Euro 2024. Alternatives au tiki-taka, pépites à foison… Une nouvelle Espagne en solide outsider
Yamal (16 ans), Pedri (21 ans) et Oyarzabal (27 ans) représentent la nouvelle Espagne, qui a sa carte à jouer lors de l’Euro 2024.
Après des années 2010 dans la gloire, l’Espagne a vécu une traversée du désert. Jusqu’à 2023 et l’arrivée d’un nouveau sélectionneur, Luis de la Fuente, qui a dépoussiéré la Roja : fini le jeu uniquement basé sur le « tiki-taka », place aux ailiers explosifs et aux pépites pour mettre le feu. Avec des résultats dès cet Euro 2024, malgré sa présence dans le « groupe de la mort » ?
Vous souvenez-vous de l’Espagne des années 2010, celle portée par ses Barcelonais et Madrilènes, sur le toit de l’Europe en 2008 et 2012, et du monde entre les deux ? Cette époque paraît révolue. Depuis 14 ans, la Roja n’a atteint les quarts de finale d’une compétition européenne majeure qu’une seule fois. C’était d’ailleurs lors du dernier Euro, chutant dans le dernier carré face au futur vainqueur italien (1-1, 4-2 tab). Depuis, la sélection s’était pris les pieds dans le tapis au Qatar lors du Mondial 2022, éliminé par le Maroc en huitième de finale (0-0, 3-0 tab). Comme un symbole d’une morne décennie qui s’étire, durant laquelle les Espagnols n’ont alterné qu’entre le moyen et le très mauvais, avec des sorties en poules (Mondial 2014) ou en huitième (Euro 2016, Mondial 2018).
Mais depuis l’arrivée de Luis de la Fuente à la tête de l’équipe en décembre 2022, la Roja a retrouvé des couleurs avec un titre (Ligue des nations 2023) et de la confiance, avant un Euro 2024 où elle apparaît comme un sérieux outsider malgré un groupe de la mort (Croatie, Italie, Albanie) qu’elle entamera par un match contre la Croatie, samedi 15 juin (18 h).
Luis de la Fuente, symbole de méritocratie
Il est arrivé comme le sauveur, faisant de la Ligue des nations 2023 une oasis en plein désert : Luis de la Fuente a mis tout le monde d’accord depuis son arrivée à la tête de la sélection après le Mondial 2022 raté au Qatar, en témoigne sa récente prolongation jusqu’en 2026. A 62 ans, l’ex-joueur de l’Athletic Bilbao n’a pas connu les bancs du Barça ou du Real Madrid comme ses prédécesseurs. Moins ronflant sur le papier, mais autrement plus efficace. Il est arrivé à la tête des « A » après avoir gagné comme sélectionneur des moins de 19 ans (Euro 2015) puis des espoirs (Euro 2019).
Menant aussi l’équipe olympique à la médaille d’argent en 2021, avec une bande formée notamment par Unai Simón, Marc Cucurella, Martín Zubimendi, Mikel Merino, Mikel Oyarzabal, Pedri ou encore Dani Olmo, des joueurs qui seront aussi de l’aventure pour sa première grande compétition chez les grands, cet Euro 2024. Une forme de continuité qui a été suivie par de bons résultats dès son arrivée avec les « A ». En 14 matches, sa Roja l’a emporté 10 fois (pour deux nuls et deux défaites), terminant en tête de son groupe de qualifications devant l’Écosse et la Norvège. Pour soulever la Ligue des nations en juin 2023, l’Espagne a battu ses deux principaux rivaux de la poule de la mort qui l’attend pour l’Euro 2024 : l’Italie (2-1) puis la Croatie (0-0, 5-4 tab).
La lumière rallumée sur les couloirs
A la loupe, une statistique n’est pas anodine : la sélection hispanique a terminé avec la troisième meilleure attaque des éliminatoires (25 buts) derrière le Portugal et la France. C’est dire le changement de style opéré par cette nouvelle Espagne. Finis la passe à dix stérile et un jeu incapable de déstabiliser un bloc défensif. Place à l’Espagne feu d’artifice. Sur ses trois derniers matches, la Roja a marqué 13 buts face au Brésil (3-3), puis à Andorre (5-0) et l’Irlande du Nord (5-1). Le point fort du nouveau sélectionneur ? Sa capacité d’adaptation à l’effectif. Alors que le « tiki-taka », ce jeu de possession à haute intensité avec des transmissions rapides, avait fait le fort des Espagnols dans leurs heures de gloire, il n’était plus efficace depuis des années. Et ce malgré l’entêtement des sélectionneurs successifs.
Évidemment, Luis de la Fuente n’a pas tout changé. Avec sa charnière franco-espagnole Robin Le Normand - Aymeric Laporte et son milieu Olmo - Rodri - Pedri, les relances propres et les connexions techniques seront un point fort. Mais pas le seul, voilà la différence. Grâce à la richesse de son effectif, s’exprime désormais aussi une forme d’imprévisibilité sur les ailes, portée par Nico Williams à gauche et Lamine Yamal à droite, afin de servir un Alvaro Morata qui n’attendait que ça après de longues années à évoluer en pointe d’un système qui ne lui convenait pas.
Des pépites bien encadrées
Cette nouvelle animation offensive est une belle synthèse de ce que la sélection espagnole peut offrir durant cet Euro 2024 : un mix entre jeunes et cadres expérimentés. A l’image de Yamal, le virevoltant ailier du FC Barcelone qui, à 16 ans seulement, a fait des débuts retentissants en club (50 matches, 7 buts, 10 passes décisives) et en sélection (7 matches, 2 buts et 7 passes décisives) cette année. Un peu plus âgé mais tout aussi surprenant sur l’autre aile, Nico Williams (21 ans) a pris la lumière du côté de l’Athletic Bilbao (37 matches, 8 buts et 17 passes décisives) et arrive dans une forme intéressante en prévision de l’Euro.
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Ils pourront compter, derrière eux, sur l’inoxydable Dani Carvajal (32 ans) qui vient de remporter sa sixième Ligue des champions avec le Real Madrid et sur Alex Grimaldo (28 ans), étincelant champion d’Allemagne avec le Bayer Leverkusen. Le milieu de terrain ne manquera pas de cadre non plus, à commencer par le capitaine, Rodri. Le milieu de Manchester City, véritable métronome des Skyblues sous Pep Guardiola, pourrait tout à fait maintenir à lui seul la structure de son équipe, avec l’aide du jeune Pedri (25 ans) si son corps lui épargne les blessures. Du talent, de la fraîcheur, de l’expérience… Ne manque qu’un vécu collectif à cette Roja pour faire d’elle un nouveau cador sur la scène continentale.