Commerce et investissements : bras de fer entre Alger et Bruxelles
Commerce et investissements : bras de fer entre Alger et Bruxelles
Bruxelles voulait une réponse d'Alger au plus tard le 24 juin, et la réplique algérienne est intervenue au terme de ce délai, annonçant un durcissement du bras de fer entre l'Algérie et l'Union européenne. Le 14 juin, la Direction commerciale de la Commission européenne a saisi, par le biais d'une note verbale que Le Point Afrique a pu consulter, le Conseil d'association concernant « un différend » entre Alger et Bruxelles.
«Â Le différend en l'espèce est apparu en 2021, quand l'Algérie a commencé à introduire une série de mesures par lesquelles les autorités de l'Algérie ont imposé certaines entraves aux exportations et aux investissements de l'Union européenne en Algérie », entame ce document diplomatique. Plusieurs missives ont été, depuis, envoyées par Bruxelles au ministère algérien du Commerce. En vain.
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La dernière note verbale énumère une série de mesures prises par l'Algérie dans sa politique de l'importation et de l'investissement étranger. Par exemple, le fait d'exiger aux entreprises importatrices un certificat obtenu auprès de l'Agence nationale de la promotion du commerce extérieur (certificat Algex), « délivré après une procédure peu transparente », pour chaque opération de domiciliation bancaire ; l'interdiction d'importation de produits en marbre et en céramique ; des taux d'intégration handicapant pour l'importation ; des restrictions en termes d'actionnariat pour les importateurs ; des entraves aux importations d'Espagne à la suite de la crise entre Alger et Madrid autour du Sahara occidental?
Un arbitre à désigner
Plus généralement, l'UE souligne que les mesures algériennes pour « l'équilibre de la balance commerciale, la poursuite d'une politique de développement indépendant de la rente pétrolière et la substitution aux importations » semblent contradictoires avec l'accord d'association. Bruxelles a donc invité Alger à participer à des consultations, soit à Bruxelles, soit à Alger, dans un délai de trente jours dès la réception de la note verbale et de « répondre à la présente proposition au plus tard au 24 juin ».
Dans le cas contraire, la Commission européenne envisage d'enclencher une procédure de règlement des différends et « se réserve le droit d'évoquer des mesures et des allégations supplémentaires concernant les entraves commerciales ».
À LIRE AUSSI Crise avec Madrid : le « pompier » Josep Borrell à AlgerCe 24 juin, Alger a répondu via son ministre du Commerce, Tayeb Zitouni, dans une interview à la télévision publique, en marge de la Foire internationale d'Alger : « L'Algérie est un pays souverain, qui n'a pas de dette extérieure et ne tolère point de diktat. »
«Â L'Algérie a rationalisé l'importation et ne l'a pas arrêtée, ce qui serait inconcevable, a-t-il ajouté. L'Algérie n'a pas cessé les importations, mais ce que nous produisons, nous ne l'importerons pas. » Le ministre a cité l'autosuffisance réalisée par l'Algérie cette année en blé dur, réduisant la facture d'importation de 1,2 milliard de dollars. Selon ses chiffres, les importations annuelles de l'Algérie sont estimées à 45 milliards de dollars, dont plus de 22 milliards de l'Union européenne.
« Barrières protectionnistes »
Alger souhaite la révision de l'accord d'association, jugé plus favorable à l'UE avec des déséquilibres des échanges commerciaux au détriment de l'économie algérienne. Et dénonce, notamment, des difficultés d'accès aux marchés européens et la faiblesse des flux d'investissements directs européens à destination de l'Algérie.
Le 20 juin, l'ambassadeur de l'UE à Alger, Thomas Eckert, a déclaré au média local Maghreb Émergent espérer que les deux parties s'engagent « dans un dialogue constructif » et qu'elles puissent « négocier conjointement pour surmonter ces barrières protectionnistes » afin d'éviter une escalade qui « serait préjudiciable pour les deux parties ». C'est mal parti !