Découverte exceptionnelle d'une sandale cloutée antique, autrefois portée par un soldat romain

Ils pensaient avoir identifié les restes d'une faucille. Mais en réalisant des radiographies sur un fragment de métal courbé et fortement corrodé exhumé en Bavière, les archéologues ont finalement découvert qu'il s'agissait de parties d'une semelle de chaussure cloutée de l'Empire romain, une caliga.

Alors que dans l'Olympiastadion de Berlin (Allemagne), les différentes équipes de l'UEFA EURO 2024 s'affrontent à "coups de crampons", à environ 500 kilomètres de là, c'est un tout autre type de chaussure qui a suscité l'intérêt des foules : à côté de l'ancien fort romain d'Oberstimm (Haute-Bavière), les archéologues ont découvert les restes d'une sandale militaire à la semelle cloutée, une caliga, sans doute portée par un auxiliaire des légions romaines il y a 2 000 ans. Une incroyable découverte annoncée par l'Office bavarois pour la préservation des monuments (BLfD) le 18 juin 2024.

Découverte à la frontière de l'Empire romain

Entre la fin du Ier et le milieu du IIIe siècle, le Danube constitue l'une des frontières de l'Empire romain. Pour la protéger, notamment des peuples germanophones qui occupent alors la région, des fortifications sont édifiées sur une longueur de 550 kilomètres : des palissades, fossés et tours de guet qui constituent les "limes de Germanie supérieure et de Rhétie" – et dont les vestiges se révèlent encore aux yeux des archéologues. À travers les forêts des pieds des Alpes, ces remparts sont accompagnés d'une infrastructure de routes, forts et bâtiments dont faisait autrefois partie le camp d'Oberstimm.

C'est toutefois en périphérie de l'ancienne installation militaire, dans une colonie civile occupée entre 60 à 130 apr. J.-C., que les investigateurs ont mis à jour la curieuse chaussure en cuir, dans un puits. L'identification ne fut pas pour autant immédiate. Des radiographies ont été nécessaires pour formellement authentifier la drôle de masse comme une caliga, à la semelle et aux quelques clous "bien conservés". Si ces pièces métalliques sont fréquemment retrouvées de manière isolée sur les sites romains, il est rare que le cuir qui allait avec soit préservé (si ce n'est, dans des conditions précises).

Les caligae, chaussures militaires de marche

Les caligae faisaient autrefois partie de l'uniforme des cavaliers et les fantassins romains de rang inférieur. Dans des sources antiques, certains d'entre eux sont même qualifiés de caligati, "les bottés". Ces "sandales" lacées ajourées comportaient d'épaisses et lourdes semelles, dans lesquelles étaient insérés des clous pour la renforcer. Agissant comme des petites pointes (ou des crampons) s'enfonçant légèrement dans le sol, ils auraient empêché aux chaussures de glisser. Leur conception aurait aussi permis de réduire les frottements et donc, les ampoules, en faisant une "botte de marche idéale".

"Les soi-disant caligae étaient principalement portées par les soldats romains pendant l'époque impériale romaine [entre 27 av. J.-C. et 476 apr. J.-C.], déclare dans le communiqué Amira Adaileh, consultante au BLfD. Cette découverte montre clairement que les pratiques, les modes de vie et même les vêtements que les Romains ont apportés en Bavière ont été adoptés par les populations locales."

Un empereur romain est également connu pour avoir porté des caligae. Au début du Ier siècle apr. J.-C., le jeune Gaius Julius Caesar Augustus Germanicus accompagne son père, le général Germanicus, lors des campagnes militaires en Germanie. Car il est souvent habillé en tenue militaire version miniature – et donc, chaussé de petites caligae –, les soldats le surnomment affectueusement "Caligula", "petite botte". Un surnom devenu célèbre et qui est resté avec lui tout au long de sa vie, même après son avènement en tant qu'empereur de Rome en 37 apr. J.-C., puis son assassinat en 41 apr. J.-C.

De nombreux vestiges près de l'antique Oberstimm

Le port des caligae aurait été abandonné à la fin du siècle de Caligula. Les soldats romains lui auraient préféré les calcei, bottes en cuir également cloutées, mais fermées et plus légères. Leur usage aurait pu néanmoins persister un temps dans cette région du Danube. "Des découvertes surprenantes comme la semelle de chaussure d'Oberstimm montrent toujours à nouveau que des informations précieuses sont recueillies même après la fin des fouilles archéologiques, ajoute Mathias Pfeil, conservateur général du BLfD. Cela souligne le travail inestimable de nos restauratrices et restaurateurs."

D'autres trouvailles ont par ailleurs été réalisées dans cette ancienne colonie romaine des confins de l'Europe. Notamment, de la céramique sigillée caractéristique de l'Antiquité romaine (terra sigillata, "terre scellée"), des restes de nourriture, des outils et des composants de costumes. Après les fouilles, tous les artefacts ont été examinés et conservés par l'Office bavarois, afin de les protéger d'éventuelles dégradations. Après tout, cela faisait deux millénaires qu'ils reposaient tranquillement dans la terre.