Au salon Eurosatory, la future politique française de défense en question
Des soldats de l'armée française installent un Caesar au salon international Eurosatory, le 16 juin 2024.
Eurosatory, le salon international de défense et de sécurité terrestre, s'est ouvert lundi à Paris avec la signature de premiers contrats, mais a aussi soulevé des interrogations sur la future politique française de défense, alors que la vie politique est marquée par l'organisation des élections législatives anticipées les 30 juin et 7 juillet prochains.
Des premiers contrats signés et des interrogations sur la future politique française de défense en cas d'alternance : Eurosatory, le plus grand salon international de défense et de sécurité terrestre, s'est ouvert lundi 17 juin au nord-est de Paris.
Dans les allées du parc des expositions de Villepinte, au milieu des blindés exposés, les équipements mis en lumière par le conflit en Ukraine figurent en bonne place, qu'il s'agisse d'obus ou missiles de toutes sortes, de drones, ou de systèmes anti-aériens.
Avec l'invasion par la Russie de son voisin, nombre de pays, notamment en Europe, ont pris conscience qu'ils étaient loin d'avoir des capacités et stocks suffisants pour dissuader une agression ou y faire face si nécessaire.
Le salon bénéficie donc d'une affluence record, avec plus de 2 000 exposants et 270 délégations officielles. Les entreprises israéliennes sont cependant absentes, le gouvernement français les ayant jugé indésirables dans le contexte des opérations israéliennes meurtrières à Gaza.
Un groupement d'ONG a obtenu vendredi du tribunal judiciaire de Bobigny l'interdiction d'Eurosatory à tout représentant ou intermédiaire israélien, en plus des exposants, décision dont l'organisateur Coges Events, soutenu par l'État, a fait appel.
Eurosatory, "c'est une plateforme de rayonnement, de relation avec l'écosystème de défense et de contacts commerciaux", résume Emmanuel Levacher, président du fabricant de blindés Arquus.
Comme de nombreux exposants, l'industriel français en profite pour annoncer un contrat de modernisation de 54 blindés VAB avec le Qatar et présenter un nouveau véhicule, le Mav'rx. Ce transport de troupes au blindage renforcé a été développé en neuf mois en tirant les leçons du conflit ukrainien, pour répondre aux besoins de l'"économie de guerre".
Ce concept, évoqué par le président français Emmanuel Macron lors du précédent Eurosatory, il y a deux ans, vise à pousser les industriels à produire davantage et plus rapidement pour répondre à des besoins soudains.
"Les efforts qu'ont produits nos industriels sont très importants et produisent des résultats qui sont au rendez-vous", s'est félicité le ministre des Armées Sébastien Lecornu en inaugurant le salon.
Caesar et Mistral
Selon lui, "en deux ans, nous avons su collectivement en France parfaire notre modèle de fiabilité", a-t-il lancé devant un parterre de représentants militaires étrangers, alors que la pérennité du modèle de défense français repose sur les exportations.
Le ministre a notamment levé le voile sur des contrats qui seront signés au cours de la semaine : un achat conjoint de canons Caesar avec l'Estonie et la Croatie, un autre achat conjoint de 1 500 missiles de défense anti-aérienne de courte portée Mistral avec l'Estonie, la Belgique, Chypre et la Hongrie, et une commande de radars GM200 de Thales par un pays européen.
Le groupe français a annoncé lundi matin en avoir vendu deux au Brésil et qu'il allait quadrupler sa production d'obus de mortier de 120 mm à la suite d'une commande française de plusieurs dizaines de milliers d'obus.
Ces équipements sont emblématiques de la montée en cadence amorcée par les industriels depuis deux ans : la production du GM200 est passée de 12 à 24 et bientôt 30 par an, celle du Caesar a été multipliée par trois depuis 2022, celle des Mistral doit passer de 10 à 40 appareils par mois d'ici l'an prochain et les délais de production être divisés par deux.
La perspective d'un changement possible de majorité politique en France laisse pourtant planer un doute dans les allées du salon sur la poursuite de la politique engagée.
"Peut-être que l'économie de guerre a elle aussi été dissoute, malheureusement la guerre ne s'éloigne pas et la concurrence ne s'endort pas non plus", estime Emmanuel Levacher.
En fonction de la majorité qui l'emportera, les industriels s'interrogent sur l'avenir des programmes en coopération, notamment avec l'Allemagne, mais aussi de la politique d'exportation d'armes que mènera le futur gouvernement, ou encore sur la mise en œuvre de la loi de programmation militaire, qui prévoit de consacrer 413 milliards d'euros dans la défense d'ici 2030.
L'un d'eux se veut philosophe : "Je crois beaucoup au principe de réalité."
Avec AFP