La rédaction de Marianne en grève après la révélation des liens entre son acquéreur et le RN
Cette photographie prise à Paris le 23 avril 2024 montre différents numéros du magazine français Marianne.
La rédaction de Marianne a voté jeudi 27 juin en faveur d’une grève de 24 heures reconductible, qui débute ce vendredi matin, après les révélations des liens entre le milliardaire Pierre-Edouard Stérin et le Rassemblement national. CMI France et l’acquéreur « ont décidé d’un commun accord de suspendre leurs discussions sur la cession » de l’hebdomadaire, a annoncé ce vendredi le groupe de presse.
Coup de théâtre dans la vente de Marianne : rebutée par des articles de presse affirmant que le milliardaire Pierre-Edouard Stérin avait des liens avec le Rassemblement national, la rédaction a finalement rejeté cet acquéreur, et s’est mise en grève, rapporte l’Agence France-Presse (AFP).
«Â Ce qui apparaissait comme un engagement idéologique individuel se révèle être une entreprise partisane », a estimé jeudi 27 juin dans un communiqué la Société des rédacteurs de Marianne (SRM). La rédaction s’est donc « prononcée à l’unanimité […] contre le rachat du magazine par Pierre-Edouard Stérin », à rebours d’un précédent vote le 21 juin.
Elle a demandé à l’actionnaire actuel, le groupe CMI du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, de « se mettre en quête de nouveaux acquéreurs en mesure d’assurer l’indépendance éditoriale de Marianne et la pérennité économique du titre ».
Ce vendredi, CMI France et Pierre-Edouard Stérin « ont décidé d’un commun accord de suspendre leurs discussions sur la cession de Marianne », a annoncé à l’AFP le groupe de presse du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. « Ils se retrouveront le 21 juillet pour statuer définitivement sur le sort de ces discussions », a précisé CMI France, au premier jour de la grève.
Plusieurs candidats aux élections législatives LR favorables à l’alliance avec le RN sont issus de la « galaxie Stérin », selon « Le Monde »
Puis, « faute de réponse », les salariés ont voté dans la soirée, à 80 %, en faveur d’une grève de 24 heures reconductible, qui débute ce vendredi 28 juin, dans la matinée, précise l’AFP.
Cette spectaculaire volte-face intervient au lendemain d’un article du Monde intitulé « Versailles connection : comment le milliardaire Pierre-Edouard Stérin place ses pions au RN ».
Dans cette enquête, le quotidien avance que plusieurs candidats aux élections législatives LR favorables à l’alliance avec le RN sont issus de la « galaxie Stérin ». Ils sont notamment liés au Fonds du bien commun, l’entreprise philanthropique du milliardaire de 50 ans, qui est à la tête du fonds d’investissement Otium Capital.
La propriété familiale des Le Pen à Rueil-Malmaison
Le Monde cite aussi un autre article du magazine Challenges , selon lequel Pierre-Edouard Stérin et le numéro 2 d’Otium, François Durvye, ont racheté en novembre la propriété familiale des Le Pen à Rueil-Malmaison près de Paris, via une société civile immobilière (SCI). Selon Challenges, cette propriété, où vit toujours le fondateur du FN Jean-Marie Le Pen, a été vendue 2,5 millions d’euros.
«Â Les derniers éléments portés à notre connaissance concernant Pierre-Edouard Stérin rendent les garanties d’indépendance obtenues par la rédaction insuffisantes pour exercer notre métier avec sérénité », a fait valoir la SRM. Selon elle, « la nature de l’offre de reprise s’en trouve définitivement altérée ».
Une autre offre de reprise
Le 21 juin, la rédaction avait décidé à 60,3 % de ne pas s’opposer au rachat du titre par Pierre-Edouard Stérin. Le propriétaire de Marianne, le groupe CMI de Daniel Kretinsky, est en négociations exclusives depuis mi-mai avec le milliardaire catholique conservateur pour cette cession.
Parallèlement aux négociations exclusives avec Pierre-Edouard Stérin, un challenger a fait une autre offre de reprise pour Marianne : l’entrepreneur Jean-Martial Lefranc, 62 ans, qui a fait carrière dans les jeux vidéo et avait repris le groupe de presse jeunesse Fleurus en 2009. Ce dernier a formulé une nouvelle offre de 5 millions d’euros, allié à d’autres investisseurs, parmi lesquels Henri de Bodinat, Joan Beaufort, et Philippe Corrot (cofondateur de l’entreprise de e-commerce Mirakl) qui a fait part d’un intérêt marqué.
Le montant de cette offre est toutefois jugé insuffisant pour racheter et redresser Marianne, ont expliqué à l’AFP des sources internes.