Appel du Printemps de la Psychiatrie : « L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir ne ferait qu’aggraver la casse des soins psychiques »
Appel du Printemps de la Psychiatrie : « L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir ne ferait qu’aggraver la casse des soins psychiques »
En lutte contre l’offensive managériale et financière au sein de la fonction publique hospitalière, le Printemps de la Psychiatrie œuvre à faire connaître, depuis 2019, ce qui se joue dans les hôpitaux psychiatriques ou les CMPP (Centre médico-psycho-pédagogiques) avec l’arrivée de jeunes praticiens formés à la « e.santé mentale », laquelle accompagne la raréfaction de la thérapie par la parole (dont la vertu est pourtant établie). Le tout-médicament comme réponse à la souffrance psychique est une maltraitance, constate chaque jour ce collectif, de même que l’algorithmisation du travail et la contention en chambre d’isolement (les malades attachés, faute d’un personnel suffisant), contention classée parmi les « soins » par l’un de ces retournements total du sens qui caractérisent la gouvernance macroniste. Le RN ferait -t-il mieux ? Certainement pas voire pire dit l’appel du Printemps de la psychiatrie. Anne Crignon
Dimanche 9 juin au soir, nous avons été saisi.es par l’événement : la dissolution décidée par le président de la République a rendu possible l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. Il est urgent d’agir pour se rassembler et empêcher cette bascule périlleuse. Permettre l’installation d’un régime d’extrême droite, c’est laisser libre cours à cette logique de destructivité et de déshumanisation contre laquelle nous luttons déjà au quotidien.
Souvenons-nous de la fondation d’une psychiatrie humaniste dans la résistance antifasciste pendant la Seconde Guerre mondiale avec François Tosquelles et Lucien Bonnafé qui, dans le cadre de la Résistance, luttèrent pied à pied à Saint-Alban avec celles et ceux qui se tenaient là, patient.es, religieuses, paysan.nes, réfugié.es, alors que se produisait ailleurs une « hécatombe des fous » avec 45 000 mort.es de faim. C’est depuis cette position résistante et inventive que cette révolution psychiatrique s’opéra, et que se construisirent ces mouvements émancipateurs en psychiatrie que sont la psychothérapie institutionnelle, le désaliénisme et la psychiatrie de secteur.
La destruction de l’hôpital public a été menée depuis quarante ans par les gouvernements successifs avec des attaques contre la Sécurité Sociale, contre la solidarité comme organisatrice de notre système de santé, tentative d’effacement de ce que le Conseil national de la Résistance imagina dès le mois de mai 1943. Les dizaines de milliers de lits fermés en psychiatrie au fil des décennies, ainsi que la diminution coupable du nombre de structures ambulatoires (CMP, CATTP, hôpitaux de jour…) ont barré l’accès aux soins des « moins malades », adultes et enfants,obligé.es de se contenter de prescriptions de psychotropes à vie par leur généraliste, d’une inclusion au rabais, et jeté les plus fragiles, les exilés, les migrants dans la rue ou en prison. Depuis la construction de la figure du schizophrène dangereux jusqu’aux fichiers Hopsyweb, les gouvernements ont désigné les « hors la norme » comme une des figures de l’ennemi. La contention est réapparue, le recours à l’isolement s’est démultiplié, les hospitalisations sans consentement se sont généralisées.
Depuis la « nuit sécuritaire » du président Sarkozy, nos différents collectifs citoyens – qu’ils soient d’usager.e.s, de familles, de professionnel.le.s (de soin, du social, du médico-social notamment) – œuvrent à défendre une psychiatrie humaine, celle qui permet à chacun.e, avec du temps et de la présence, de sortir de la catastrophe et de retisser les fils de l’existence humaine.
Les 24 et 25 mai, les Assises citoyennes du Soin psychique se concluaient en insistant sur les principes qui nous portent : l’hospitalité à la folie, la défense de notre système de santé, l’accès aux soins pour tou.te.s, l’hôpital public, et la défense des soins psychiques dans le médico-social et partout.
On peut parier que l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir ne ferait qu’aggraver la casse d’une psychiatrie pour enfants et adultes soucieuse de l’humain et de l’altérité, luttant contre les processus ségrégatifs et discriminants. Le programme du Rassemblement national, en proposant d’augmenter le pouvoir d’achat des salarié.es en diminuant leurs cotisations sociales réduirait encore les moyens de la santé en général et de la psychiatrie en particulier.
Pour empêcher cette catastrophe, nous appelons à soutenir toutes les initiatives et à rejoindre les manifestations citoyennes, associatives et syndicales qui vont se tenir autour du mot d’ordre de Nouveau Front populaire. Dans nos pratiques et dans nos vies, dans la rue et par nos votes, pour que les 30 juin et 7 juillet prochains les urnes ne soient pas le tombeau de nos libertés, mobilisons-nous !
Et après les élections, quoi qu’il arrive, nous nous battrons pour ces valeurs et ces pratiques de soins psychiques respectueuses de toutes et tous, de l’Etat de droit et des libertés fondamentales.
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Signatures collectives :
- TRUC (Terrain de Rassemblement pour l’Utilité des Clubs thérapeutiques)
- Le Fil Conducteur Psy (Association de famille d’usager.ères de la psychiatrie)
- USP (Union syndicale de la Psychiatrie)
- PHM (People’s Health Mouvement)
Signatures individuelles :
Abdel-Kader Jamal, psychiatre
Abrieu Alain, psychiatre Union Syndicale de la Psychiatrie
Allione Claude
Allione Marie, Psychiatre honoraire des hôpitaux, psychanalyste
Amhis Yacine
Apprill Olivier, psychanalyste
Astre Paul, infirmier psychiatrique retraité
Bayonne Marie-Aimée, Le Fil conducteur Psy
Beau Pascale, psychiatre Praticien Hospitalier Saint Denis, Vice-présidente de l’USP
Bellahsen Loriane
Bellahsen Mathieu, psychiatre et lanceur d’alerte, auteur
Bensid Lynda, psychiatre
Bichon Philippe, médecin psychiatre, clinique La Borde
Boissel Pascal, vice-président de l’Union syndicale de la psychiatrie
Bretécher Paul, psychiatre
Bretel Fethi, psychiatre à Sotteville-Lès-Rouen
Bucher Muriel
Carbunar Jean-Michel, psychiste
Chemla Patrick, psychiatre et psychanalyste
Dardot Pierre
De Mont-Marin Laure, psychologue
Delion Pierre, PUPH émérite
Delmas Sarah, infirmière
Deloche Sandrine, pédopsychiatre
Denis Parviz, psychiatre de secteur
Derivaux Wenceslas, infirmier
Dias Pascal, SUD Santé-Sociaux- Solidaires 93
Enot Anne, praticien hospitalier pédopsychiatre
Gaignard Lise, psychologue
Gigou Yves, retraité
Glachant Delphine, psychiatre à Landerneau, USP
Gribos Aurore, psychologue
Hamonet Mathilde, pédopsychiatre
Hamou Isabelle, citoyenne
Harang Florence, éducatrice spécialisée
Hassoun Pascale, psychanalyste
Hindryckx Wladimir, psychologue clinicien
Hussaud Dominique, adhérente Le Fil conducteur psy
Khorkoff Aurélia, psychologue psychanalyste
Klopp Serge, Représentant du Pcf au Printemps
Lafaurie Matthieu, praticien hospitalier dans un hôpital public
Langlois Florent, psychologue, Collectif Artaud
Le Bescond Simon, infirmier
Lemaitre Pauline, psychologue
Lottin Marie Hélène, psychiatre printemps de la psychiatrie
Magnanini Marzia, cadre
Mermier Bernadette, cinéaste et psychologue clinicienne
Martin Jean-Pierre, Médecins du Monde et auteur
Moulay Tahra, psychologue clinicienne
Neffati Cécile, psychologue
Nielsen Françoise, retraitée
Paresys Pierre, psychiatre de secteur vice-président de l’USP
Pavelka Martin, pédopsychiatre à l’hôpital public
Pelagallo Paola, psychologue
Perrier Edmond, psychiatre
Pons Charles-Olivier, pédopsychiatre Dole (39), président Union Syndicale
Rebuffat Fanny, psychiatre au centre Antonin Artaud de Reims
Rodriguez Gérard, cadre supérieur de santé à la retraite
Sbaouni Wafa, psychiatre addictologue
Scherr Camille, infirmière
Sueur Christian, pédopsychiatre, addictologue
Thierion Laure
Topalov Annie, psychanalyste
Vaissié Clément, interne en psychiatrie
Vallon Catherine
Vila Ramon, secrétaire Général Fédération SUD Santé Sociaux
Yves de l’Espinay, cadre Infirmier Psychiatrique Retraité
Zuber Camille, psychologue
Les autres pétitionnaires et plus d’infos sur le site du Printemps de la Psychiatrie.