Succession : le Pacs fictif qui déjoue le fisc
L’administration fiscale doit agir dans des délais déterminés quand elle souhaite corriger des déclarations comportant des erreurs ou des omissions.
Une femme de 60 ans et un homme de 95 ans ont signé un Pacs, huit jours avant le décès de ce dernier. L’administration fiscale n’a pas pu contester le document qu’elle juge «fictif», faute d’avoir agi dans le délai imparti.
Le fisc ne s’est pas réveillé à temps. Dans une affaire, dont le journal Le Monde se fait l’écho ce lundi 17 juin, l’administration fiscale n’a en effet pas pu contester un Pacs qu’elle estime «fictif», faute d’avoir agi dans le délai imparti. Le 1er août 2014, le fisc reçoit la déclaration de succession de M. X, décédé en février, ainsi que son testament. Celui-ci indique que le défunt, veuf sans enfants, a désigné son frère légataire universel. En outre, il lègue à son auxiliaire de vie, Mme Y, qu’il «considère comme [sa] fille» et que son épouse estimait aussi «comme sa propre famille», la somme de 310 000 euros, «à laquelle pourra s’ajouter la vente du contenu de [son] appartement».
Mais ce n’est pas tout, la déclaration de succession précise aussi que M. X, 95 ans, domicilié dans une résidence pour personnes âgées, a signé devant notaire un pacte civil de solidarité (Pacs) avec Mme Y, 60 ans, et ce, huit jours avant de décéder. Cette dernière peut ainsi bénéficier de l’exonération des droits de mutation par décès, comme le stipule l’article 796-0 bis du code général des impôts.
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Le fisc avait 3 ans pour agir
Mais le 16 janvier 2018, l’administration fiscale doute de l’authenticité du Pacs conclu entre les deux parties et réclame à Mme Y la coquette somme de 347 535 euros. Celle-ci comprend 60% de droits pour transmission entre non-parents (177 133 euros), des intérêts de retard (28 696 euros) et des pénalités pour «abus de droit» (141 706 euros), précisent nos confrères. Selon le fisc, le document a été signé dans le but d’«éluder» ces droits, et non pour organiser une «vie commune», comme l’impose le Code civil. Une notion qui suppose «une résidence commune, une vie de couple», comme l’a précisé le Conseil constitutionnel, le 9 novembre 1999.
Or, lors de la signature du document, les domiciles des pacsés étaient distincts. En outre, leur relation était de nature «filiale» et non «sentimentale», ce qui écartait toute vie de couple. Pour se défendre, Mme Y a fait jouer la prescription. L’administration fiscale doit en effet agir dans des délais déterminés quand elle souhaite corriger des erreurs ou des omissions. Elle dispose ainsi de six ans lorsqu’elle doit faire des recoupements pour comprendre la situation du contribuable et de trois ans lorsqu’elle dispose déjà des éléments nécessaires.
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Mme Y estime que le fisc ne pouvait agir que jusqu’à la fin de la troisième année suivant celle de la déclaration, soit jusqu’au 31 décembre 2017. Sa requête est donc arrivée avec seize jours de retard. Et la justice lui a donné raison, en première instance puis en appel. Selon elle, la déclaration de succession et le testament permettaient au fisc de constater le caractère fictif du Pacs, en raison des deux adresses des pacsés, de leur différence d’âge mais aussi de la nature de leurs relations. Mme Y a réussi à déjouer le fisc.