Charles Consigny : «Le Rassemblement national est une impasse»

FIGAROVOX/TRIBUNE - En se jetant dans les bras d'une extrême droite qui a toujours failli dans l'Histoire, les Français prendraient le risque de voir leur pays la quitter définitivement, estime l’avocat.

«Le programme du RN est d'une pauvreté intellectuelle et technique sans pareil.»

Charles Consigny est avocat et écrivain.

Ces jours-ci, les représentants du Rassemblement national ont déjà la victoire arrogante. Il n'est plus question de les contredire, de stigmatiser le manque de sérieux de leur programme, ni la faiblesse de leur casting, jusqu'à ce Premier ministre potentiel qui n'a pas trente ans, n'a pas fait d'études et n'a jamais travaillé nulle part ailleurs qu'au RN. Derrière eux, c'est aussi tout un système médiatique qui s'est mis en orchestre et n'entend plus désormais qu'on lui chante d'autre chanson que celle de la victoire du nouveau Front national, de la disparition de la droite, avalée par un parti qui pourtant, outre sa filiation historique sinistre, défend une ligne de gauche sur les sujets économiques et sociaux. On assiste même à une forme d'obstination, depuis plusieurs années, des médias à vouloir enterrer la famille gaulliste, qui s'est certes largement sabordée elle-même mais qui garde un certain écho, parce que nombre de Français, quoi qu'on en dise, sont attachés à cette idée. Cet écho ne mourra pas dans l'impasse que constitue le RN : il lui survivra et renaîtra. La France aussi.

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Le succès du RN est largement explicable. Il s'appuie, d'une part, sur les désordres entraînés par l'immigration de masse et la faiblesse des partis républicains vis-à-vis du prosélytisme et du séparatisme toujours croissants d'une partie de la communauté musulmane, qui ont achevé de lasser nombre de Français exaspérés par l'importation agressive dans notre pays de coutumes étrangères. Il prospère d'autre part sur le déclassement : nombre de nos compatriotes vivent mal alors qu'ils travaillent, parce que les salaires sont trop faibles et les prélèvements obligatoires, qu'il s'agisse de charges, de taxes ou d'impôts, sont trop élevés. Ces Français vivent d'autant plus mal leurs difficultés économiques qu'ils sont dans le même temps harcelés par un wokisme de plus en plus envahissant et stupide : être un homme hétérosexuel blanc, carnivore, patriote et capitaliste est devenu interdit. On n'a plus le droit d'être sûr de son sexe et de son genre, on ne sait plus comment draguer sans faire l'objet de poursuites pénales, on est raciste si on ne compte pas au moins une moitié de personnes racisées dans son entourage ou son entreprise, on n'a évidemment plus le droit de manger de la viande, ni de conduire une voiture thermique, d'avoir une piscine, de refuser de donner l'intégralité de l'argent qu'on gagne en travaillant au collectivisme, d'être fier de l'histoire de son pays. Tout un monde est attaqué par un mouvement furieux qui ne se rend pas compte qu'il enfante en réaction le vote d'extrême droite qu'il déplore.

Ce vote, pourtant, n'améliorera pas la qualité de vie des Français, ne nous rendra pas notre puissance et notre influence sur la scène internationale, ne rétablira pas l'efficacité de nos services publics, ne résorbera pas la dette, n'entraînera aucune diminution de la fiscalité, ne nous fera pas renouer avec cette excellence et ce génie dont nous sommes capables. Le programme du RN est d'une pauvreté intellectuelle et technique sans pareil. Comme l'a justement relevé l'ancien commissaire européen Michel Barnier, il s'agit pour la France d'un « moment Brexit », une poussée de fièvre populiste qui affaiblira notre pays comme le Brexit a affaibli le Royaume-Uni ou comme Georgia Meloni est en train d'affaiblir l'Italie. Qui peut penser que l'Angleterre est plus forte et plus écoutée aujourd'hui qu'avant de quitter l'Union européenne ? Que le niveau de vie des Anglais s'est amélioré ? Qui peut penser que l'Italie est plus forte et plus écoutée sous Meloni que sous Prodi, Monti, Renzi, quand elle comptait dans les décisions de l'Union européenne ?

Que propose le RN ? Des gadgets dérisoires révélant une perpétuation de ses vieux démons, comme l'interdiction de postes « stratégiques » aux binationaux, qui rappelle ce débat où Jean-Marie Le Pen mettait en doute la loyauté du ministre Stoleru parce que ce dernier était juif et qu'il le suspectait d'une double nationalité franco-israélienne. Une augmentation des délais de rétention des étrangers dans les centres dédiés, alors que le maximum est déjà de 90 jours et qu'une extension de cette durée ne changera rien au problème et ne fera que satisfaire les basses passions de ceux qui ont envie de voir des gens enfermés. Des choses qui existent déjà comme le vouvoiement des professeurs… Un recul sur les retraites alors qu'elles coûtent tellement cher qu'il faudra, en réalité, bientôt repousser une nouvelle fois l'âge de départ si l'on veut sauver le système par répartition. Un affaiblissement du soutien à l'Ukraine, qui sans l'appui des Occidentaux finira avalé par les Russes. Une privatisation sans nuance de l'audiovisuel public, alors qu'il pourrait ne l'être que pour partie, et au contraire réhaussé en qualité et en indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, sur le modèle de la BBC.

Seul un programme ambitieux, exigeant, réfléchi, courageux, de réduction des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques, de retour du travail, d'innovation et d'intelligence, rendra à la France toute sa force. En votant RN, les Français signifient avant tout leur désarroi et leur réprobation vis-à-vis de l'insuffisance des politiques conduites jusqu'ici. Mais ils se jettent dans les bras d'une extrême droite qui a toujours failli dans l'Histoire, et prennent le risque de voir leur pays la quitter définitivement.