«En Nouvelle-Calédonie, le problème n’est pas politique, il est identitaire»

FIGAROVOX/TRIBUNE - Dans cet archipel, il faut sortir du problème politique pour affronter la vraie question, celle de la blessure identitaire du peuple autochtone, les Kanaks, estime Eric Descheemaeker, professeur de droit privé à l’Université de Melbourne (Australie).

«en nouvelle-calédonie, le problème n’est pas politique, il est identitaire»

Des manifestants à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, le 21 mai 2024.

Eric Descheemaeker est professeur de droit privé à l'Université de Melbourne.

L'erreur politique majeure en Nouvelle-Calédonie, depuis 35 ans, a été de poursuivre en même temps deux idées pourtant contradictoires. La première était de faire jouer la démocratie, c'est-à-dire laisser décider le peuple calédonien (défini comme tous les autochtones kanaks et aussi les allochtones, d'origine européenne ou autre, mais seulement ceux qui étaient déjà présents en 1988 et leurs descendants).

La seconde était de préparer l'île pour l'indépendance. Institutionnellement, tout a été fait depuis l'accord de Nouméa, en 1998, pour faire de la Nouvelle-Calédonie un proto-État qui, le jour venu, pourrait devenir indépendant, et signer un accord d'association avec la France pour l'exercice des fonctions régaliennes. On a ainsi donné à la Nouvelle-Calédonie un Congrès – avec un véritable pouvoir législatif –, un Sénat (coutumier), une «citoyenneté», un drapeau, etc. Tout cela, avant de demander au peuple son avis.

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On avait espéré que la contradiction demeurerait latente, et que le «peuple calédonien» voterait pour l'indépendance. Mais il a refusé, à trois reprises, cette indépendance et signifié qu'il entendait rester français. La contradiction a donc explosé au visage du gouvernement : la démocratie n'a pas voulu du sens de l'Histoire qu'on avait voulu lui faire ratifier.

Les autorités de l’État se retrouvent aujourd'hui dans une position intenable. Juridiquement, il n'y a pas d'autre choix que de faire machine arrière. La période d'autodétermination est achevée ; il faut donc rendre le droit de vote à tous les citoyens français sur l'archipel. Le compromis proposé par le gouvernement, dans l'espoir de ne pas (trop) courroucer le camp indépendantiste, ne passera pas la censure de la Cour européenne des droits de l’homme : en démocratie, chaque citoyen majeur peut voter, sauf s'il en a été interdit par décision motivée de justice. Il faudra aussi faire machine arrière sur la citoyenneté calédonienne, et tant d'autres choses également. Un proto-État qui n'a plus vocation à devenir indépendant n'a pas de sens.

De l'autre côté, les indépendantistes ont montré leurs vraies couleurs : ils n'ont que faire de la démocratie (même d'une démocratie excluant nombre de nos compatriotes). Ce que ce violent refus du «dégel», pourtant fort partiel, des listes électorales, signe c'est un refus d'accepter la fin du processus d'autodétermination. Il n'y a pour eux qu'une issue acceptable, l'indépendance – y compris, bien sûr, contre les urnes.

Si ces émeutes ont, politiquement, un très grand avantage, c'est de faire éclater au grand jour cette contradiction. Il n'y a pas (et sans doute n'y a-t-il jamais eu) de volonté de «destin commun» sur l'île : il y a eu un processus d'autodétermination-décolonisation qui a été interprété chez les loyalistes comme un exercice démocratique, et chez les indépendantistes comme le faux nez de l'indépendance, ou plus exactement une forme d'indépendance-association qui consisterait à ce que la France continue, à ses frais, de gérer les missions régaliennes pour le compte d'un autre État.

Dans ces conditions, on ne comprend pas bien les appels à sortir de l'«impasse politique». Impasse il y a bien en Nouvelle-Calédonie, mais il n'est pas possible d'en sortir. Une large minorité de la population (quasi toute kanake) veut l'indépendance et n'a cure de la démocratie ; la majorité (essentiellement européenne et allochtone) veut pouvoir continuer à vivre dans son pays. Il n'y a pas de compromis possible entre ces deux ambitions. On a fait semblant de croire l'inverse pendant 35 ans, mais c'est une opération qu'il n'est pas possible de recommencer. Il ne peut pas y avoir de nouveau processus d'«autodétermination», encore moins basé sur une ambiguïté délibérée.

Ça n'est pas de l'impasse politique qu'il faut sortir, c'est de la question politique.

Constitutionnellement, la Nouvelle-Calédonie est un territoire français et le restera. Même si on peut évidemment lui donner une large autonomie, comme d'ailleurs à beaucoup d'autres territoires (en outre-mer, voire en métropole), il n'y a aucune raison qu'elle jouisse d'un statut aussi à part, avec des institutions proto-étatiques. Il va falloir, c'est inéluctable, la ramener dans le giron du droit commun.

Est-ce que cela veut dire mettre le feu aux poudres, comme s'en inquièteraient les partisans du compromis (c'est-à-dire les loyalistes, puisqu'ils sont les seuls à vouloir négocier quoi que ce soit) ? Grâce aux émeutes, nous avons dorénavant la réponse : sans doute, mais quoi qu'il arrive nous aurons le feu aux poudres (pour un temps, puisque ces choses sont généralement éphémères ; on l'a vu en juillet 2023, où des émeutes que l'on croyait sur le point de renverser l'État n'ont pas tenu dix jours).

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Il n'est pas possible de ne pas changer les règles, électorales et autres : ce n'est possible ni juridiquement, car la censure de la Cour européenne des droits de l'homme s'abattrait sur la France, ni même politiquement, puisque les «dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie» du Titre XIII de la Constitution ont nécessairement vocation à être révisées, dans un avenir proche, à l'aune de la réponse donnée par le peuple calédonien en 2018, 2020 et 2021.

Cela ne veut pas dire, pourtant, que la Nouvelle-Calédonie soit condamnée à une spirale de violence sans fin. Le problème fondamental, unique à vrai dire, c'est celui de la blessure identitaire du peuple autochtone, qui a subi une violente dépossession et de multiples humiliations. Cette blessure-là, il va falloir s'atteler à la panser : mais, non seulement elle n'est pas d'ordre politico-institutionnel, toute l'énergie dépensée à régler un «problème» qui est insoluble (et qui est fondamentalement un faux problème) nous détourne de la vraie question, identitaire. On ne pourra espérer résoudre le douloureux et complexe problème calédonien qu'en comprenant d'abord qu'il n'est pas politique.

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