Euro 2024 : « Cette équipe de France nous fait peur »… Loin du seum de Russie, les Belges la jouent presque défaitistes
Contrairement à il y a six ans en Russie, les Belges ont du mal à imaginer une autre issue qu’une victoire des Bleus, lundi, à Düsseldorf, en 8e de finale de l’Euro
FOOTBALL - Contrairement à il y a six ans en Russie, les Belges ont du mal à imaginer une autre issue qu’une victoire des Bleus, lundi, à Düsseldorf, en 8e de finale de l’Euro
De notre envoyé spécial à Paderborn,
Rien ne prédisposait l’équipe de France et la Belgique à croiser le fer aussi tôt dans le tournoi, mais la mauvaise volonté de l’une et l’autre des deux sélections pour ne pas terminer premières de leur groupe en a décidé autrement. Chez nos voisins, les prévisions de Météo Belgique tablaient sur un affrontement en quart de finale, et dans la bonne partie du tableau qui plus est, loin du Portugal, de l’Allemagne et de l’Espagne.
«Ã‚ Au départ, en voyant notre groupe, on pensait terminer premiers et avoir un 8e bien plus abordable, admet Christophe Franken, un journaliste belge pour la Dernière Heure que l’on a croisé àla conf des Bleus jeudi. On avait plutôt prévu de vous retrouver au tour suivant àMunich. Et tout le monde se disait que Tedesco et l’équipe auraient réussi leur tournoi. »
Doit-on comprendre dans cette dernière phrase que nos voisins ont déjà booké leur billet retour pour lundi soir, au coup de sifflet final ? Contrairement au défenseur rémois Wout Faes, lequel a déclaré que la France ne lui faisait « pas peur », la totalité des Belges que nous avons interrogés ne se font quant à eux pas trop d’illusion sur l’issue de la rencontre.
Resté au pays, Alex Teklak, ancien joueur belge devenu consultant pour différents médias, nous sert de thermomètre de l’ambiance générale sur place : « On connaît la réputation de l’équipe de France de Didier Deschamps. C’était l’équipe à éviter. C’est pour ça qu’au pays les gens râlent et voulaient absolument terminer premiers. Pour nous, en début de compétition, les Bleus étaient favoris et cela n’a pas vraiment évolué depuis. »
La Belgique connaît la chanson (et Didier Deschamps)
En entendant ça, une question nous taraude. Plusieurs, en fait : La diffusion des matchs des Bleus à l’Euro s’est-elle arrêtée à la frontière belge, comme le nuage radioactif de Tchernobyl s’est stoppé net à la nôtre ? N’ont-ils pas vu de quoi cette équipe de France est (in) capable ? Enfin, sont-ils au courant qu’elle n’a toujours pas mis un but dans le jeu et qu’elle a partagé les points contre une triste Pologne déjà éliminée ?
«Ã‚ On les a vus, répond Alex Teklak. Mais on connaît la réputation de l’équipe de Didier Deschamps et je ne m’inquiète pas plus que ça pour elle. Evidemment que ce n’est pas un football spectaculaire mais c’est un football qui gagne. Vous avez tellement de talents. Votre équipe, on la prend chez nous tous les jours parce que ça fait des années qu’on court après quelque chose et qu’on n’a jamais gagné. On vous regarde comme un outsider regarde un favori. »
DD la gagne hante encore les nuits de nos amis belges. - Paul ELLIS
Il est vrai que l’argument de l’équipe qui joue sale et ne fait rêver personne ne fait plus mouche chez des gens dont le souvenir de la demi-finale de 2018 (et de tout le bazar qui a suivi) est encore très présent dans les esprits. Critiquer la science de la gagne de DD, aussi moche soit-elle ? On ne les y reprendra plus.
«Ã‚ Dans mon fil Facebook, presque tout le monde nous voit battus en huitième, relate « JF », supporter du Standard de Liège et des Diables Rouges. Tôt ou tard nous savons que l’équipe de France va se réveiller et la crainte, c’est que ce soit contre nous… Certains disaient même préférer ne pas sortir des poules que d’être éliminé par la France ! » C’est drôle de voir àquel point, d’un côté de la frontière ou de l’autre, la perception des Bleus change radicalement.
Une Belgique clairement moins fringante
Mais si crainte il y a, c’est aussi que du côté belge le tableau à pas mal changé en six ans. Si De Bruyne est toujours là, même moins pimpant qu’avec City, idem pour Lukaku dans une moindre mesure, la génération dorée des Hazard, Courtois, Fellaini, Kompany et compagnie a plié les gaules. Et celle d’aujourd’hui n’a pas montré grand-chose lors de la phase de poule, un peu à l’image des Bleus, avec un dernier match contre l’Ukraine à peu près aussi désespérant que celui de la France contre la Pologne.
«Ã‚ Notre défense est moins bonne, nous n’avons plus Hazard dont les Français se méfiaient… Et vous, vous avez toujours ce réservoir qui semble inépuisable. Oui, cette équipe nous fait peur. Certainement plus qu’en 2018 », souffle « JF ». Seul journaliste belge àavoir fait le déplacement lors de la conf des Bleus, jeudi, Christophe Franken n’est pas passé inaperçu. En demandant àWilliam Saliba s’il voyait ne serait-ce qu’un Diable Rouge qui serait titulaire en équipe de France, notre confrère a beaucoup fait marrer l’assemblée. Mais sa question en dit long sur ce qu’il pense de sa sélection.
«Ã‚ Je ne dis pas qu’aucun belge serait titulaire chez vous, je pense qu’avec De Bruyne et Doku, vous seriez contents, reprend-il. Mais pour le reste, c’est quand même faible. On parle de choc mais quand on compare les deux effectifs, il n’y a pas vraiment photo. Je regardais ça, le 16 ou 17e meilleur défenseur français serait titulaire chez nous, réellement. » Avec dix millions d’habitants, le réservoir n’est pas non plus le même. « Oui, c’est de la logique pure, on est un plus petit pays, ça n’a rien d’étonnant », concède Alex Teklal. Pour l’ancien défenseur de Charleroi, il faut plutôt voir le passé récent comme une belle anomalie et accepter l’idée d’un retour àla normale.
«Ã‚ On a eu une superbe génération Kombany, Vermaelen, Hazard, Fellaini, Vertonghen, et ça a donné beaucoup d’espoirs aux gens. Ils ne se rendent pas compte que dans un pays comme le nôtre, c’est déjàénorme de ne pas avoir eu de gros trou générationnel depuis leurs départs àla retraite, explique-t-il. Acceptons l’idée qu’on est ànotre place, que notre équipe possède moins de talents que par le passé. »
Les sifflets nourris tombés des tribunes belges après le match contre l’Ukraine, mercredi, montre que tout le monde n’est pas encore prêt à admettre ce léger déclassement. « C’est une réaction d’enfants gâtés, tranche Teklal. Et c’est très mal compris par les joueurs qui, eux, se rendent bien compte qu’ils n’ont plus tout à fait la même équipe qu’avant. »
Belges et Français unis par la souffrance
Un cruel constat que ne partage pas entièrement l’humoriste belge Alex Vizorek. « Quand tu as dans ton équipe celui que j’estime être presque le meilleur joueur du monde, en la personne de Kevin De Bruyne, quand tu as un garçon comme Jérémy Doku, et à tous les postes des mecs qui ne sont pas des branques, t’es en droit d’espérer plus. J’ai le souvenir d’une époque où on avait des mecs du Cercle de Bruges dans l’équipe. C’est fini ça. »
Le droit d’espérer mieux, voilà au moins un point commun unissant nos deux peuples durant cet Euro et qui aura peut-être le mérite d’éviter les invectives et les coups bas de Russie qui, dans un camp comme de l’autre, avaient fini par transformer cette rivalité franco-belge d’habitude si bon enfant en règlement de compte à O.K. Corral. « Ce qui est marrant, conclut Vizorek, c’est que les Français non plus ne sont pas rassurés à l’idée de jouer contre nous. Il y a six ans on se chambrait pour savoir qui était le meilleur. Cette année on se demande qui va être le moins mauvais ! »
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