays. Bien entendu, de nombreux obstacles demeurent. Il faut convaincre les autres nations d'y participer et de supporter les coûts d'infrastructure, de logistique et d'organisation qu'ils supposent. Pour donner l'exemple, Pierre de Coubertin, devenu président du Comité international olympique (CIO) en 1896 –poste qu'il occupera pendant trois décennies jusqu'en 1925–, organise les Jeux de la IIe olympiade moderne à Paris.

Le triomphe de l'olympisme est encore loin. Lors des chaotiques Jeux olympiques de Paris, en 1900, l'épreuve de tir aux pigeons se transforme en bain de sang. Quatre ans plus tard, en marge des JO suivants à Saint-Louis (Missouri), la fête est gâchée par l'organisation de «Journées anthropologiques» qui exhibent des autochtones venus d'Amérique du Sud, des Grandes Plaines américaines ou encore d'Asie, concourant dans des disciplines dont ils ne comprennent même pas les règles. Refroidie par la perspective de plusieurs semaines de voyage jusque dans le Midwest américain, la délégation française n'a même pas daigné se présenter à Saint-Louis en août 1904.

«Un colonial fanatique»

Petit à petit, Pierre de Coubertin s'éloigne du rêve olympique. Exilé en Suisse à partir de 1915, il démissionne de la présidence du CIO en 1925. Ayant toujours fortement milité pour que les femmes ne concourent pas sur les terrains de l'olympisme, il constate amèrement que son successeur (le comte belge Henri de Baillet-Latour) leur a ouvert les pistes de l'athlétisme aux Jeux d'Amsterdam en 1928. Après-coup, l'aristocrate n'en démord pas: une saine concurrence sportive ne peut être que masculine. «Féminisée, elle prend quelque chose de monstrueux. […] S'il y a des femmes qui veulent jouer au football ou boxer, libre à elles pourvu que cela se passe sans spectateurs, car les spectateurs qui se groupent autour de telles compétitions n'y viennent point pour voir du sport», assure-t-il.

C'est ici que l'on touche à la part d'ombre du baron de Coubertin. Taxé d'antiféminisme, il est également accusé d'avoir adhéré à la hiérarchie des races. «Dès les premiers jours, j'étais un colonial fanatique», admet-il dans ses Mémoires olympiques, publiés en 1931. Issu d'une famille conservatrice, d'allégeance monarchiste, il semble convaincu de la supériorité de la race blanche. «Sans naturellement s'abaisser à l'esclavage ou même à une forme adoucie du servage, la race supérieure a parfaitement raison de refuser à la race inférieure certains privilèges de la vie civilisée», déclarait-t-il en 1901.

Pourtant, lorsque les «Journées anthropologiques» excitent Saint-Louis trois ans plus tard, avec des épreuves insolites réservées aux autochtones arrachés à des contrées lointaines, le baron dénonce «cette mascarade outrageante», dont il juge qu'elle «se dépouillera tout naturellement de ses oripeaux lorsque ces Noirs, ces Rouges, ces Jaunes apprendront à courir, à sauter, à lancer et laisseront les Blancs derrière eux». Un avertissement prophétique: si le marathon de Saint-Louis est remporté par un Blanc (l'Américain Thomas Hicks), il accueille pour la première fois deux coureurs noirs africains. Depuis 1988, plus de la moitié des médailles dans la discipline (hommes et femmes confondus) ont été remportées par des athlètes africains ou originaires de ce continent.

Les revers de la médaille

C'est là tout le paradoxe du personnage. Chantre d'une «saine compétition sportive entre les peuples», prélude à la bonne entente des nations, il n'est pas pour autant hostile au colonialisme ni à la domination des races supérieures. Peut-être est-ce pour cette raison qu'il a avoué «admirer intensément» l'homme qui a ouvert les Jeux olympiques de 1936 à Berlin?

Sans nécessairement adhérer aux idéaux fascistes d'Adolf Hitler, le baron de Coubertin admet que la passion du Führer pour l'olympisme –vitrine du Troisième Reich– est communicative. «Ces Jeux ont été, très exactement, ce que j'ai souhaité qu'ils fussent. […] À Berlin, on a vibré pour une idée que nous n'avons pas à juger, mais qui fut l'excitant passionnel que je recherche constamment. […] Comment voudriez-vous dans ces conditions que je répudie la célébration de la XIe olympiade? Puisque aussi bien cette glorification du régime nazi a été le choc émotionnel qui a permis le développement immense qu'ils ont connu», confesse-t-il dans un entretien au journal L'Auto (ancêtre du quotidien L'Équipe), le 4 septembre 1936.

À ce moment de son existence, le baron, septuagénaire, a vu sa fortune fondre comme neige au soleil. Le soutien implicite aux JO nazis lui a permis de recevoir un chèque bienvenu. Pour autant, Pierre de Coubertin, accablé par des pépins de santé, n'a pas daigné se déplacer, malgré les invitations. Faut-il y voir un indice de son allégeance véritable? Peut-être. L'année suivante, oublié de tous, le vieux baron rumine ses souvenirs autour du lac Léman. C'est alors qu'il s'effondre, terrassé par une crise cardiaque, le 2 septembre 1937, à l'âge de 74 ans. Suivant ses dernières volontés, son cœur sera inhumé à Olympie, en Grèce, berceau des Jeux antiques dont il a fait perdurer le rêve.

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