« Sur le Tibet, Emmanuel Macron établit un précédent »

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«Ã‚ Sur le Tibet, Emmanuel Macron établit un précédent »

Juste avant d'accueillir Xi Jinping, Emmanuel Macron a brisé un tabou : il a rencontré un dirigeant politique élu des exilés tibétains. Car on l'oublie souvent : le Tibet est un pays occupé. Conquête de l'Empire chinois, il s'était émancipé au début du XXe siècle, et a été de nouveau annexé par la République populaire de Chine au travers d'une invasion dans les années 1950. Sous l'impulsion du 14e dalaï-lama, Tenzin Gyatso, qui prépare sa succession, la théocratie en exil s'est dotée d'un gouvernement civil, élu par la diaspora.

Siégeant à Dharamsala, en Inde, au pied de l'Himalaya, son chef, le sikyong (« dirigeant » en tibétain) Penpa Tsering, élu en 2021, s'active désormais pour unir les Tibétains et les sortir de leur isolement ? l'âge d'or de la cause tibétaine, quand le dalaï-lama recevait le prix Nobel de la paix 1989, étant aujourd'hui passé, éclipsé par d'autres dissidences contre le Parti communiste chinois.

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De passage à Paris mi-mai, Penpa Tsering est revenu sur sa rencontre avec le président français et sur les enjeux de la cause tibétaine. Entretien.

Le Point : Vous avez rencontré Emmanuel Macron début mai et lui avez offert une image de sa rencontre avec le dalaï-lama en 2016. Que lui avez-vous dit ?

Penpa Tsering : Nous avons parlé d'abord de cette photographie. Il s'est dit nostalgique de voir cette image. Alors, je lui ai dit : « N'oubliez pas le Tibet ! » Il m'a répondu : « Bien sûr que non? mais c'est une question difficile. » Il a évidemment raison, la question est difficile ; sinon, elle aurait été résolue il y a des décennies.

Cette rencontre n'était pas officielle, mais en marge d'une cérémonie de remise de la Légion d'honneur à votre ami l'ex-sénateur André Gattolin. Pourquoi est-il tout de même important pour vous d'avoir été autorisé à vous rendre au palais de l'Élysée ?

Pour un dirigeant politique démocratiquement élu des Tibétains, c'est une première. Que ce soit officiel ou non, la présidence française sait que je suis le chef politique de l'Administration centrale tibétaine[nom officiel du gouvernement en exil attaché au dalaï-lama, NDLR]. C'est significatif. Ce n'est pas comme si le président Macron l'ignorait et croyait que je n'étais qu'un ami de monsieur Gattolin.

Emmanuel Macron ne craint donc pas de représailles du gouvernement chinois. Nous constatons un net progrès.

Cela peut-il conduire des gouvernements européens à développer leurs contacts avec votre administration ?

Même avant cela, nous avions des échanges avec le cabinet de la présidence française, sous Hollande et Sarkozy. Une bonne suite serait de perpétuer cette communication avec le cabinet de la présidence. En outre, cette rencontre avec Emmanuel Macron établit un précédent pour d'autres dirigeants européens, prouvant qu'ils peuvent rencontrer des dirigeants tibétains. D'autant que je n'étais pas seul, il y avait aussi l'ambassadeur de Taïwan, François Wu [désormais vice-ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement du nouveau président, Lai Ching-te, NDLR]. Or il n'y a eu aucune répercussion. Pourtant, tous les dirigeants européens ne cessent de craindre que, s'ils ont des contacts directs avec des personnes désignées persona non grata par Pékin, la Chine ne se venge. En vérité, il n'en est rien, cette expérience le prouve.

Certains observateurs interprètent cela aussi comme un message subtil d'Emmanuel Macron à la Chine. Était-ce, selon vous, son intention ?

Cela envoie un message positif, que le président Macron est préoccupé par la situation des droits de l'homme au Tibet. Comme il l'est pour toute la Chine, pour le Turkestan oriental [nom donné par les activistes ouïghours à leur territoire, la région autonome du Xinjiang, dans la République populaire de Chine, NDLR] et pour Hongkong. Lors de la seconde journée de la visite, dans les Pyrénées, Emmanuel Macron a soulevé le problème des droits de l'homme en Chine. Il ne craint donc pas de représailles du gouvernement chinois. Nous constatons un net progrès. Il vous faut vous battre pour vos valeurs et être forts. La Chine ne respecte que la force.

Les Tibétains ont été les plus mobilisés contre cette visite, avec la plus grande manifestation et même une banderole sur la route du convoi présidentiel chinois. Quel était votre message ?

La situation au Tibet reste grave. La Chine menace d'éradiquer l'identité tibétaine. Quand le peuple tibétain proteste à l'intérieur du Tibet, cela n'attire pas assez l'attention. Les médias occidentaux ont besoin de preuves, et c'est la raison pour laquelle le gouvernement chinois interdit aux journalistes, aux diplomates et même aux simples voyageurs d'accéder au Tibet librement. C'est pourquoi la seule manière de protester pour nous est de le faire au cours des visites du dirigeant chinois dans des démocraties. Surtout maintenant, alors qu'il y a un changement d'attitude de l'Union européenne vis-à-vis de la Chine et du Tibet.

Dans quel sens ?

La stratégie de Xi Jinping était de diviser l'Europe. Après la visite en France pour les 60 ans de la relation diplomatique, il s'est arrêté en Serbie pour l'anniversaire des 25 ans du bombardement de l'ambassade chinoise par l'Otan en 1999, avant de signer d'importants accords commerciaux en Hongrie pour y produire des véhicules électriques BYD. Ces actions ne vont pas améliorer la relation entre l'Union européenne et la Chine. La Chine ne joue pas un rôle positif pour mettre fin à la guerre en Ukraine et, en même temps, elle veut l'accès au marché européen. Les déclarations du secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, et de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont été très fortes, exprimant leurs préoccupations non seulement sur les droits de l'homme en Chine mais aussi sur les relations économiques.

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Une opportunité pour faire progresser la cause tibétaine ?

Nous attendons le résultat des élections européennes pour le dire. Et nous sommes toujours dans l'attente de voir si certains pays tirent les leçons nécessaires de ce qu'est réellement la Chine. Une petite partie des pays européens en a effectivement tiré les leçons, d'autres sont en train de le faire, d'autres, enfin, n'y sont pas du tout. S'il n'y a pas d'efforts communs de toute l'Union européenne, que ce soit sur l'économie ou la politique étrangère, la Chine jouera toujours le même jeu, comme les anciennes puissances coloniales avec leurs colonies : diviser pour régner, avec le bâton et la carotte. Pour ceux qui n'ont pas encore compris, il en est grand temps !

Quelles sont aujourd'hui les violations des droits de l'homme les plus préoccupantes au Tibet ?

La Freedom House classe le Tibet parmi les pays les moins libres du monde[avec un score de 0/100 en 2024, NDLR].Ce n'est pas juste du fait de telle ou telle violation, c'est un tout, c'est un génocide culturel. Nous mourons d'une mort lente. Les enfants tibétains sont envoyés dans des internats de type colonial, où ils sont coupés de leur culture et élevés comme des Chinois. Le gouvernement chinois s'attaque avec brutalité à l'identité et au langage tibétains. Le langage tibétain est un des 15 langages les plus vieux de l'humanité. Le dictionnaire tibétain que nous avons récemment publié est un des plus volumineux au monde, avec 223 volumes. Ce n'est pas juste un langage. Quand on s'attaque à un langage, on s'attaque à bien d'autres choses.

La Chine est en train de réduire le Tibet à un robinet

Les Tibétains ont transcrit d'innombrables textes sanskrits datant d'avant la disparition presque complète du bouddhisme de l'Inde, entre le VIIIe et le XIIIe siècle. Nous avons le seul langage qui a tous les enseignements de Bouddha. Nous sommes donc les dépositaires d'une partie de la sagesse antique indienne, sur la non-violence et la compassion. Cette pensée a le potentiel de propager la paix dans le monde, surtout dans un temps de nombreux conflits violents comme le nôtre. Ce sont les messages de Sa Sainteté le dalaï-lama et du mouvement tibétain. Bien sûr, il y a aussi l'absence d'espace pour la liberté politique en Chine. Cela a des conséquences, par exemple, sur l'environnement, car le Tibet est crucial pour la région et la planète.

En février, des Tibétains ont justement tenté de protester à Derge contre la construction d'un barrage. Comment la Chine a-t-elle répliqué ?

La première chose qu'elle a faite est de donner la chasse à ceux qui avaient diffusé des images sur les réseaux sociaux. Les Tibétains s'agenouillaient et suppliaient les dirigeants chinois. C'est la manière la plus pacifique de manifester ! Ce barrage de Derge est l'un des 13 projets du Yangtze supérieur. La Chine voudrait contrôler toutes les ressources naturelles, en particulier l'eau. Les meneurs qui ont porté ces revendications ont été arrêtés et sont détenus dans des lieux inconnus. Il n'y a aucun espace d'expression, aucun ! Le gouvernement fait ce qu'il veut, pour le bénéfice des hommes d'affaires qui investissent dans ces barrages et des autorités locales qui sont en faillite et veulent se renflouer ainsi. La politique du gouvernement central sera ensuite de drainer cette électricité du Tibet pour alimenter l'« usine du monde » en Chine orientale. Voilà le niveau de contrôle auquel nous devons faire face.

Quels risques pour l'environnement découlent de ces nouveaux barrages ?

Les Chinois n'ont pas tiré les leçons de leur propre passé. En 1988, la Chine a été frappée par de très graves inondations sur le Yangtze. Ces projets auront des conséquences majeures pour les populations en aval. En amont, les terres inondées vont forcer des populations à se déplacer, submerger des monastères anciens et détruire la faune et la flore uniques de cette région. Sans parler des risques. Toute la ceinture himalayenne est une zone sismique. Sur le Brahmapoutre, là où il fait un coude pour entrer en Inde, la Chine construit un mégabarrage qui fera trois fois la taille du barrage des Trois-Gorges. Si un tremblement de terre endommage gravement un barrage de cette taille, qu'arrivera-t-il aux populations en amont ?

La Chine est en train de réduire le Tibet à un robinet. Or 1,8 milliard sur les 8 milliards d'humains dépendent de l'eau qui a son origine au Tibet. Celle-ci irrigue le Pakistan, le Népal, l'Inde, le Bangladesh, la Birmanie, le Laos, le Cambodge, la Thaïlande, le Vietnam et la Chine, les pays les plus densément peuplés de la planète. Le surdéveloppement d'infrastructures au Tibet aurait un impact écologique énorme. Les dirigeants chinois ne croient que dans le développement, comme une solution à tous les problèmes. Leur pensée est très unidimensionnelle.

À quoi bon parler du changement climatique si c'est pour se taire dès que cela dérange Pékin ?

Une enquête de Libération a d'ailleurs souligné que la Mairie de Paris, dont le dalaï-lama est pourtant citoyen d'honneur, était réticente à le faire intervenir par visioconférence sur ces sujets environnementaux pour un événement. Pourquoi est-ce si difficile pour le Tibet de travailler avec des institutions en France ?

Ces dirigeants ne comprennent pas le message de Sa Sainteté sur l'interdépendance de tous les êtres. Ils ne comprennent qu'une chose : leur intérêt propre. J'étais surpris d'apprendre moi-même l'interdépendance entre l'Amazonie, le poumon de la planète, et le Tibet, le toit du monde. Quand il pleut plus en Amazonie, il neige moins au Tibet, et inversement. Les conséquences du changement climatique sur l'un sont corrélées à celles sur l'autre. Les transformations écologiques du Tibet ont un impact global. Inviter le dalaï-lama pour parler de cela, ce n'est pas se mêler de politique en Chine. À quoi bon parler du changement climatique à longueur de COP si c'est pour se taire dès que cela dérange Pékin ?

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