Mais pourquoi je ne suis jamais invité à Cannes ?
Lundi, notre président olympique, Emmanuel Macron, a reçu 180 patrons au château de Versailles. Rien de mieux que la Galerie des glaces pour se regarder le nombril. C'est donc à Versailles, résidence secondaire de Stéphane Bern et première passoire thermique nationale, que s'est déroulée la septième édition du sommet Choose France sur l'attractivité de l'Hexagone. J'y étais. Très sympa. Surtout le buffet. Du Picard ? Non, Ducasse. On sait où passent nos impôts, en deux heures, j'ai englouti la CSG de deux Ehpad. Choose France, c'est une version B to B de L'Île de la tentation. À la différence notable que la cagole en string qui fait baver une horde de mâles alpha en rut ne s'appelle pas Jessica, mais Marianne.
La France ne peut sans doute pas accueillir toute la misère du monde, mais elle est prête à en héberger tout son pognon. L'objectif affiché de Choose France est d'attirer la catégorie gold des étrangers, celle qui possède du pouvoir d'achat et qui est autonome en assurance-maladie. Et au fond, qu'est-ce qu'un investisseur si ce n'est un migrant habillé avec élégance ? Sauf que là, c'est lui qui possède le bateau et c'est nous qui ramons.
À LIRE AUSSI Choose France : Musk envisage « des investissements significatifs en France » À Versailles, notre président VRP affichait un grand sourire, il était dans son élément. Emmanuel Macron entouré de 180 patrons à Versailles, c'est comme DSK lâché dans un harem à Marrakech, le gars est dans sa zone de confort. Et dans le rôle de VRP de luxe, notre président excelle toujours, il dispose de toutes les qualités pour séduire le capital-risqueur.
Déjà le look. Il y a cette belle petite gueule de mondialisation heureuse, ce dress-code Mad Men 2.0 à la sauce GQ et ce mélange savamment orchestré de français et d'anglais d'affaires. Macron, il présente bien sur le catalogue France. Il respire le kick-off, le TedX, le private equity, ça rassure l'actionnaire. Résultat : une moisson record. Microsoft, Amazon, Pfizer? à se demander si la France ne serait pas devenue le nouvel Eldorado du crowdfunding, une sorte d'Irlande avec moins de roux. Même McCain, le dieu de la frite, a décidé de placer ses patates au Crédit agricole.
De #MeToo à #MoiJe
C'est parti pour la quinzaine du glamour, le 77e Festival de Cannes a ouvert ses portes. Comme chaque année, les défilés du 1er Mai passés et le muguet fané, Cannes accueille ses stars dépravées et retouchées. La Mecque du cinoche, cité miraculeuse, où octogénaires et touristes tueraient pour prendre les marches plutôt que l'ascenseur.À LIRE AUSSI #MeToo cinéma : Raphaël Quenard alerte sur le « virus de la rumeur » Mais Cannes, c'est avant tout la quintessence du cinéma, avec un C majuscule comme? chiant ! Le privilège unique de s'extasier devant l'?uvre méconnue d'un réalisateur népalais qui a décidé de filmer en plan séquence un troupeau de chèvres angora en crise de flatulences devant des moines bouddhistes menottés en slip, à l'arrière d'un camion militaire en partance pour Wou-Han.
Quel bonheur de visionner le dernier chef-d'?uvre d'un réalisateur français qui a estimé que trois fois trois heures était une durée suffisante pour nous faire apprécier le quotidien bucolique de deux jeunes ados non binaires, fumeuses de crack édentées qui se prostituent pour survivre dans une caravane sur le parking d'une zone industrielle de Calais. Bref, Cannes, c'est chaque année toujours le même film, la même histoire, et la même question. Mais pourquoi je ne suis jamais invité ?
*Régis Mailhot est un humoriste et chroniqueur français. Scène, radio, télévision, il est sur tous les fronts depuis presque vingt ans. Homme de scène à succès, et auteur d'ouvrages satiriques, ce trublion est révélé dans l'émission de radio Le Fou du roi sur France Inter, et consacré durant neuf saisons sur RTL avec ses billets d'humeur matinaux, et le midi aux côtés de Stéphane Bern. Il sévit aussi dans l'émission d'humour culte de Paris Première, La Revue de presse. Régis Mailhot est au Théâtre des Deux Ânes et en tournée avec son spectacle Les Nouveaux Ridicules.