La Chine lance des manœuvres militaires autour de Taïwan, une « punition sévère » contre son nouveau président
La Chine lance des manœuvres militaires autour de Taïwan, une « punition sévère » contre son nouveau président
La Chine encercle ce jeudi 23 mai Taïwan avec des navires et des avions militaires, dans le cadre de manœuvres présentées par Pékin comme une « punition » contre son nouveau président Lai Ching-te et les forces « indépendantistes » de l’île.
Le ministère taïwanais de la Défense a « condamné fermement » ces exercices et annoncé avoir « déployé des forces maritimes, aériennes et terrestres […] pour défendre la liberté, la démocratie et la souveraineté » du territoire. La porte-parole de la présidence taïwanaise a déploré « le comportement militaire provocateur » de Pékin.
Ces exercices surviennent trois jours après le discours d’investiture de Lai Ching-te. La Chine avait jugé ces propos comme un « aveu de l’indépendance de Taïwan » et avait menacé les autorités taïwanaises de « représailles ».
« La région de Taïwan est un baril de poudre »
La Chine estime que Taïwan est l’une de ses provinces, qu’elle n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949 et l’arrivée au pouvoir des communistes.
Les manœuvres ont débuté jeudi à 7h45 et doivent durer jusqu’à vendredi, a indiqué dans un communiqué Li Xi, le porte-parole du théâtre Est de l’armée chinoise. Elles se déroulent « dans le détroit de Taïwan, au nord, au sud et à l’est de l’île de Taïwan, ainsi que dans les zones situées autour des îles de Kinmen, Matsu, Wuqiu et Dongyin ». Ces dernières îles sont situées à proximité immédiate de la côte est chinoise.
Les gardes-côtes chinois ont annoncé dans la foulée avoir lancé un « exercice de maintien de l’ordre » près des îles taïwanaises de Wuqiu et Dongyin. Leurs homologues taïwanais ont également déployé leur flotte en mer.
Ces manœuvres constituent une « punition sévère pour les actes séparatistes des forces “indépendantistes de Taïwan” et un avertissement sévère contre l’ingérence et la provocation des forces extérieures », a indiqué Li Xi.
« Joint Sword-2024A »
La Chine continentale, dirigée par le Parti communiste, dit privilégier une réunification « pacifique » avec le territoire insulaire de 23 millions d’habitants gouverné démocratiquement. Mais elle n’a jamais renoncé à employer la force militaire.
Baptisées « Joint Sword-2024A », ces nouvelles manœuvres impliquent l’armée de terre, la marine, l’armée de l’air et l’unité des fusées. L’objectif est de « tester les capacités de combat réelles conjointes des forces du commandement », a indiqué le porte-parole.
Diplomatie internationale : tous les chemins mènent à Pékin
A la télévision d’Etat chinoise CCTV, Zhang Chi, professeur à l’Université nationale de Défense à Pékin, a indiqué que les manœuvres visaient à « imposer un blocus économique sur l’île » en « étranglant » le port de Kaohsiung, stratégique pour Taïwan. Un tel blocus permet de couper « les importations d’énergie vitales pour Taïwan » et « bloquer le soutien que certains alliés des Etats-Unis fournissent aux forces “indépendantistes de Taïwan” », selon lui.
CCTV a publié une carte montrant les neuf zones où se déroulent les exercices. La plus proche de l’île de Taïwan semble située à moins de 50 kilomètres des côtes.
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S’exprimant à Canberra, le général américain Stephen Sklenka a jugé la situation « inquiétante ».
Lors de sa prestation de serment lundi, Lai Ching-te, qualifié par le passé de « dangereux séparatiste » par Pékin, avait appelé la Chine à « cesser ses intimidations politiques et militaires ». Les séparatistes taïwanais « seront cloués au pilori de la honte pour l’histoire », avait réagi mardi le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi. Cette semaine, la Chine a également répliqué en sanctionnant plusieurs entreprises américaines pour dénoncer la vente d’armes par les Etats-Unis à Taïwan.
« Fausse route »
Depuis l’arrivée au pouvoir sur l’île de Tsai Ing-wen (2016-2024), dont le parti, le même que Lai Ching-te, considère ce territoire comme déjà indépendant, les autorités taïwanaises ont renforcé leurs liens avec les Etats-Unis. « S’appuyer sur les pays étrangers, c’est faire fausse route », a indiqué jeudi l’armée chinoise dans un message montrant d’impressionnantes et menaçantes images d’avions de chasse, de navires et de missiles. « La patrie doit être réunifiée et sera inévitablement réunifiée », a-t-elle affirmé.
Les précédents exercices militaires chinois d’ampleur autour de Taïwan avaient eu lieu en août 2023, une « sévère mise en garde » selon Pékin après une visite de Lai Ching-te, alors vice-président, aux Etats-Unis. Pékin avait aussi lancé des manœuvres d’une envergure historique en août 2022 après la visite sur l’île de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis.
10 choses à savoir sur Lai Ching-te, le nouveau président de Taïwan qui irrite la Chine
«В L’exercice actuel s’appelle Joint Sword-2024A, ce qui signifie probablement qu’il y en aura plusieurs cette annГ©eВ В», le « AВ В» laissant entendre qu’il s’agit du premier d’une sГ©rie, indique l’analyste Bill Bishop dans sa lettre d’information Sinocism.
Un conflit dans le détroit de Taïwan, même si la plupart des experts excluent cette hypothèse à court terme, aurait un effet dévastateur pour l’économie : plus de 50 % des conteneurs transportés dans le monde transitent par ce détroit et l’île produit 70 % des semi-conducteurs de la planète.