Bruno Retailleau sur la fin de vie : « Ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale est très grave »

bruno retailleau sur la fin de vie : « ce qui s’est passé à l’assemblée nationale est très grave »

Bruno Retailleau sur la fin de vie : « Ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale est très grave »

L'Assemblée nationale débattra dans l'hémicycle à partir du 27 mai du projet de loi sur la fin de vie, à partir d'un texte profondément remanié par les 70 députés de la commission parlementaire spéciale. Cette copie, élaborée sous la houlette du député Olivier Falorni, qui se bat depuis des années pour instaurer une aide légale à mourir, ouvre considérablement le champ de la loi, en faisant sauter plusieurs critères qui en bornaient l'application.

À tel point que même la présidente de la commission, l'ex-ministre de la Santé Agnès Firmin-Le Bodo, a fait part publiquement de ses désaccords. Après débat et vote à l'Assemblée, le texte sera examiné par le Sénat. Où l'attend de pied ferme la majorité de droite. Son patron, le sénateur LR de Vendée, Bruno Retailleau, livre son analyse en exclusivité pour Le Point sur ce premier débat parlementaire.

?Le Point : Comment réagissez-vous au texte sorti de la commission spéciale de l'Assemblée nationale ?

Bruno Retailleau : Tous les cadres ont sauté. Je ne suis pas surpris. J'ai toujours dit que l'encadrement de « l'aide à mourir » était illusoire. En cinq jours, cette commission spéciale a accompli une trajectoire que la Belgique avait mis vingt-deux ans à effectuer, et le Canada huit ans. C'est la démonstration de ce que je dénonce, avec d'autres, depuis le début : à partir du moment où l'on épouse la logique du droit à mourir, les engrenages s'enclenchent et la machine des « droits à » s'emballe pour aller toujours plus loin, franchir toujours plus de limites. C'est ce qui s'est passé.

Le texte va être soumis à un débat parlementaire en hémicycle. Ce n'est pas donc pas celui-ci qui sortira tel quel de l'Assemblée?

Je n'en sais rien. Ce que je sais, en revanche, c'est que, depuis le départ, Emmanuel Macron a fixé une trajectoire en masquant ses intentions. On a biaisé le débat, en tordant les mots, au point de ne pas parler d'euthanasie et de suicide assisté alors que c'est bien cela dont il s'agit. C'est d'une hypocrisie absolue : cachez ces mots que je ne saurais voir ! Quant à la « fraternité » évoquée par Emmanuel Macron, nous sommes dans l'exact inverse. Être fraternel, ce n'est pas donner la mort, mais donner la main, c'est adopter une éthique de la vulnérabilité pour aider les plus fragiles jusqu'au bout, pas les abandonner, seuls, devant une alternative radicale. Un tel texte, s'il est adopté, conduira les plus vulnérables à se poser cette question insupportable : suis-je un fardeau pour mon entourage, pour la société ? Ce serait l'expression d'un individualisme poussé à son extrême limite, où les liens ultimes sont abolis.À LIRE AUSSI À la maison médicale Jeanne-Garnier, les leçons de vie face à la mort

Le texte initial prévoyait des verrous pour cantonner le champ d'application du texte. Beaucoup ont sauté en commission spéciale, mais il sera toujours possible de les rétablir?

Il faut évidemment mener le combat. Et je veux saluer nos courageux députés qui, dans cette commission, n'ont rien lâché. Mais les « verrous » dont vous parlez n'en étaient pas, en réalité. Car le but de ce texte n'est pas tant d'abréger les souffrances, ce qui était déjà l'objet de la loi Claeys-Leonetti, mais d'aller un cran plus loin dans la logique progressiste de la revendication prométhéenne d'émancipation. Dans cette perspective, tout garde-fou est perçu comme une restriction, un obstacle à la liberté personnelle qu'il convient d'éliminer. Le seul intérêt que je perçois dans cette commission est qu'elle nous a permis de voir en accéléré ce qui pourrait se passer si un tel texte était adopté, à savoir un enclenchement mécanique inexorable. C'est ce qui s'est passé en Belgique, aux Pays-Bas, au Canada. Au départ, on parle de maladie en phase terminale ; à l'arrivée, on passe à des maladies incurables. Au départ, on cantonne aux adultes ; à l'arrivée, on intègre les enfants. Au départ, seuls les malades disposant de leurs capacités de discernement sont concernés ; à l'arrivée, le droit est ouvert aux handicapés. Dans tous les pays qui ont autorisé simultanément le suicide assisté et l'euthanasie, le second finit par prendre le pas sur le premier. Quant à intégrer dans un même texte les soins palliatifs et l'euthanasie, la pente descendra naturellement vers cette dernière, tellement plus simple, tellement moins chère également. Il existe un « Quality of Death Index » qui mesure la qualité du bien mourir dans chaque pays, et qui montre qu'on meure toujours moins bien dans les pays qui autorisent l'euthanasie. Dans ce classement, la Belgique a été rétrogradée entre 2015 et 2021 de 21 places, et le Canada de 11 places.

La Cour des comptes a souligné que 400 personnes par jour meurent sans soulagement nécessaire en France, que 22 départements ne disposent pas d'unités de soins palliatifs. C'est un vrai scandale.

Même si l'enveloppe allouée est très en deçà des besoins, selon les praticiens, le texte prévoit de développer les soins palliatifs?

Mais il n'y a pas besoin d'une loi pour cela ! Tout est déjà prévu par un texte de 1999. Ce qui manque, surtout, ce sont les moyens. De nouveaux moyens, pas une nouvelle loi : c'est ce que demande une majorité de soignants dans les services concernés. Pourquoi ne sont-ils pas écoutés ? La Cour des comptes a souligné que 400 personnes par jour meurent sans soulagement nécessaire en France, que 22 départements ne disposent pas d'unités de soins palliatifs. C'est un vrai scandale. Alors même que la plus grande crainte des Français, qui motive leur position sur la fin de vie, c'est la souffrance. Tous les spécialistes le disent : quand la souffrance physique et psychologique est apaisée, la demande de mort recule toujours. Le volet sur les soins palliatifs dans ce projet est donc un alibi pour faire passer la pilule. On se donne bonne conscience. Emmanuel Macron est le président qui aura été le plus loin sur le plan sociétal, en promouvant la constitutionnalisation de l'IVG, la PMA pour toutes, et maintenant l'euthanasie. Les dirigeants qui échouent à améliorer le quotidien des Français se réfugient toujours dans le sociétal.

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Dans les détails, que reprochez-vous au texte qui sera présenté dans l'hémicycle ?

Ce qui s'est passé dans cette commission spéciale de l'Assemblée nationale est très grave. Dans le texte initial, l'euthanasie n'était autorisée qu'en cas d'impossibilité physique de se donner soi-même la mort. Ce critère a sauté. Désormais, donc, l'euthanasie est une option parmi d'autres, au même niveau que le suicide assisté. Pis, l'euthanasie devient un soin, car elle entre dans le Code de la santé publique. On fait disparaître aussi la notion de « pronostic vital engagé » ; après la commission spéciale, on passe à la notion de phase terminale avancée. Résultat, comme je le soulignais précédemment, on élargit considérablement le périmètre des maladies éligibles, en l'étendant aux maladies dégénératives, aux cancers métastasés. Et les députés veulent créer un délit d'entrave à l'aide à mourir puni de 15 000 euros d'amende. Un anesthésiste qui, demain, réanime quelqu'un qui a souhaité mettre fin à ses jours pourra-t-il être accusé de délit d'entrave ? Tout comme les bénévoles d'associations qui accompagnent des personnes en fin de vie ? Nous sommes dans une rupture anthropologique. Le Conseil d'État avait ainsi mis en garde le gouvernement début avril en disant que ce projet de loi introduisait une double rupture. D'une part, parce qu'il inscrit la fin de vie dans un horizon qui n'est plus celui de la mort imminente. D'autre part, parce qu'il autorise pour la première fois un acte dont l'intention est de donner la mort. Si ce texte est adopté, il sera plus facile de demander la mort que d'accéder à des soins pour être accompagné et soulagé. C'est une conception de la médecine qui aura des répercussions très graves sur l'idée que nous nous faisons de la dignité humaine et, pour le coup, de la fraternité que nous devons aux plus fragiles d'entre nous.

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La majorité sénatoriale que vous conduisez fera-t-elle rempart contre le texte ?

Conformément à sa tradition, le Sénat n'examinera pas ce texte sous un biais idéologique, mais en rappelant que derrière la satisfaction de revendications individuelles, nous sommes face à un nouveau projet de société. Chacun a bien évidemment son intime conviction, et je pense pour ma part justement que, dans ces domaines si délicats et si fondamentaux, la loi doit avoir la sagesse de ne pas vouloir prétendre régenter tout ce qui relève de l'intime. La frontière entre la vie est la mort est une zone grise, une zone mystérieuse et parfois difficilement discernable, qu'il faut savoir préserver.

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