« C’est le début d’une grande aventure » : l’espoir renaît à gauche à la marche contre l’extrême droite
«Ã‚ C’est le début d’une grande aventure » : l’espoir renaît àgauche àla marche contre l’extrême droite
«Â Il y a un espoir conséquent ! » A la marche contre l’extrême droite, qui a rassemblé 75 000 manifestants à Paris selon la police et 250 000 selon les syndicats, Dominique Canus veut croire à une victoire de la gauche aux élections législatives du 30 juin et du 7 juillet. Depuis hier, l’ancien cheminot et syndicaliste à Sud Rail diffuse des tracts à Chelles, en Seine-et-Marne, pour appeler à voter pour le Front populaire. « Même s’il y a des choses qu’on a du mal à comprendre, des députés pas reconduits et des disputes incontournables… Pour une fois, l’union a l’air de se concrétiser. » A l’échelle du pays, 640 000 manifestants ont été dénombrés par la CGT (250 000 pour la police) au sein de 182 rassemblements.
Entre 250 000 et 640 000 manifestants contre l’extrême droite, annonces d’Attal, psychodrame à LFI… Revivez les évènements marquants du samedi 15 juin
« Laissez Mélenchon de côté s’il vous plaît »
Si les tensions politiques qui animent le Front Populaire depuis hier n’entachent pas la confiance du syndicaliste, elles étaient palpables lorsque les leaders des partis de gauche se sont réunis sur un char, au milieu des manifestants, place de la République à 14 h. Sur l’estrade, le socialiste Olivier Faure, l’écologiste Marine Tondelier, le maire ex-PS de Marseille Benoît Payan, le sénateur communiste Ian Brossat ou encore l’écologiste Yannick Jadot sont présents. Mais pour l’instant pas d’Insoumis après le psychodrame de la nuit et la décision de la direction de LFI de ne pas investir les « frondeurs » Alexis Corbière, Raquel Garrido ou Daniele Simmonet. Un monsieur lance au petit groupe de leaders de gauche réunis : « Bravo. Mais laissez Mélenchon de côté s’il vous plaît. » Les députés LFI Louis Boyard et Mathilde Panot viennent de rejoindre le groupe. Au micro, cette dernière énumère les mesures du programme de l’union de la gauche : abrogation de la réforme des retraites, reconnaissance de la Palestine... « Front populaire », scandent les manifestants.
A quoi joue François Hollande, candidat-surprise du Nouveau Front populaire à Tulle ?
«Â C’est trop con, on n’avait fait aucun faux pas pour l’instant », regrettent des membres des jeunes Generation•s, également dans l’alliance des gauches. Toutefois, l’ambiance est à la détermination dans l’ensemble du cortège. « On est là pour se donner du courage avant la campagne contre l’extrême droite », souligne Aileen, 29 ans. Lorsqu’on l’interroge sur la candidature de François Ruffin pour le poste de Premier ministre, elle botte en touche. « On verra tout ça plus tard », répond la jeune femme, casquette « Fakir » (le journal fondé par l’ex-député amiénois) sur le front.
Même son de cloche pour Mara et Willem, respectivement 24 et 26 ans. « Ce n’est pas important de dépenser notre énergie là-dedans, là il faut juste faire front », estime le second. Sur la question des investitures d’Adrien Quatennens et de François Hollande, les deux étudiants admettent ne pas être au courant : « Je me suis réveillé à 13 h et j’ai juste couru ici », avoue-t-il. « Moi, je suis avant tout venu pour trouver une procuration », plaisante Mara, avec une pancarte précisant sa quête sous le bras. « Même si ce n’est pas l’idéal, le plus important c’est qu’on soit tous unis contre l’extrême droite. Il vaut mieux élire des gens de gauche et s’occuper d’eux après plutôt que de donner le pouvoir à un facho », conclut-elle.
«Ã‚ Je suis venue pour trouver une procuration pour le 30 juin », plaisante Mara, 24 ans, dans la manifestation parisienne contre l’extrême droite le 15 juin 2024. (NOÉ MEGIN / LE NOUVEL OBS)
«Ã‚ Ça me rassure ce genre de rassemblement, ça me rappelle celui contre l’antisémitisme », souligne Gilles, 56 ans, en référence à la marche du 12 novembre 2023, qui avait rassemblé 105 000 manifestants dans les rues de Paris. Et celle de 2002 ? « Déjà moins, soupire-t-il. Il y avait beaucoup plus de monde. Et j’y étais ! » Les chiffres sont en effet incomparables avec ceux du 1er mai 2002, lorsque 500 000 personnes avaient déambulé dans les rues de la capitale pour s’opposer à la présence de Jean-Marie Le Pen, alors président du Front National, au second tour de l’élection présidentielle.
« C’est pas Bardella qui sauvera le pouvoir d’achat »
Mais certains manifestants préfèrent voir les choses sur le long terme. Marilyn Julus, chasuble rouge et jaune fluo de la CGT Energie sur les épaules, espère que cette manifestation sera « le début d’une grande aventure ». La CGT poursuivra-t-elle le mouvement ? « A l’énergie, on a des moyens d’action…, souffle cette ancienne chargée d’affaires juridique à EDF, syndiquée depuis 1996, en riant, avant de se reprendre. Là, je ne veux pas en dire plus. »
Alors que le RN s’autoproclame « parti du pouvoir d’achat », les organisations syndicales cherchent à réaffirmer leur rôle de représentants des travailleurs et des travailleuses. « C’est pas Bardella qui sauvera le pouvoir d’achat ! C’est le front populaire, uni et solidaire ! », clament les militants de la CGT spectacle. Pour Andreia Chavent, éducatrice petite enfance et représentante du personnel pour le service public parisien, les propositions du parti d’extrême droite sur le pouvoir d’achat ne sont que « de la poudre aux yeux ». S’écartant de quelques pas du ballon orange fluo de la CFDT, qui crache ses décibels, elle note : « Ils ont rétropédalé sur la réforme des retraites, ils ne veulent pas rétablir l’ISF… »
L’intersyndicale a affirmé son unité pour « faire barrage à l’extrême droite ». Si les fédérations n’appellent pas à voter pour une formation politique – indépendance oblige – elles ont appelé à manifester aujourd’hui pour représenter la société civile face au RN. Les propositions du Front populaire sont-elles suffisantes sur les droits des travailleurs ? « Oh, pour nous, ce n’est jamais assez ! », plaisante la syndicaliste.
Ruffin, Autain, Toussaint… ? On a demandé aux manifestants leur Premier ministre de gauche idéal
Optimisme prématuré ?
L’optimisme qui traverse les rangs des cortèges syndicaux, et l’espoir que la manifestation nourrisse un mouvement social plus large, ne sont pas palpables dans toutes les organisations de la société civile. Du côté des associations antiracistes, la perspective d’une victoire du RN aux élections législatives domine les prises de paroles. « Si demain, le RN est au pouvoir, ça veut dire que les policiers auront la présomption d’innocence : donc combien de Nahel, d’Adama ? », s’inquiète Dominique Sopo, président de SOS Racisme.
Abou Bamba, arrivé en France de Côte d’Ivoire il y a trois mois, distribue des tracts contre la loi immigration avec un collectif de travailleur sans-papiers. Lui ne travaille pas. Il n’a que 17 ans et a été expulsé du parc de Belleville où il logeait il y a quelques mois avec 200 autres mineurs. « On n’a pas le droit d’aller à l’école… » Il craint la victoire du RN aux législatives. « Ils ne veulent pas d’immigrants, mais un pays ne peut pas bien se porter, sans étrangers ! »