L'Europe s'inquiète: il n'y a pas assez de soldats pour ses armées
Des soldats allemands en exercice en Lituanie en 2024.
Les pays de l'OTAN ont intégré la menace d'une potentielle extension du conflit en Ukraine au reste de l'Europe. Mais le recrutement de soldats reste insuffisant dans plusieurs pays de l'Ouest.
Y aura-t-il assez de soldats en Europe pour contenir une invasion étrangère ? Malgré des budgets militaires en hausse dans les pays de l'Alliance Atlantique, les forces armées ne parviennent pas à recruter suffisamment de nouveaux personnels pour atteindre leurs objectifs.
La guerre à grande échelle en Ukraine a causé une véritable onde de choc en Europe. Plusieurs pays dépendant encore des hydrocarbures russes, le conflit, lorsqu'il a éclaté, a d'abord soulevé la possibilité d'hivers frigorifiques dans des foyers européens privés du gaz habituellement livré par Moscou. L'attaque contre Kiev a aussi fait craindre que la Russie s'en prenne à des membres de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), alors que de nombreuses armées européennes n'étaient pas opérationnelles.
Les budgets militaires des armées européennes en hausse
La proximité avec la Russie (et la Biélorussie, alliée de Moscou) semble cependant avoir influencé la préparation des différents États européens. Les pays de l'Europe de l'Est maintiennent depuis des années un budget militaire équivalent à plus de 2 % de leur PIB, respectant ainsi la règle fixée en 2014 par les pays de l'Alliance Atlantique dans le sillage de l'annexion de la Crimée.
Quant aux États d'Europe centrale et de l'Ouest, ils ont longtemps fait figure de mauvais élèves. La situation a cependant évolué depuis le début de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine : 23 pays doivent atteindre leur objectif cette année, contre 3 en 2014 et 7 en 2022, selon l'OTAN.
Les 9 pays en deçà de la limite des 2 % en 2024 sont tous des États d'Europe de l'Ouest ou centrale, en plus du Canada. Croatie, Portugal, Italie, Belgique, Luxembourg et Slovénie sont ainsi les derniers de la classe, l'Espagne clôturant le classement avec un budget militaire équivalent à 1,28 % de son PIB. Les premiers de la liste, eux, sont les pays qui se sentent menacés par Moscou : Pologne (4,12 %), Estonie, Lettonie, Lituanie… Ainsi que les États-Unis et enfin la Grèce, qui entretient une relation conflictuelle avec son voisin turc.
Les forces armées d'Europe en manque d'hommes
Si l'on se concentre sur les budgets militaires, l'Europe de l'Ouest semble donc avoir répondu à la menace militaire potentielle sur son flanc oriental, alors que les tensions dans d'autres zones du monde s'exacerbent (conflit entre Israël et le Hamas, tensions entre Chine, Taïwan et des pays riverains de la mer de Chine méridionale…). Olaf Scholz allait jusqu'à proclamer un Zeitenwende, ou "changement d'ère" pour la défense allemande, le 27 février 2022, pour symboliser cet effort.
Si les budgets militaires sont bel et bien en hausse en Occident, la question du nombre de soldats, elle, reste plus contrastée. L'armée allemande doit compter 203 000 hommes d'ici 2031, un chiffre fixé début 2022 par l'alors chef d'état-major des armées Eberhard Zorn. La Bundeswehr, pourtant, a perdu 1 500 hommes en 2023 et réunit aujourd'hui 181 500 soldats, souligne Deutsche Welle.
Le problème est partagé ailleurs à l'Ouest : en Italie, les forces armées comptent 165 564 hommes, en dessous de la "limite de survie" de 170 000 personnels soulignée par le chef d'État-major de la marine Giuseppe Cavo Dragone, alors que le pays comptait environ 190 000 militaires en 2012 selon Defense News.
Le nombre de soldats en France, enfin, est actuellement de 203 850. Soit, d'après le Financial Times citant l'International Institute for Strategic Studies, un chiffre en baisse de 8 % par rapport à 2013. Du côté britannique, les forces armées de Londres ont diminué de plus de 14,5 % entre 2013 et 2023.
Deux ans après le début de la guerre, le défi ne se résume donc pas seulement à fournir Kiev en matériel militaire ou à veiller à ce que le budget des forces armées reste élevé. Il faut également s'assurer que les armées européennes disposent de suffisamment de personnel.