Législatives 2024 : la France insoumise n’investit pas les frondeurs Alexis Corbière et Raquel Garrido
Raquel Garrido et Alexis Corbière, le 15 février 2023 à l'Assemblée nationale.
Toute la semaine, la menace a plané, mais rares sont ceux qui voulaient y croire. A peine l’accord du Front populaire scellé, la France insoumise a publié sa liste de candidats aux législatives, qui écarte plusieurs députés sortants identifiés comme critiques de la direction. Ni l’ancienne députée de Seine-Saint-Denis Raquel Garrido, ni Alexis Corbière, élu de Bagnolet, ne font partie de la liste des candidats investis par le mouvement pour les législatives des 30 juin et 7 juillet. Egalement écartée, Danielle Simonnet à Paris, mais aussi Hendrick Davi, député sortant de Marseille, ou encore Frédéric Mathieu, élu en Ille-et-Vilaine. Tous s’étaient montrés plus ou moins critiques de la stratégie de la direction ou du manque de démocratie du mouvement. Raquel Garrido, Alexis Corbière et Danielle Simonnet ont pourtant fait partie des plus proches de Jean-Luc Mélenchon, membres de la petite garde rapprochée qui a quitté le Parti socialiste avec lui en 2008 pour fonder le Parti de gauche, ancêtre de la France insoumise.
Tous ont été écartés de la bataille législative sans avoir avertis, alors que l’accord du Nouveau Front populaire devait reconduire tous les députés sortants. «Je découvre à l’instant que LFI a décidé de ne pas m’accorder l’investiture. On me fait payer le crime de lèse-Mélenchon», écrit Garrido sur les réseaux sociaux, annonçant dans le même temps maintenir sa candidature en Seine-Saint-Denis. En 2022, elle avait conquis cette circonscription qui compte notamment Bobigny et Drancy en battant la droite incarnée par Jean-Christophe Lagarde. «Je gagnerai cette élection contre le RN et contre ce pseudo-insoumis […] Honte sur toi Jean-Luc Mélenchon. C’est du sabotage. Mais je ferai mieux. Nous ferons mieux», dénonce-t-elle sur X, en référence à l’appel de Jean-Luc Mélenchon au soir du premier tour de la présidentielle 2022. Auprès de Libération, Alexis Corbière confirme qu’il mènera également la bataille à Montreuil et Bagnolet (Seine-Saint-Denis) : «Je suis évidemment candidat. Il faut une gauche démocratique. Je serai élu pour cela.»
Conflit ancien
La décision de LFI d’évincer le couple intervient après de longs mois de conflit entre les deux ex-députés et le premier cercle mélenchoniste. En décembre 2022, ils avaient été exfiltrés de la direction du mouvement, en même temps que d’autres figures, comme Clémentine Autain et François Ruffin, sans justifications. Les deux élus franciliens étaient pourtant des «Bébé-Mélenchon», formés à ses côtés dans le courant de la Gauche socialiste dans les années 90, avant d’accompagner l’ancien socialiste au ministère de l’Enseignement professionnel entre 2000 et 2002 puis de mener la campagne victorieuse du «Non» à la constitution européenne.
Également «frondeurs», Clémentine Autain et François Ruffin ont, eux, été investis. Sur les réseaux sociaux, le député de la Somme a écrit un message sans concession adressé à la direction de la France insoumise. «Je ne suis pas passé sous les fourches caudines de votre bêtise, votre sectarisme. Vous préférez un homme qui frappe sa femme, auteur de violences conjugales, à des camarades qui ont l’impudence d’avoir un désaccord avec le grand chef. Notre démocratie mérite mieux que vous», a-t-il grincé. «Une purge», a de son côté dénoncé Clémentine Autain.
Tard dans la soirée, ceux qu’on appelle les «insoumis insoumis» étaient en contact, alors qu’ils étaient encore abasourdis. «C’est au delà de tout..., s’indignait l’un d’eux. Ils ont attendu le plus tard possible pour annoncer les investitures pour ne pas laisser le temps à ceux qui n’étaient pas investis de publier leurs bulletins et leurs professions de foi». Un peu plus tôt dans la journée, la boucle Whatsapp des députés insoumis, sur laquelle ils échangent quotidiennement, avait été fermée. Depuis lundi, des lieutenants de Mélenchon laissaient planer la menace, intimant aux «frondeurs» de «trembler». Les socialistes avaient averti qu’ils ne laisseraient pas passer une telle purge. Selon les informations de Libération, Olivier Faure, le patron du Parti socialiste, a appelé Manuel Bompard dans la soirée. «Alexis Corbière et Raquel Garrido sont des députés qui mènent nos combats pour l’égalité en Seine-Saint-Denis. Ils sont nos candidats du Nouveau Front populaire», a réagi Stéphane Troussel, le président PS du département. «Avec une grosse mobilisation, ils peuvent être élus», voulait croire un proche des fondeurs.
Pour le scrutin du 30 juin et du 7 juillet prochain, Raquel Garrido se voit remplacée dans sa circonscription par le militant associatif Aly Diouara. Selon les informations de Libé, celui-ci a été embauché pendant 6 ans par la mairie de Bobigny, alors dirigée par l’UDI. Il a également travaillé avec l’ancien député UDI Jean-Christophe Lagarde, placé en garde à vue dans le cadre d’une enquête sur de fausses accusations du Point ayant visé Raquel Garrido et Alexis Corbière.
La terre d’élection d’Alexis Corbière, qui avait lancé sa campagne la veille et qui devait intervenir au nom du Front populaire samedi matin sur France Info, est confiée à Sabrina Ali Benali, médecin urgentiste. A Paris, Danielle Simonnet est remplacée par l’ancienne numéro 2 de la CGT, Céline Verzeletti. A Marseille, c’est Allan Popelard, un éditeur contributeur régulier du Monde diplomatique, qui est investi à la place de Hendrik Davi, proche de Clémentine Autain. LFI a en revanche bien décidé de soutenir Adrien Quatennens, condamné pour violences conjugales, dont le cas fait débat depuis le début de la semaine à gauche.