Législatives en France : le Portugal tremble pour l’Europe
Législatives en France : le Portugal tremble pour l’Europe
Une fois n'est pas coutume au Portugal, les regards sont tournés vers la France. Le petit pays ibérique, situé aux confins de l'Europe de l'Ouest, observe avec des yeux ronds l'épisode politique de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, provoquant de fait des élections législatives anticipées les 30 juin et 7 juillet prochains.
Comme en France, les Portugais analysent avec lucidité le coup politique tenté par Emmanuel Macron : le jeune président français a convoqué des élections législatives anticipées en mode express, misant sur les divisions de la gauche (qui s'est finalement unie sous la bannière du Nouveau Front populaire), pour se présenter comme le seul recours possible face au Rassemblement national (RN), grand vainqueur des dernières élections européennes en France. « Le sort pourrait se retourner contre le sorcier », analyse le quotidien Público.
L'Europe bloquée ?
Certes surprise et parfois consternée, la presse lusitanienne s'inquiète surtout des conséquences du vote des Français sur l'avenir de l'Union européenne, à laquelle les Portugais sont globalement plus attachés que les Français, probablement parce que le pays est un bénéficiaire net de la solidarité européenne sur le plan budgétaire (+ 17,67 milliards entre 2014 et 2020), à la différence de la France (- 44,6 sur la même période).
Público, qui prédit une victoire du RN obligeant probablement Macron à une cohabitation, met en garde : « Cette situation pourrait bloquer la politique étrangère, non seulement à Paris, mais avec des effets sur l'ensemble de l'Union européenne. »
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Alors, certes, ce sera toujours un président de la République proeuropéen qui siégera à la table du Conseil européen au moins jusqu'en 2027, sauf surprise. La presse portugaise rappelle, à grand renfort de pédagogie, que la politique externe de la France est une prérogative coutumière du chef de l'État, depuis de Gaulle, le bâtisseur du régime semi-présidentielle qui est le nôtre. Ouf ! Mais si le parti lepéniste arrivait au pouvoir, cela ferait tout de même courir un risque de paralysie sur certains dossiers budgétaires.
Jordan Bardella, le président du RN, entend réduire la contribution de la France au pot commun de 2 milliards d'euros s'il devient Premier ministre. Certains budgets sectoriels de l'Union européenne, sur lesquels d'hypothétiques ministres RN auraient leur mot à dire ? le Portugal ayant en tête les positions eurosceptiques du parti, mais surtout l'aide à l'Ukraine, au sujet de laquelle le parti de Jordan Bardella est pour le moins frileux, si ce n'est ambigu ?, pourraient être menacés.
António Costa, empêché ?
Toujours sur le volet européen, le Portugal joue gros dans la mandature qui s'ouvre. Le pays s'est battu pour placer à la tête du Conseil européen son ancien Premier ministre socialiste, António Costa. « Il n'y a pas d'autre socialiste en lequel j'ai le plus confiance », a récemment estimé l'actuel Premier ministre portugais, Luís Montenegro (centre droit). En visite à Paris le 19 juin, où il a rencontré Emmanuel Macron, le chef du gouvernement a également déclaré qu'il était « dans l'intérêt du Portugal et de l'Europe » d'avoir son ex-concurrent politique António Costa « à la tête » de cette institution qui définit les orientations et les priorités politiques de l'Union européenne. Selon Expresso, un hebdomadaire portugais, cette nomination est déjà garantie.
À LIRE AUSSI Les jeux sont faits pour les top jobs européensLa question se pose maintenant de savoir quelle attitude adoptera la France vis-à-vis des affaires européennes si la droite nationale-populiste venait à prendre le pouvoir ou, en cas de paralysie à l'Assemblée, faute de majorité, comment l'Union européenne parviendra-t-elle à avancer sur ses dossiers les plus stratégiques. « L'Europe que nous connaissons aujourd'hui a été construite à partir de l'alliance entre la France et l'Allemagne, rappelle Público. La France est incontournable. » Le RN à Matignon, un fil à la patte pour António Costa ?