"L'extrême droite reste l'extrême droite": les assureurs mutualistes s'opposent au Rassemblement national
Les dirigeants des sociétés mutualistes s'affichent ouvertement contre le Rassemblement national depuis l'annonce de la dissolution dimanche, en accord avec les valeurs qu'ils affichent, des voix rares parmi le patronat. "Même derrière un physique avenant et une jolie cravate, l'extrême droite reste l'extrême droite", a écrit dès dimanche soir le directeur général d'Aéma (qui chapeaute entre autres la Macif) Adrien Couret sur son compte Linkedin, accompagnant sa déclaration d'une photo du chef de file du Rassemblement national Jordan Bardella.
"Il est temps que notre classe politique se réveille et regarde en face les raisons du désaveu. Il est temps que la société civile s'arme de vigilance", a-t-il continué. L'annonce dimanche soir d'une dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, juste après une victoire nette du Rassemblement national aux élections européennes, place ces derniers en position de force dans les élections législatives à venir les 30 juin et 7 juillet.
"Face au risque de voir le Rassemblement national gouverner la France dans quelques semaines, le temps est à la mobilisation et en particulier des milieux économiques", a réagi de son côté le patron de la Maif Pascal Demurger, dans une déclaration transmise à l'AFP. "Il nous revient de rappeler que le programme du Rassemblement national est contraire aux intérêts du pays", a-t-il ajouté, citant pêle-mêle la perspective d'une "explosion de dépenses publiques non financées", d'un "danger pour l'emploi" ou encore d'un "coup d'arrêt à la transition écologique" conduisant "au déclin".
Le logo de l'assureur mutualiste Maif, au siège du groupe à Niort (Deux-Sèvres), le 8 mars 2021 (photo d'illustration).
"Valeurs humanistes"
Les "propositions sociales" issues de l'extrême droite sont "incompatibles avec les valeurs républicaines d'égalité et de fraternité", a déclaré mercredi la Mutualité française, qui fédère les complémentaires santé à statut mutualiste. Les mutuelles "sont fondées sur un principe de solidarité et donc vraiment très ancrées sur des valeurs humanistes", décrypte Alexandre Hanence, consultant du cabiney Bartle. Elles craignent dans le programme de l'extrême droite une "remise en cause du contrat social", selon lui, notamment les spécialistes de la santé et de la prévoyance.
Ce modèle mutualiste, qui détient une part de marché très forte dans le secteur de l'assurance avec pléthore d'acteurs (MMA, GMF, Maaf, Matmut, Groupama...), est différent des sociétés privées présentées souvent comme "capitalistes". Moins focalisées sur la maximisation du profit, les clients (ou sociétaires) des mutuelles ont voix au chapitre dans un certain nombre de décisions stratégiques. Contactée par l'AFP, la fédération professionnelle des assureurs, qui englobe les différentes familles de l'assurance, n'a pas souhaité faire de commentaires.
L'assurance dommages est a priori solide, le besoin des particuliers et des entreprises d'assurer leur habitation ou leur voiture restant le même quel que soit le parti au pouvoir. Le métier reste en revanche sensible à l'inflation, qui s'applique au coût des sinistres remboursés par les assureurs, aux nouvelles lois portées par tel ou tel camp. À titre d'exemple, la député écologiste Sandrine Rousseau avait porté l'an dernier une proposition de loi pour améliorer l'indemnisation des particuliers victimes du phénomène de retrait-gonflement des sols, à l'origine de coûteux dommages dans les maisons.
Nouveau Front populaire
Néanmoins, à gauche, dans le programme du Nouveau front populaire publié vendredi à la mi-journée, rien ne ciblait spécifiquement l'assurance. L'assurance vie, produit d'épargne largement répandu en France – plus de 18 millions de souscripteurs pour quelque 1.961 milliards d'euros – est en revanche plus sensible aux mouvements sur les marchés. L'assurance "a quand même un business qui est par nature un peu plus résilient", souligne Alexandre Hanence.
La grande compagnie d'assurance française cotée en Bourse, Axa, a un peu limité la casse par rapport à ses concurrents bancaires. Le titre a baissé d'environ 11,5% cette semaine, plus que le CAC 40 mais moins que BNP Paribas, Crédit Agricole SA et surtout Société Générale.