Salaire à vie pour Fico, droit de manifester limité : vers la fin de l’État de droit en Slovaquie ?
Le Premier ministre slovaque, Robert Fico, va bénéficier d'un salaire à vie.
Après un projet de réforme du Code pénal susceptible de relancer la corruption – finalement avorté en février dernier après de multiples manifestations –, la Slovaquie s’éloigne un peu plus de l’État de droit. En témoigne l’adoption, par le Parlement le jeudi 27 juin, d’un ensemble de mesures censées améliorer la sécurité dans le pays, selon la coalition au pouvoir. Elles interviennent à la suite de la tentative d’assassinat du Premier ministre, Robert Fico, et entreront en vigueur le 15 juillet.
Rapidement rebaptisée « Lex Assassination » par ses principaux opposants, la loi fait mention de divers motifs de refus, d’interdiction ou d’annulation des rassemblements publics, comme le précise Euractiv. Ainsi, les manifestations devant les habitations seront interdites. Elles pourront également être prohibées si elles sont prévues à proximité du domicile d’une personne dont la profession ou la fonction est directement liée à l’objet du rassemblement.
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Les manifestations devraient également être proscrites s’il existe un risque d’affrontement entre les participants de plusieurs rassemblements concurrents. Pour justifier ces nouvelles interdictions, l’exécutif slovaque invoque de potentielles atteintes au droit des citoyens à la vie privée et à la jouissance paisible de leur domicile.
De nombreuses organisations, à l’instar d’Amnesty International, sont toutefois montées au créneau pour dénoncer ces mesures. « Ce projet de loi présente les rassemblements publics ou les manifestations comme une menace à l’ordre et la sécurité publics. Au lieu de faciliter le droit de manifester, le gouvernement a décidé de le restreindre », a alerté Radoslav Sloboda, directeur de la branche slovaque de l’ONG.
« Un État policier »
La nouvelle loi permet également aux présidents du Parlement ainsi qu’aux premiers ministres ayant exercé plus de deux mandats électoraux complets de bénéficier de gardes du corps et… d’un salaire à vie. À noter que Robert Fico figure comme le seul responsable politique slovaque à répondre à tous ces critères.
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En outre, du personnel de sécurité sera attribué à tous les dirigeants des partis, au président de la Cour constitutionnelle et au procureur général. Par ailleurs, les trois plus hauts responsables de l’État – le président, le président du Parlement et le Premier ministre – devraient avoir droit à un logement « équipé de manière appropriée » et fourni par le ministère de l’Intérieur.
Vent debout, l’opposition pointe les dérives potentielles de telles mesures. « La Lex Assassination, telle qu’elle a été présentée, […] a ouvert la voie à un État policier. Cela n’a rien à voir avec l’amélioration de la sécurité », prévient Mária Kolíková, ex-ministre de la Justice et députée de l’opposition du parti libéral SaS.
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« Aucune de ces mesures, si elles avaient été en vigueur au moment de cette réunion du gouvernement à Handlova, n'aurait empêché la tentative d'assassinat », assure de son côté Gabor Grendel, du mouvement d'opposition Slovensko, au micro de la radio nationale RTVS. Certains partis envisagent de saisir la Cour constitutionnelle.