La Russie veut miser sur les divorces pour financer sa guerre en Ukraine
Les taxes sur les divorces vont bondir.
La dernière mesure de Moscou pour renflouer les caisses vidées par la guerre en Ukraine ? Augmenter les taxes sur les divorces, très nombreux dans la Fédération depuis le début de l'invasion.
Pour Kiev comme pour Moscou, la guerre qui les oppose sur le flanc oriental de l'Europe ressemble de plus en plus à un bourbier. Sur le plan humain, tout d'abord, le camp tricolore déplore au moins 50 000 morts dans les rangs de son armée, selon un bilan dressé en mai par la France. Dans le camp d'en face, le président ukrainien faisait état en février de 31 000 décès. Si les deux bilans sont certainement sous-estimés, ils ne sont pas les seuls à traduire numériquement les blessures et les coûts de ce conflit. Selon le baromètre Oryx, 16 619 véhicules et équipements russes ont été détruits ou endommagés depuis février 2024. Et encore, le décompte ne recense que les destructions prouvées visuellement.
La Russie dépense sans compter
Pour la Russie, qui écoule encore ses stocks d'armements issus de l'époque soviétique, moderniser cet arsenal entraîne des coûts exorbitants. Selon la plateforme d'analyse Le Rubicon se basant en avril 2024 sur des chiffres du ministère des Finances russe, la Russie a dépensé 31 131 milliards de roubles pour 27 825 milliards de recettes, accusant un déficit de 3 306 milliards soit environ 33 milliards d’euros. Et rebelote en 2023 : la Russie a dépensé sur l’année 32 364 milliards de roubles courants (+4 % par rapport à 2022, ce qui expliquerait une partie de la croissance, chiffrée à 3,6% en 2023, selon le FMI) pour 29 123 milliards de recettes, soit un déficit stable de 3 241 milliards de roubles (environ 32 milliards d’euros).
Le recrutement de soldats pour son immense armée coûte également très cher à Moscou. Pour alimenter son "hachoir à viande" en Ukraine, la Russie a déployé des trésors de persuasion financiers : les primes pour les recrues volontaires (hors conscrits annuels et mobilisés) sont de "500 000 roubles (5 000 euros) dans la région de Nijni Novgorod, 900 000 roubles (9 000 euros) à Saint-Pétersbourg, un million de roubles (10 000 euros) dans la région de Krasnodar", résumait en mai Mediapart. Les salaires sont très élevés pour l'économie : un salaire annuel de 195 000 roubles (environ 2 160 euros) pour un contrat militaire d'un an, soit 12 fois le salaire minimum russe, rapportait récemment l'AFP. Et viennent ensuite les primes de performances sur le terrain.
Tout cela, alors que l'économie qui Russie est désormais privée de nombreux clients occidentaux pour les deux jambes qui tiennent son économie : le pétrole et le gaz. Selon l'analyse du Rubicon, si on se fie aux déclarations du ministre des Finances russes et aux détails comptables des communiqués de son ministère, le pays aura épuisé fin 2024 les réserves de liquidités de son fonds national souverain (NWF). En fait, si la conjoncture économique est mauvaise, le pays pourrait se retrouver en cessation de paiements à brève échéance.
Pour tout l'or des divorces
Alors l'État dégaine des mesures destinées à faire des économies, en grappillant des roubles partout là où c'est possible. Selon le journal moscovite RBC, repris et traduit par Bloomberg, le ministère des Finances a récemment rédigé une proposition visant à faire passer les frais de divorce de 650 roubles à 5 000 roubles (58,75 dollars). Pour la Russie conservatrice, la mesure est doublement gagnante : durcir les conditions du divorce pour ancrer les cellules familiales, et récolter de l'argent pour l"'opération militaire spéciale" en Ukraine (nom donné par Vladimir Poutine à l'invasion russe).
D'autant que le nombre de divorces augmente dans le pays. Selon RBC qui cite le service fédéral des statistiques, la Fédération a enregistré 683 700 divorces en 2023, une augmentation de plus de 5 % par rapport aux niveaux d'avant-guerre et l'un des taux les plus élevés au monde. Pas question en revanche de toucher à la taxe sur les mariages, qui selon la proposition resterait à 350 roubles.
Cette mesure s'inscrit dans un contexte plus large d'augmentation des taxes d'État pour divers services. Le projet ministériel prévoit également de tripler les frais de changement de nom dans les documents officiels et d'augmenter le coût des plaintes déposées par les entreprises auprès de l'office antitrust du pays, qui passerait de 35 000 roubles à 400 000 roubles. Les autorités avaient annoncé précédemment des plans d'augmentation des impôts sur les entreprises et les hauts revenus, qui commenceront à apporter des recettes supplémentaires au budget en 2025.