En cas de conflit avec la Chine, les États-Unis pourraient manquer de "terres rares" nécessaires à l'armée

Joe Biden lors d'une conférence sur l'approvisionnement de terres rares le 22 février 2022.

La concentration de la production de terres rares entre les mains de la Chine a de quoi inquiéter les États-Unis en cas de potentiel conflit avec Pékin. Mais si le pays agit depuis des années pour s'assurer une autonomie dans le minage et le raffinement de ces métaux, le montant précis de ses stocks est inconnu, un facteur qui pourrait bien peser sur tout conflit impliquant Washington.

Conflit entre Israël, le Hamas et bientôt peut-être le Hezbollah, invasion russe de l'Ukraine, accrochages entre Manille et Pékin en Mer de Chine méridionale : les tensions autour de plusieurs points du globe semblent avoir atteint un pic ces dernières semaines, testant la capacité américaine à maintenir ses intérêts à l'étranger. Un élément pourrait venir troubler la puissance de Washington : les stocks limités de "terres rares", vitales pour l'armée des États-Unis en cas de conflit.

Des matières précieuses pour le domaine militaire

Les terres rares désignent un ensemble de métaux, dont certains sont en fait communs, utilisés dans des productions de haute technologie allant d'avions militaires américains à des câbles à fibre optique.

Autrement dit, ces minéraux sont essentiels sur le plan de la défense, d'autant plus dans le contexte de fortes tensions dans plusieurs régions autour du monde.

Même si certains membres de la catégorie des terres rares, comme le cérium, sont très répandus, leur exploitation dans des filons suffisamment larges et leur raffinage coûteux les rendent en réalité complexes à produire. La Chine est le leader de ce marché, une situation contraignante pour Washington qui cherche à se détacher du quasi-monopole de Pékin pour certains de ces minéraux. Le Mineral Security Partnership fondé en 2022 vise à permettre à Washington et des alliés d'Europe, d'Asie de l'Est et d'Océanie, de sécuriser leur chaîne d'approvisionnement en terres rares.

Car en 2023, un rapport du congrès des États-Unis alertait que le stock américain, dont l'ampleur n'est pas connue, comprenait "des déficits nets de 88 matériaux estimés à 14,83 milliards de dollars" (13,85 milliards d'euros). Selon ce même rapport, "2,41 milliards de dollars couvriraient les nécessités militaires", les 12 autres milliards servant pour la demande civile.

Des stocks de terres rares en berne qui poussent les États-Unis à l'action

Ces révélations, combinées au fait que l'ampleur précise des stocks reste cachée au public, jettent le trouble sur la préparation américaine à un potentiel conflit de haute intensité. Un sous-marin Virginie nécessite plus de 4 100 kilos de terres rares, selon le Département de la Défense (DOD), alors que l'objectif des États-Unis est de produire plus de deux navires de cette classe par an pour couvrir les besoins américains ainsi que ceux australiens. Du côté d'un avion F-35, ce seront 408 kilos qui seront nécessaires pour concevoir un appareil. Toute perturbation dans la chaîne d'approvisionnement peut donc sévèrement handicaper la production américaine, dont une partie est destinée à l'équipement de ses alliés.

L'objectif de l'armée américaine est d'établir une chaîne de production "capable de répondre aux besoins de la défense d'ici 2027", en passant par une production des terres rares sur le sol américain, d'après le DOD. Mais même si cet objectif est atteint par Washington, les années à venir demeurent incertaines face à un éventuel conflit contre Pékin impliquant Taïwan ou les Philippines, qui luttent avec la Chine autour d'atolls comme le Banc Second Thomas.