«Ça s'est joué des décennies plus tôt» : pourquoi les rapports au sein de la fratrie se compliquent parfois à l'âge adulte

«ça s'est joué des décennies plus tôt» : pourquoi les rapports au sein de la fratrie se compliquent parfois à l'âge adulte

Entre frère et sœur, il arrive qu'un fossé se creuse avec le temps.

Quand Adèle*, 63 ans, parle de son frère cadet, sa voix dégage de la tristesse et de la déception. Elle paraît perturbée, aussi, face à ce lien du sang distendu et abîmé par une mauvaise entente. «J'ai parfois l'impression qu'on n'a pas eu les mêmes parents», confie-t-elle aujourd’hui. Les frères et sœurs ont peu en commun et donc très peu à se dire. «Il est casanier, je suis plutôt du genre à traverser la ville pour aller au restaurant ; il n'est pas curieux, j'aime aller au musée ou au cinéma ; nous n'avons rien qui nous unit», résume la Parisienne. Malgré cette distance, Adèle est sûre et certaine de la solidité de leur lien. «S’il m’appelle demain et me fait part d'un problème, j'accours immédiatement ; et je sais que la réciproque est vraie». Frère et sœur habitent à 5 minutes l’un de l’autre mais ne se voient que rarement. Depuis le décès de leurs parents, il est pourtant devenu son «unique famille».

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Nombreuses sont les fratries dont les mécanismes se grippent à l’âge adulte. Dans son cabinet de psychanalyste, Virginie Megglé (1) dit le constater tous les jours. La professionnelle écoute ainsi des souffrances liées à des disputes, des problématiques de jalousie, de possessivité. «Les relations fraternelles paraissent intemporelles et indissolubles, commente la psychanalyste. Pour la plupart de mes patients, il est alors compliqué d'accepter qu’elles ne se passent pas bien.» Et pour cause : comment peut-on être soudé dans l’enfance et ne pas ou plus se comprendre à l’âge adulte ? Moins ou rien partager avec celui ou celle avec qui l’on a vécu et pourtant tout partagé ?

Un éloignement naturel

Au sortir de l’enfance, une distance saine s’installe entre frères et sœurs, répond d’emblée la psychanalyste. «Une fratrie n'est pas faite pour vivre ensemble toute la vie, souligne la spécialiste. Pour le développement et l'indépendance de chacun, il est bon de se séparer après l'enfance.» Cette distance s’installe naturellement et progressivement : l'un part étudier dans une autre ville, l'autre se lance dans une carrière, un autre encore devient parent… Dans certaines configurations, cet éloignement peut détériorer les relations familiales. «Nos expériences nourrissent nos réflexions et creusent parfois un fossé avec notre famille d'origine», commente Monique de Kermadec, psychologue clinicienne et auteure du livre Oser la colère (2). Un partenaire de vie peut aussi nous faire ouvrir les yeux et nous faire prendre conscience de la manière dont on est traité au sein de sa famille. «Une simple phrase prononcée par un conjoint, telle que “je me demande comment tu peux supporter cela”, peut être un véritable déclic, précise la psychologue. Quand on se rend compte que l'on n'a pas su poser de limites et qu'on n'y parvient toujours pas, le premier réflexe est de s'éloigner.»

Une fois adulte, c’est aussi l’enfance qui peut se rejouer et avec ellela jalousie, les rancœurs ou tout ce qui n’a jamais été dit. «En étant petit, on active le mode de survie en négligeant sa santé psychique pour favoriser l'entente familiale», explique Virginie Megglé. En grandissant, la somme des frustrations et blessures non pansées prennent de l'ampleur, et vient le temps des règlements de compte. «Nous croyons interagir dans le présent avec nos frères et sœurs, mais en réalité, ce qui se vit actuellement s'est joué des décennies plus tôt, tout est dans l'inconscient», poursuit la psychanalyste.

Et nous avons beau vivre ensemble, notre histoire n’est pas la même que celle de nos frères et sœurs. «Nous avons les mêmes parents mais chacun vit une enfance différente, rappelle la psychologue Monique de Kermadec. À chaque naissance, le père et la mère se comportent différemment en fonction de leurs expériences et de leur disponibilité du moment.» Notre place dans la fratrie est aussi déterminante. L’aîné, par exemple, en faisant de chaque membre du couple un parent, a une place tout à fait particulière, un rôle lourd de sens. Puis, le cadet veut détrôner l’ainé pour garder sa place dans le ventre de sa mère... «Chacun peut, de son propre point de vue, éprouver la sensation que l'on empiète sur son territoire, commente la psychanalyste Virginie Megglé. Et si pendant l'enfance, les parents n'ont pas veillé à ce que chacun ait vraiment sa place, la jalousie, les rivalités et la vulnérabilité enfantines se perpétuent.»

Renoncer à l’idéal de la famille soudée

De quoi abîmer les uns et les autres. «Lorsqu’on se retrouve, chaque interaction avec mes frères et sœurs est violente émotionnellement, décrit Diénéba*, trentenaire et petite dernière d'une fratrie de 12. Leurs blagues piquantes, leur incapacité à se réjouir de mes réussites professionnelles, leur fâcheuse tendance à ressortir de vieilles histoires de l'enfance... C'est comme si on était des gamins qui habitaient encore dans l'appartement de l'époque.» Aujourd’hui, la jeune femme trouve les racines de son mal dans son histoire, différente de celle de ses frères et sœurs. Elle a trois ans lors de la séparation de ses parents et du départ du foyer familial de son père. Elle grandit en le rejetant, sa culture malienne incluse, à l'inverse de ses frères et sœurs qui en font leur construction identitaire. «Ils partagent entre eux une solidarité et des souvenirs que je n'ai pas et ils me pensent plus privilégiée qu'eux, comme s'ils me reprochaient ma position de dernière. Je ne me sens jamais prise au sérieux et surtout étrangère à ma propre famille, au point de me dire “j'ai été adoptée, ce n'est pas possible autrement”.»

Que faire alors de la souffrance ? Faut-il couper les ponts pour se protéger ? Diénéba y songe après chaque repas de famille, assure-t-elle. «Mais je suis aussi rongée par la culpabilité d'être celle qui les met à distance alors qu'on est liés par les liens du sang. En réalité, je crois qu’il me serait plus coûteux de couper le contact avec eux.» Alors pour s’apaiser, une solution pourrait être d’instaurer une distance saine avec les autres ou d’entamer le deuil de l’enfance et «renoncer à l'idéal d'une famille soudée», ajoute la psychanalyste Virginie Megglé. À 32 ans, Amélie a décidé de se faciliter la vie en acceptant que sa sœur de 20 ans son aînée ne changera jamais. «Auparavant, je me forçais à passer du temps avec elle, j'allais chez elle à Noël, je déjeunais avec elle pour faire plaisir à ma mère, mais ces efforts me coûtaient beaucoup», confie-t-elle. Les deux femmes ont des personnalités opposées. Amélie décrit sa grande sœur «pas comme une étrangère, mais presque». Avec le temps, la jeune femme a appris à se connaître et à savoir ce qu’elle était prête à accepter de sa sœur. Aujourd’hui plus «apaisée», Amélie dit avoir «appris à l'aimer» en réussissant à «l'accepter telle qu'elle est». Et en apprécie d'autant plus les rares moments partagés.

*Les prénoms ont été modifiés.

(1) Frères, sœurs : guérir de ses blessures d'enfance, de Virginie Megglé, (Éd Leduc), 224 pages, 17 €.

(2) Oser la colère, de Monique de Kermadec, (Éd. Flammarion), 320 pages, 20 €.

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