La Russie perd sa guerre contre l'Ukraine en mer Noire, et même Vladimir Poutine s'inquiète

Une ébauche de timbre propagandiste ukrainien, affiché sur un mur à Kyiv. Il représente l'aviation russe terrassant la flotte russe en mer Noire.

La Russie essuie de lourdes pertes en mer Noire, et ce depuis le début du conflit contre l'Ukraine. Dans une prise de parole ce mercredi, Vladimir Poutine a semblé vouloir faire cesser l'hémorragie navale de son pays. Mais la route sera longue, l'état de l'arsenal russe hérité de l'époque soviétique étant très mauvais.

Les derniers développements de la guerre en Ukraine ne laissent que peu de place à l'interprétation : la poussée opérée depuis début mai par Moscou dans le Nord, dans la région de Kharkiv, s'essouffle peu à peu. Interprétée par de nombreux observateurs comme une technique de diversion destinée à forcer Kiev à "étirer" sa défense à l'Est vers le Nord, l'attaque a permis à la Russie de s'arroger quelques kilomètres, mais a aussi remobilisé les alliés de Kiev. Fin mai, le président Joe Biden a en partie levé l'interdiction qui était faite à Volodymyr Zelensky d'utiliser les armes fournies par les États-Unis.

Il y a eu trois frappes sur la ville de Kharkiv entre le 1er et le 21 juin, contre 76 en mai ; à cette même date, un civil avait été tué et sept blessés au cours du mois, contre 39 tués et 239 blessés en mai, selon le Washington Post.

Une "modernisation" de la marine russe nécessaire

La bride sur le cou, l'armée ukrainienne n'a pas tardé à répondre coup pour coup, dans une sévère riposte sur la région russe frontalière de Belgorod, et en Crimée annexée. Pas plus tard que dimanche 23 juin, les autorités criméennes ont accusé les États-Unis d'avoir permis la frappe de Kiev, supposément aux missiles ATACMS américains, qui a fait 4 morts sur une plage de Sébastopol, sur les rives de la mer Noire où les touristes russes aiment venir se prélasser malgré le conflit en cour.

Cette mer est d'ailleurs le théâtre d'un autre âpre combat pour Vladimir Poutine, qui s'attendait en février 2022, rappelons-le, à mener une guerre éclair chez son "petit" voisin ukrainien.

Lors d'une réunion sur les questions de construction navale à Moscou le 26 juin, le président russe a reconnu selon Newsweek qu'il devenait nécessaire de "moderniser complètement la marine, y compris ses navires, ses aéronefs et ses composantes côtières, ainsi que l'infrastructure des bases, de renforcer ses positions dans les zones stratégiquement cruciales de l'océan mondial et d'améliorer radicalement son potentiel de combat".

Il est nécessaire de protéger notre flotte contre d'éventuelles attaques dès les approches lointaines des bases navales et des zones d'opération de nos navires", a continué le président russe. "Il faut développer les avions de reconnaissance de la flotte, renforcer les forces et les moyens de reconnaissance électronique et de guerre électronique.

Selon le chef d'État russe, "beaucoup a été fait dans ce domaine, puisque notre marine reçoit de nouveaux navires" et "des réparations et des remises en état approfondies de l'équipement" sont en cours. Des projections à la volée qui peuvent se traduire en un constat : la Russie s'inquiète pour ses positions en mer Noire face à l'Ukraine.

Et elle a bien raison. Selon le décompte des pertes russes Oryx, l'armée tricolore a perdu 26 navires de guerre, dont 19 sont complètement détruits. Parmi eux, on citera le croiseur lance-missile Moskva, ou, plus récemment, le navire de débarquement de classe Ropucha Caesar Kunikov. Le marasme est tel que, après la destruction du patrouilleur Sergei Kotov en mars dernier, attaqué par une volée de drones maritime Magura V5, qu'un échange lunaire entre deux militaires russes a été rapporté par une observatrice ukrainienne, vous racontions-nous : "Si ça continue, la flotte de la Mer noire n’aura plus que des catamarans et des bananes gonflables pour touristes".

Un arsenal naval russe en piteux état

Plus de deux ans après le début des combats, plus de deux ans après qu'un militaire ukrainien de l'île aux serpents en mer Noire ait accueilli les soldats d'un cinglant "va te faire f**tre", la mer Noire reste un casse-tête pour Moscou. "La Russie n’a jamais été une puissance navale", rappelait en mars à GEO Léo Péria -Peigner, chercheur en armement et industrie de Défense au Centre des études de sécurité de l'Institut français des relations internationales (Ifri). "Dans la flotte russe actuelle, peu de grands navires ont été construits après 1990. Les navires logistiques Ropucha, auxquels les Ukrainiens s’attaquent, ont quasiment tous été construits pendant la guerre froide."

Et ils sont de surcroît difficiles à moderniser avec l'électronique moderne, là où l'Ukraine multiplie les drones navals, depuis les larges Magura V5, jusqu'aux rapides Sea Baby.

"L’industrie navale russe aujourd’hui est dans un état très compliqué ", juge Léo Péria -Peigner. "Il y a des délais énormes, une perte de compétences importante… Aujourd’hui, la marine russe aurait du mal à se refaire un porte-avion." Voyons si la volonté farouche de modernisation de Vladimir Poutine suffit pour transformer des coques soviétiques en navires de guerre efficaces.