Des archéologues mettent à jour un artefact en ivoire vieux de 1 500 ans, particulièrement "unique"

Une très rare boîte en ivoire, décorée de scènes bibliques et contenant potentiellement autrefois des reliques sacrées, a été exhumée dans une église autrichienne des Ve-VIe siècles.

Cet artefact chrétien, consacré comme l'une des parties les plus "saintes" d'une église, était habituellement l'un des premiers emportés lors de l'abandon de l'édifice religieux. Les fragments de ce qui formait autrefois une pyxide, un récipient rond en ivoire et décoré de riches motifs, ont été retrouvés dans le sud de l'Autriche, au plus grand bonheur des archéologues – et autrefois sûrement, le désarroi de ses anciens propriétaires, qui ont laissé derrière eux cet objet de grande valeur au VIe siècle.

D'après les chercheurs de l'université autrichienne d'Innsbruck, qui annoncent leur découverte dans un communiqué du 25 juin 2024, seule une quarantaine de boîtes en ivoire de ce type sont connues dans le monde. Rares sont les reliques de ce type retrouvées dans leurs contextes archéologiques d'origine. Elles sont généralement conservées dans les trésors des cathédrales ou exposées dans des musées. La dernière fois qu'une pyxide a été identifiée lors de fouilles remonterait ainsi à environ un siècle.

Établissement oublié de la fin de l'Antiquité

Cela fait depuis 2016 que les archéologues autrichiens mènent des fouilles sur une colline occupée à la fin de l'Antiquité, Burgbichl, située près d'Irschen (Carinthie, Autriche). À partir du IVe siècle environ, il était devenu plus fréquent que des établissements soient établis en hauteur, car ils étaient ainsi plus faciles à défendre que ceux des vallées. "Vers la fin de l'Empire romain, les temps sont devenus plus incertains, surtout dans les provinces périphériques de l'empire, y compris dans la région qui est aujourd'hui l'Autriche", explique Gerald Grabherr, membre de l'équipe à l'origine de la trouvaille.

"L'année 610 marque un tournant", ajoute-t-il. Non loin de l'implantation d'Irschen, une armée slave affronte les forces bavaroises des Baioarii. La victoire, remportée par les Slaves, marque la rupture de la région avec le monde méditerranéen antique. Mais aussi, avec le christianisme, puisqu'ils apportent leur propre panthéon de dieux. L'établissement de Burgbichl est abandonné par ses habitants.

Il est complètement oublié, jusqu'à ce que 1 500 ans plus tard, des scientifiques y mettent leurs nez – et surtout, leurs mains. Ils y ont documenté plusieurs habitations, deux édifices religieux, une citerne, d'anciens effets personnels… Mais c'est dans la chapelle latérale d'une église primitive des Ve-VIe siècles, caché sous l'autel, qu'ils ont déniché en 2022 les morceaux de la fameuse pyxide d'environ 20 centimètres sur 30, la première à être décelée dans son contexte archéologique dans le pays.

Un reliquaire en ivoire unique très fragile

La restauration du reliquaire, conservée à l'université d'Innsbruck, constitue depuis sa découverte un véritable défi : l'ivoire dont sont faits ses fragments a eu tendance à absorber l'humidité de son environnement, le sol. Il est ainsi particulièrement fragile et facilement endommageable. "Un séchage non contrôlé peut entraîner des rétrécissements et des fissures, causant ainsi des dommages irréparables", ajoute dans le communiqué Ulrike Töchterle, responsable de l'atelier de restauration.

Une fois excavé, le rare artefact était ainsi exposé à un "risque de condensation et de formation de moisissures [...] très élevé". Un processus de séchage "très prudent et prolongé" a permis d'en préserver des morceaux individuels pour pouvoir les analyser. La déformation des parties les plus grandes de l'objet, en raison de l'humidité, rend toutefois impossible la reconstitution de la pyxide dans son état d'origine. Les scientifiques travaillent actuellement sur une reconstruction en 3D.

Les décorations déjà observables sur ses restes représentent une variété de scènes bibliques. Sur une section, un homme au pied d'une montagne se voit recevoir quelque chose d'une main. Y est vue une représentation de la remise des Dix Commandements à Moïse sur le mont Sinaï. Une autre figure un homme sur un char attelé tiré par la main vers le ciel. Les experts supposent qu'il s'agit de la représentation de l'ascension du Christ. Gerald Grabherr développe auprès de Newskeek :

La représentation de scènes de l'Ancien Testament et leur lien avec des scènes du Nouveau Testament est typique de la fin de l'Antiquité et s'inscrit donc parfaitement dans notre pyxide ; cependant, la représentation de l'Ascension du Christ avec une "bige" (biga en latin) — un char à deux chevaux — est très particulière et jusqu'ici inconnue.

Enquête sur la pyxide : que contenait-elle ?

Était initialement supposé que la boîte renfermait un contenu sacré, peut-être les restes d'un saint. La disposition des différents éclats dans le reliquaire suggère néanmoins qu'elle était déjà cassée à la fin de l'Antiquité. Vidée, elle aurait été enterrée dans cet état sous l'autel. "La pyxide était probablement aussi considérée comme sacrée et traitée en conséquence, car elle était en contact avec une relique. Son importance archéologique et historique ne peut être niée", souligne l'archéologue.

C'est parce qu'il était considéré comme particulièrement sacré que ce type de reliquaire était généralement emporté lorsqu'une église était abandonnée – du moins, en théorie. Par la suite, ces "vases" en forme de boîte richement décorés ont fini par être déposés à côté ou suspendus au-dessus de l'autel, où ils servaient à conserver la réserve eucharistique (les hosties consacrées) à l'abri.

Les investigations se poursuivent sur le rare artefact chrétien de Burgbichl, notamment sur son ivoire – dont les chercheurs tentent de découvrir l'origine – ses composants métalliques, les restes de colle… Retrouvées en son sein, des parties en bois appartenant vraisemblablement à sa fermeture, sont aussi en cours d'analyse. Il n'est pas complètement exclu qu'il s'agisse des restes d'une relique. Quoi qu’il en soit réellement, ils pourraient aider les experts à dater plus précisément le curieux objet.