Une majorité absolue RN, « un scénario possible mais pas le plus probable »
Les Français « ont rendu un verdict sans appel », a déclaré le président du Rassemblement national Jordan Bardella, ce dimanche, à l'annonce des premières estimations des résultats pour le premier tour des élections législatives. D'après l'estimation Ifop pour TF1 et LCI, actualisée à 21 h 30, le Rassemblement national et ses alliés ont recueilli 33,5 % des voix, le Nouveau Front populaire 28,5 %, Ensemble 22,1 % et les Républicains 9,7 %. Face à ces résultats, le politologue Jean-Yves Dormagen, fondateur de l'institut Cluster17 et professeur en sciences politiques à l'université de Montpellier, a livré ses premières analyses au Point.
Le Point : Quelle est votre analyse à chaud des résultats de ce premier tour des élections législatives ?
Jean-Yves Dormagen : Les résultats sont relativement proches des derniers sondages publiés : le Rassemblement national et ses alliés arrivent en tête du scrutin, récoltant un tiers des voix, et ont une avance de cinq à six points sur le Nouveau Front populaire, tandis que la coalition présidentielle Ensemble arrive en troisième position, en net recul.
L'enseignement, peut-être le plus important, est la mobilisation des électeurs, encore plus élevée que prévu. [La participation est estimée à 66 %, NDLR]. Cette forte participation a pour conséquence un nombre extrêmement élevé ? en théorie ? de triangulaires. Si tous les candidats se maintiennent, on pourrait avoir dimanche prochain près de 300 triangulaires. Or, l'existence ou non de ces triangulaires aura un impact important sur la suite des élections.
À LIRE AUSSI Les résultats du premier tour, circonscription par circonscriptionPourquoi ces triangulaires sont un enjeu décisif pour ces élections ?
Les triangulaires favorisent le RN. La question est donc de savoir comment les électeurs vont réagir à ces résultats, et en particulier l'électorat de gauche. Ce dernier s'abstiendrait-il en cas de duel Renaissance-Rassemblement national ? Les électeurs de Renaissance sont encore plus nombreux à déclarer s'abstenir en cas de second tour Nouveau Front populaire-RN. Ces abstentionnistes feront-ils finalement barrage ? Il est trop tôt pour le dire.
L'existence de ces triangulaires dépendra aussi des consignes de vote données par les leaders des partis?
Tout l'enjeu est de savoir si les leaders des formations politiques de la coalition Ensemble ? François Bayrou, Édouard Philippe, Gabriel Attal ? et les représentants de la gauche vont appeler leurs candidats à se retirer quand leurs candidats sont arrivés en troisième position dans des circonscriptions gagnables par le RN. Ensuite, il faudra voir si ces consignes sont suivies par les candidats sur le terrain. Globalement, il se dessine un appel au front républicain : le Parti socialiste, les Écologistes et les Insoumis ont annoncé qu'ils se retiraient lorsqu'ils arrivaient en troisième position, et Édouard Philippe appelle au barrage contre le RN et La France insoumise. C'est donc un front républicain, partant d'Horizons jusqu'aux communistes, qui voit le jour.
Un scénario de majorité absolue pour le RN est-il envisageable au vu des premières estimations ?
Le Rassemblement national est le grand favori de ce scrutin. Oui, il peut obtenir une majorité absolue dimanche prochain. Un scénario possible, mais pas des plus probables.
À LIRE AUSSI Le Rassemblement national confirme sa percée historiqueLes premières projections de sièges à l'Assemblée nationale sont-elles fiables ?
Non, ces projections ne sont pas fiables : elles ne reposent pas sur des données réelles. Tant que l'on ne connaît pas le nombre de triangulaires, la réaction des électeurs aux résultats et au scénario possible d'accession du Rassemblement national au gouvernement la semaine prochaine, ces simulations restent quelque peu hasardeuses.
Un sursaut républicain à l'instar des élections présidentielles de 2002 est-il imaginable ?
En 2002, la coalition qui avait fait barrage partait de la droite traditionnelle et allait jusqu'à la gauche radicale. Cette coalition votait de manière absolument déterminée pour empêcher l'arrivée au pouvoir de Jean-Marie Le Pen et du Front national avec comme conséquence l'élection de Jacques Chirac à 84 % des voix. Ce scénario-là ne peut plus avoir lieu aujourd'hui, tout simplement parce que l'électorat de droite vote ou peut être tenté de voter pour le Rassemblement national.
En revanche, une coalition électorale du centre et de la gauche reste envisageable. Mais tout dépendra, encore une fois, de la réaction des électeurs et de l'abstention. Ce dernier paramètre sera la principale clé de ce second tour.