Films, séries, jeux vidéo... : la nouvelle invasion viking
Game of Thrones est une série qui a connu un succès planétaire.
Ils sont partout : dans les films, les séries, les jeux vidéo, la musique… Depuis les années 1960, les farouches scandinaves vikings ont conquis vaillamment l’industrie du divertissement.
Pour le neuvième art, l’authenticité importe peu. Créé en 1962 dans le comic book américain Journey into Mystery, publié par Atlas puis Marvel, le personnage de Thor, inspiré du dieu du tonnerre nordique, est un super-héros blond et viril qui évolue dans quantité d’univers, brouillant son identité première de fils d’Odin. Sa transposition sur grand écran, à partir de 2011, avec Chris Hemsworth, rappelle que la culture pop a tendance à aseptiser le monde viking.
Les amateurs de BD franco-belge apprécient davantage l’irruption savoureuse (et anachronique) des Vikings chez les Gaulois dans Astérix et les Normands (1966). Les barbares de Goscinny et d’Uderzo y révèlent leur plus grand désir : apprendre à avoir peur ! Imaginé en 1977 par l’auteur de BD belge Jean Van Hamme, qui en fait un descendant des Atlantes, Thorgal a, lui, une nature pacifiste qui détonne parmi les guerriers du Nord. Comme Vic le Viking ? Ce fils de chef de clan est le héros de livres suédois pour enfants adaptés sous forme d’une série animée, diffusée en France à partir de 1979. Ingénieux, Vic n’a rien d’un combattant et parvient – en se frottant le nez ! – à se sortir de tous les dangers.
Littérature, des classiques fantasy sous influence
Avant d’être un triomphe planétaire, avec trois films réalisés par le Néo-Zélandais Peter Jackson, Le Seigneur des anneaux est un roman en trois volumes du Britannique J. R. R. Tolkien paru en 1954. Empruntant à diverses sources, dont le cycle germanique de L’Anneau du Nibelung, il n’est pas dénué de références à la mythologie nordique. Membre-fondateur du Viking Club dans les années 1920, Tolkien installe ses personnages dans la Terre du Milieu (un terme qui ressemble au Royaume du Milieu des Scandinaves anciens). Un long pont droit conduit de leur univers à celui des dieux, tandis qu’un pont arc-en-ciel réunit les deux mondes dans la mythologie nordique…
De nombreux symboles vikings apparaissent aussi dans la saga, notamment l’arbre-monde Yggdrasil . Une même inspiration traverse une autre saga littéraire ayant aussi accouché d’une fiction, cette fois télévisée. Le cycle du Trône de fer, publié à partir de 1996 et qui a donné Game of Thrones, diffusée sur HBO, témoigne de l’attachement de son auteur, l’Américain George R. R. Martin, aux légendes des terres glacées. Le peuple insulaire des Fers-Nés, capable de mener des raids foudroyants, y rappelle ainsi, par son organisation et sa nature farouche, les marins vikings.
Séries télévisées, l’histoire remise au goût du jour
Les séries offrent, a priori, le support idéal pour des sagas vikings s’appuyant sur d’amples arcs narratifs. Lancée en 2013, riche de six saisons et de 89 épisodes, la coproduction canado-irlandaise Vikings, diffusée sur la chaîne History, tente de concilier impératifs commerciaux et respect des connaissances historiques. Certains événements, dont le raid sur le monastère anglais de Lindisfarne en 793, et nombre de personnages ont réellement existé, mais les inexactitudes abondent. «J’ai été obligé de prendre des libertés avec l’histoire, parce que personne ne sait avec certitude ce qui s’est passé, a reconnu l’auteur-producteur de la série, Michael Hirst. Un traité historique aurait passionné des centaines de personnes. Ici, on cible des millions de gens.»
Il s’est pourtant attaché à livrer une représentation crédible du mode de vie viking. On ne peut en dire autant de son spin-off de 2022, Vikings : Valhalla, diffusé par Netflix, qui retrace notamment l’histoire des enfants d’Erik le Rouge au Groenland, et qui sacrifie à un esprit du temps défiant tout bon sens : on y voit une femme noire devenir chef viking et des guerrières mettre en déroute des hommes plus puissants qu’elles.
Cinéma, du réalisme à la fantasmagorie
Après l’échec du film américain muet Les Vikings, sorti en 1929, il fallut attendre 1957 et la volonté d’un acteur-producteur pour mettre en chantier un nouveau long-métrage portant le même titre. Avant de devenir «le» visage du Viking pour des millions de spectateurs, Kirk Douglas délocalisa sa superproduction en Norvège et en confia la réalisation au scrupuleux cinéaste Richard Fleischer. «Cela a nécessité un an de préparation, racontait ce dernier. Kirk et moi avons décidé d’en faire le film le plus authentique. Nous avons bénéficié de l’aide du chef du département d’études scandinaves d’UCLA et du conservateur du musée des Navires vikings d’Oslo, à qui j’ai demandé des conseils, des esquisses et toutes sortes d’objets.» Fleischer fit construire trois drakkars qu’il filma dans de vrais fjords, non loin d’un village viking reconstitué.
En marge du récit guerrier et sentimental, la vie quotidienne était également représentée. Malgré les anachronismes (une scène est tournée dans les Côtes-d’Armor, au Fort-la-Latte, un château en pierre, alors que ceux des Vikings étaient en bois), la superproduction fut une réussite doublée d’un succès mondial. Six ans plus tard, réalisé par le chef opérateur des Vikings, Jack Cardi , un autre film, Les Drakkars, décrivait un affrontement entre Vikings et Maures lors d’une chasse au trésor navale. De nos jours, l’exotisme a cédé la place à la fantasmagorie, notamment avec Valhalla (2019), de Fenar Ahmad, qui met en scène deux enfants luttant pour sauver de l’apocalypse le royaume des dieux, tandis que The Northman, réalisé en 2022 par Robert Eggers, s’apparente davantage à un voyage sensoriel intense et brutal qu’à un film historique. Ce dernier film n’a rencontré qu’un succès mitigé au box-office.
Jeux vidéo, le panthéon revisité
L’inclusion est aujourd’hui de mise. Dans Assassin’s Creed : Valhalla, sorti en 2020 sur PC et consoles, les joueurs peuvent décider qu’Eivor, le protagoniste déterminant l’action, sera un homme… ou une femme, ce qui est conforme à la réalité historique, car les guerrières ont bel et bien existé du temps des Vikings (bien qu’étant très minoritaires). L’univers est tout aussi respecté, ce titre ayant bénéficié de la collaboration d’historiens. Autre production acclamée par la critique, God of War : Ragnarök, sortie en 2022 sur consoles Playstation, se déroule à la fin du «terrible hiver», le Fimbulvetr, qui précède le Ragnarök, l’apocalypse. Cette superproduction s’inspire de la mythologie nordique et met en scène de nombreuses divinités : avec son ventre proéminent, Thor est très éloigné de la représentation qu’en ont faite les productions Marvel.
Quant à Odin, dieu principal du panthéon et antagoniste du héros Kratos, il est fidèle à la description que l’on retrouve dans les légendes. Souvent représenté comme une sorte de Zeus omniscient et imposant dans les productions hollywoodiennes (et notamment par Anthony Hopkins dans les films de super-héros), il est ici un être ténébreux parcourant le monde vêtu d’un long manteau sombre. À la fin de l’aventure, on lui doit l’un des plus époustouflants twists scénaristiques de l’histoire des jeux vidéo…
Mode, sport et musique… des vikings à toutes les sauces
S’il est un pays qui célèbre les intraitables guerriers sous toutes leurs coutures, c’est bien le Danemark, depuis les jeux vikings estivaux de Frederikssund avec ses marchés costumés et duels à l’épée, la possibilité de sortir en mer, à Roskilde, à bord d’un drakkar… ou d’assister à des défilés de mode viking. Sous-genre du heavy metal avec des intonations folk, le viking metal essaime, quant à lui, dans toute la sphère scandinave. Paroles évoquant la mythologie nordique, usage d’instruments traditionnels ; cette musique est illustrée, entre autres, par le groupe Wardruna et par le musicien Danheim qui ont contribué à la bande-son de la série télévisée Vikings. Quant à l’artiste Rasmussen, il a fait sensation à l’Eurovision en 2018…
La fascination qu’exercent ces conquérants s’exporte aussi aux États-Unis, où l’équipe de football de Minneapolis s’est baptisée les Vikings du Minnesota, sur la foi d’une pierre runique, à l’authenticité contestée, qui raconte que des explorateurs scandinaves atteignirent ce coeur de l’Amérique au XIVe siècle ! Le revival viking a encore de beaux jours devant lui.
➤ Article paru dans le magazine GEO Histoire n°75, Qui étaient vraiment les Vikings, de mai-juin 2024.
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